Pesticides : données
L’exposition aux pesticides est généralisée en sein de la population générale française, mais elle reste à préciser pour certains sous-groupes de la population
- En France, les niveaux d’imprégnation de la population générale par les pesticides restent mal connus, y compris chez les enfants et les riverains de cultures agricoles. Depuis 2006, Santé publique France réalise des études de biosurveillance visant à estimer l’imprégnation de la population française par les polluants de l’environnement dont certains pesticides.
- Les résultats de l’étude ENNS (Étude nationale nutrition-santé) ont fourni la première estimation en France continentale de l’imprégnation par certains pesticides chez 400 adultes âgés de 18 à 74 ans, en 2006-2007.
- Les résultats issus de la cohorte Elfe (Étude longitudinale depuis l’enfance) ont donné une première photographie de l’imprégnation en 2011 des femmes enceintes françaises par les pesticides, en France continentale. Dans cette étude, plus de 1 000 femmes enceintes ont fait l’objet d’un dosage de pesticides dans des prélèvements d’urine.
Les résultats de ces études montrent que :
- La population générale est exposée aux pesticides, à usage domestique ou agricole (des substances chimiques telles que des pyréthrinoïdes ont été détectés chez la totalité des femmes enceintes, des pesticides organophosphorés ont été quantifiés chez la quasi-totalité de la population générale).
- Les niveaux d’imprégnation augmentent avec les usages domestiques de pesticides (insecticides, anti-poux et antipuces), la consommation de tabac, d’alcool et de poissons.
- La présence de certaines cultures agricoles à proximité du lieu de résidence semble associée à une augmentation des niveaux d’imprégnation. Toutefois, en l’absence de mesures de concentration en pesticides dans l’air (intérieur ou extérieur) et dans les poussières au domicile, ces résultats nécessitent d’être confirmés par des études complémentaires.
Il n’existe pas à l’heure actuelle, de représentation nationale de l’imprégnation des enfants par les pesticides. Les résultats de l’étude Esteban, conduite par Santé publique France, fourniront des premières données d’imprégnation pour cette population sensible, en France continentale.
En savoir plus
Exposition de la population française aux substances chimiques de l'environnement. Tome 2 - Polychlorobiphényles (PCB-NDL). Pesticides
Imprégnation des femmes enceintes par les polluants de l'environnement en France en 2011. Volet périnatal du programme national de bios...
La prévalence des expositions aux pesticides est élevée parmi les travailleurs agricoles
À travers la construction d’une matrice cultures expositions (MCE) vigne-pesticides arsenicaux, le projet Matphyto a évalué l’utilisation des dérivés arsenicaux en viticulture en France métropolitaine et a déterminé une prévalence d’usage de ceux-ci de 1945 à 2001, date de leur interdiction. Cette prévalence d’usage a permis d’estimer la prévalence d’exposition aux pesticides arsenicaux, qui varie de 20 à 35 % chez les personnes présentes au sein des exploitations professionnelles viticoles. Le croisement de cette matrice avec les recensements agricoles de 1979, 1988 et 2000 a fourni un nombre d’exposés aux pesticides arsenicaux parmi les travailleurs viticoles pour chaque année du recensement, ainsi qu’un descriptif (âge, sexe, temps de travail, etc.) de cette population.
Ces travaux permettent d’estimer que, sur les périodes étudiées (1979, 1988 et 2000), entre 60 000 et 100 000 personnes ont travaillé sur des exploitations agricoles utilisant des pesticides arsenicaux pour le traitement de la vigne. Ces personnes travaillaient dans des exploitations viticoles dans lesquelles ont été utilisés, d’après la MCE vigne-pesticides arsenicaux, près de 15 kg d’arsenic en 1979, 18,4 kg en 1988 et 26,8 kg en 2000. Ces chiffres sont des quantités moyennes d’arsenic utilisées par exploitation ; l’augmentation de ces quantités n’est pas due à une augmentation de la dose par hectare mais à une surface moyenne de vigne par exploitation qui augmente : 4,2 ha en 1979, 5,3 ha en 1988 et 7,6 ha en 2000.
De telles données permettent la mise en place d’une prévention secondaire et tertiaire ciblée sur la population identifiée, notamment pour éviter le développement ou l'aggravation de certains cancers induits par les dérivés arsenicaux, en agissant à un stade le plus précoce possible. La survenue de toute pathologie listée dans le tableau n°10 du régime agricole doit inciter les patients et le corps médical à rechercher une éventuelle cause professionnelle à cette maladie et à envisager une éventuelle réparation au titre de la reconnaissance en maladie professionnelle.
L’exposition à la chlordecone en Martinique et Guadeloupe
Depuis 1973, la Guadeloupe et la Martinique sont confrontées à un problème de pollution de l’environnement par la chlordécone, un insecticide organochloré employé jusqu’en 1993 pour lutter contre le charançon du bananier.
Dans ce contexte, Santé publique France contribue à améliorer les connaissances de l’exposition de la population générale et des travailleurs agricoles à la chlordécone. En 2018, Santé publique France a publié des résultats concernant :
- L’exposition de la population antillaise à la chlordécone et à d’autres pesticides ;
- Les indicateurs de surveillance du cancer de la prostate.
Imprégnation par la chlordécone
L’étude Kannari « santé, nutrition et exposition à la chlordécone aux Antilles », coordonnée par Santé publique France, fournit les premiers niveaux d’imprégnation par la chlordécone et d’autres pesticides organochlorés (lindane, DDT, etc.) au sein de la population générale antillaise. Les résultats de cette étude indiquent que :
- L’imprégnation par la chlordécone chez les adultes est généralisée aux Antilles : ce pesticide est détecté chez plus de 90 % des individus ;
- Les niveaux d’imprégnation sont contrastés au sein de la population d’étude : 5 % des participants ont une imprégnation au moins dix fois plus élevée que l’imprégnation moyenne ;
- Depuis 2003, on observe une diminution de l’imprégnation par la chlordécone pour la majorité de la population, mais le niveau des sujets les plus exposés ne diminue pas.
Exposition des travailleurs agricoles de la banane
L’étude Matphyto DOM, réalisée par Santé publique France et financée en partie par le plan Écophyto, a permis d’évaluer les expositions professionnelles aux pesticides utilisés par les travailleurs de la banane, dont la chlordécone. Selon cette étude, la grande majorité des travailleurs agricoles dans les bananeraies antillaises ont été exposés à la chlordécone à l’époque où ce pesticide était utilisé (77 % en 1989). Par ailleurs, les travailleurs de la banane aux Antilles sont encore exposés aujourd’hui à d’autres pesticides ayant également des effets potentiellement nocifs pour la santé.
Santé publique France et l’Inserm ont reconstruit, à partir d’archives et de données récentes, la cohorte des travailleurs de la banane. Cette cohorte, aujourd’hui composée de plus de 13 000 travailleurs, permet d’étudier l’état de santé de cette population très exposés à divers pesticides.
Surveillance épidémiologique du cancer de la prostate aux Antilles
La chlordécone est suspectée être un agent cancérogène et augmenter le risque de cancer de la prostate.
Santé publique France a réalisé une étude sur les indicateurs de surveillance épidémiologique du cancer de la prostate aux Antilles en partenariat avec l’Institut national du cancer, les Hospices civils de Lyon et le réseau français des registres des cancers Francim (dont sont membres les registres des cancers de Guadeloupe et Martinique).
Cette étude a montré que les taux d’incidence du cancer de la prostate en Guadeloupe et en Martinique se situent parmi les plus élevés au monde. Un résultat à rapprocher de la situation d’autres îles de la Caraïbe et de la population américaine et britannique d’origine africaine. Cependant, l’analyse spatiale de la distribution des cas de cancer de la prostate en Martinique ne montre pas d’excès dans les zones contaminées par la chlordécone. Le rôle d’autres facteurs de risque expliquant ce taux élevé de cancer de la prostate reste à étudier.
Evolution des usages de pesticides de la banane en Guadeloupe et Martinique en 1981, 1989, 2000 et 2010
Pour en savoir plus :
- Synthèse faisant le point sur les travaux de Santé publique France et de l'Anses
- Imprégnation de la population antillaise par la chlordécone et certains composés organochlorés en 2013/2014 – Étude Kannari
- Evaluation des expositions professionnelles aux pesticides utilisés dans la culture de banane aux Antilles et description de leurs effets sanitaires – Projet Matphyto DOM
- Document technique pour la construction de la matrice culture-exposition de la banane dessert aux Antilles – Projet Matphyto DOM
- Martinique / Guadeloupe. Évaluation des expositions à la chlordécone et aux autres pesticides. Surveillance du cancer de la prostate.
- Prévalences de l’exposition des viticulteurs aux pesticides arsenicaux entre 1979 et 2001 – Projet Matphyto. Saint-Maurice : Santé publique France, 2018. 28 p.
- Bulletin épidémiologique hebdomadaire. Numéro thématique – Chlordécone aux Antilles : bilan actualisé des risques sanitaires.