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Vaccination contre le SARS-CoV-2 : efficacité du second rappel comparé au premier contre l’infection symptomatique par Omicron BA.2 et BA.4/5 en France et protection conférée par une infection antérieure à la vaccination

Effectiveness of second booster compared to first booster and protection conferred by previous SARS-CoV-2 infection against symptomatic Omicron BA.2 and BA.4/5 in France

Mis à jour le 27 avril 2023

L’évaluation en vie réelle de la protection apportée par un vaccin pour une maladie cible nécessite de pouvoir comparer l’incidence de la maladie cible en fonction du statut vaccinal et donc de disposer de données sur la maladie et le statut vaccinal. La surveillance de l’épidémie de COVID-19 par Santé publique France s’appuie sur plusieurs systèmes d’informations. Parmi eux, le système SI-DEP renseigne tous les résultats de tests pour le SARS-CoV-2 et le système VAC-SI le statut vaccinal contre la COVID-19 de la population (voir Encadré 1). Le croisement de ces deux bases de données a permis d’évaluer le gain de protection conféré par la deuxième dose de rappel, recommandée chez les 60 ans et plus. 

Rappelons que depuis décembre 2021, le variant Omicron (B.1.1.529) –et ses sous-lignages (BA.1, BA.2, BA.4/5) – est le variant dominant. Par rapport aux variants précédents, le variant Omicron est plus transmissible et possède des propriétés d’échappement immunitaire vis-à-vis de la protection conférée par les vaccins. Face à la baisse rapide de l’efficacité du vaccin contre l’infection symptomatique, une deuxième dose de rappel contre le SARS-CoV-2 (soit un deuxième rappel après les deux doses de vaccination complète initiale et le premier rappel) a été recommandée dès mars 2022. Cette recommandation concernait les populations les plus vulnérables, principalement les personnes âgées de 80 ans et plus. Face à l’évolution de l’épidémie, cette recommandation a rapidement été étendue aux personnes âgées de 60 et plus. Sur cette période, les vaccins utilisés pour cette deuxième dose de rappel étaient les vaccins à ARNm monovalents c’est-à-dire les vaccins contre la souche originale du virus.

À partir de septembre 2022, les premiers vaccins ARNm bivalents ont été mis sur le marché et recommandés chez les personnes de plus de 60 ans.
Les questions auxquelles il était intéressant de répondre étaient les suivantes. Chez les personnes vaccinées, quel est le gain de protection conféré par ce deuxième rappel avec les vaccins monovalents ? La protection a-t-elle été différente selon que le variant dominant était Omicron BA.2 ou Omicron BA.4/5 ? Enfin, quelle protection supplémentaire contre l’infection les vaccins bivalents apportent-ils ? Plusieurs études récentes réalisées par Santé publique France apportent des réponses à ces questions. Deux d’entre elles, portant sur les vaccins monovalents, sont parues dans la revue Vaccine [1, 2]. La troisième porte sur les vaccins bivalents et est accessible dans l’archive ouverte MedRxiv [3].

3 questions à Cynthia Tamandjou, et Vincent Auvigne, Direction des Maladies Infectieuses, Santé publique France

Cynthia-Tamandjou_Vincent-Auvigne

Votre étude s’intéresse aux personnes de plus de 60 ans, ciblées par la deuxième dose de rappel de vaccin COVID 19. Quelle méthodologie vous a permis d’étudier le gain de protection conféré par le premier et le deuxième rappel de vaccin dans cette population ?

Face à l'évolution de l’épidémie de COVID-19, la protection des personnes les plus vulnérables a été un objectif prioritaire depuis le début de la campagne de vaccination. C’est dans ce contexte qu’il était important d’évaluer de façon continue l’efficacité des vaccins distribués au sein de cette population. Deux études principales ont donc été menées sur les vaccins dits monovalents, qui ciblent la souche originale du SARS-CoV-2 : 

  • Une qui portait sur l’efficacité de la primovaccination complète à deux doses et du premier rappel contre les formes sévères de COVID-19 liées aux variants Delta et Omicron BA.1 (étude 1), et 
  • Une autre qui étudiait l’efficacité du second rappel contre les infections symptomatiques liées aux variants Omicron BA.2 et BA.4/5 (étude 2), en tenant compte des infections antérieures. 

Ces études ont nécessité de faire face à plusieurs difficultés : l’apparition de nouveaux variants, l’immunité naturelle, les réinfections, ainsi que la forte baisse du nombre de personnes « non vaccinées » qui constituent généralement la population de référence dans les études d’efficacité vaccinale. Nous avons utilisé la méthode dite « Test negative design », dont le principe est de comparer le statut vaccinal des personnes ayant des symptômes de COVID-19 en fonction des résultats (positif ou négatif) du test diagnostic. Si le vaccin est efficace, la proportion d’individus vaccinés est plus importante parmi les personnes négatives pour le SARS-CoV-2 que parmi les positives. Cette méthode, initialement développée pour évaluer l’efficacité du vaccin contre la grippe saisonnière, a largement été utilisée pour évaluer l’efficacité des vaccins COVID-19 en vie réelle en France, comme ailleurs. Elle a été retenue comme la méthode à suivre pour les études d’efficacité vaccinale en vie réelle effectuées par Santé publique France en 2021 dès la mise en œuvre de la campagne vaccinale.

Alors que l’étude 1[1]  prenait comme référence les personnes non vaccinées, il est devenu très difficile de procéder ainsi pour les études ultérieures, car les personnes non-vaccinées contre la Covid-19 sont peu nombreuses en France. En effet, plus de 90% des sujets de plus de 50 ans ont reçu au moins une première dose de vaccin. Dans l’étude 2 [2], nous avons donc pris comme référence les personnes ayant reçu un rappel (après les deux doses de vaccination complète initiale), 6 à 7 mois avant la réalisation du test diagnostique pris en compte dans l’étude. La protection mesurée dans cette étude, ici celle apportée par le deuxième rappel, est donc une protection supplémentaire par rapport à celle dont bénéficie les personnes ayant reçu un premier rappel depuis 6 à 7 mois. Ainsi, une protection estimée ici à 0 % ne veut pas dire qu’il n’y a aucune protection, mais que le deuxième rappel n’a pas apporté de protection supplémentaire par rapport au premier rappel réalisé 6 à 7 mois auparavant. 

Contrairement aux essais cliniques, dans les études en vie réelle il n'y a pas de tirage au sort pour attribuer les vaccins. Notre protocole permet de s’assurer que les cas (personnes testées positives au SARS-Cov-2) et les témoins (personnes testées négatives au SARS-Cov-2) sont comparables, hormis pour la vaccination, notamment par rapport à leurs comportements liés au risque d’infection, au recours au dépistage du SARS-CoV-2. Ainsi, nous avons comparé des personnes (cas et témoins) testées la même semaine, résidant dans le même département et ayant réalisé le même type de test (RT-PCR ou test antigénique). L’analyse statistique prend également en compte d’autres facteurs qui pourraient influencer le statut vaccinal des personnes, comme le sexe, l’âge ou la présence de comorbidités. Une attention particulière a été portée à la prise en compte du délai entre la dernière vaccination et le test diagnostic, ainsi qu’à la présence d’une infection par le Sars-CoV-2 antérieure, deux situations dont on sait qu’elles influencent l’efficacité conférée par la vaccination.

Votre étude permet de quantifier le gain de protection apporté par le second rappel recommandé pour les personnes âgées de 60 ans et plus ? Quels sont ces principaux résultats ?

Dans l’étude 1, l’efficacité de la primovaccination complète, avec deux doses d’un vaccin ARNm, sur le risque d’un séjour hospitalier chez les sujets âgés de 50 ans et plus a été estimée à 96 % contre le variant Delta (circulant entre juin et décembre 2021) et à 92 % contre le variant Omicron (devenu majoritaire depuis janvier 2022), le premier mois (8-30 jours) après la seconde dose de vaccin. L’efficacité contre le risque d’un séjour hospitaliser en soins critiques ou décès à l’hôpital, a été estimée à 95 % contre le variant Delta et 98 % contre le variant Omicron. Alors que ces niveaux de protection se maintenaient à de hauts niveaux sur plusieurs mois contre le variant Delta, une décroissance dans le temps, notamment chez les 80 ans et plus, a été observée contre le variant Omicron. La dose de rappel a permis de rétablir de hauts niveaux de protection contre ce variant. Cette étude a pu démontrer l’intérêt majeur du rappel durant l’épidémie causée par Omicron, qui perdure depuis janvier 2022.

L’étude 2 a permis de mettre en évidence que, toutes choses égales par ailleurs, les personnes ayant reçu un deuxième rappel 7 à 30 jours avant le test diagnostique inclus dans l’étude étaient mieux protégées contre l’infection symptomatique que celles dont la dernière vaccination était un premier rappel réalisé il y a six à sept mois. Ce supplément de protection était de 41 %. En pratique, les personnes qui avaient reçu un deuxième rappel avaient un risque de développer une infection à SARS-CoV-2 réduit presque de moitié en comparaison aux personnes ayant reçu un premier rappel il y a 6 à 7 mois. L’étude confirme donc l’efficacité des rappels de vaccination, avec les vaccins ciblant le virus original, contre les infections par Omicron BA.2 et BA.4/5, qui étaient les variants dominants lors de l’étude. Cependant, comme pour la primo-vaccination et le premier rappel, nous observons une baisse de la protection avec le temps. Trois à quatre mois après le deuxième rappel le gain de protection, par rapport à un premier rappel réalisé 6 à 7 mois auparavant, n’était plus que marginal (10 %). Il faut cependant rappeler que la protection contre les formes graves (nécessitant une hospitalisation et/ou entraînant un décès), que nous n’avons pas mesuré lors de cette étude est, d’une façon générale, plus durable que celle contre les formes symptomatiques moins sévères.

L’étude 2 a aussi permis de quantifier la protection conférée par une ancienne infection contre une nouvelle infection SARS-CoV-2 symptomatique, chez des personnes vaccinées. Elle s’est avérée être forte et durable. Par exemple, les personnes vaccinées et infectées avant l’apparition du variant Delta, soit au moins un an avant notre étude, avaient un risque deux fois moindre d’être infectés que les personnes vaccinées mais n’ayant aucune infection renseignée dans la base SI-DEP. Pour les personnes ayant été infectées depuis cinq mois ou moins, le risque d’infection était divisé par 10.

En septembre 2022, de nouveaux vaccins bivalents ont été mis sur le marché et ont été recommandés pour cette même population des 60 ans et plus. A-t-on des résultats sur leur efficacité en terme de gain de protection comparé aux précédents vaccins monovalents ? Qu’apporte ces connaissances pour le futur proche et le contrôle de l’épidémie ?

Les vaccins bivalents mis sur le marché depuis septembre 2022 comportent l’ARN messager de deux souches de virus : celle du virus original, la même que dans les premiers vaccins dit monovalents, et celle d’une souche d’Omicron (BA.5 dans la majorité des cas). Ils ont été conçus pour apporter une meilleure protection contre les variants Omicron circulants. 

Toujours en utilisant les données de SI-DEP et VAC-SI, nous avons réalisé une étude de cohorte pour comparer la protection contre l’infection symptomatique conférée par un rappel avec ces vaccins bivalents, par rapport à un rappel avec les vaccins monovalents [3]. Nous avons suivi, pendant une durée médiane de 77 jours, plus de 135 000 personnes vaccinées les mêmes semaines. Le vaccin bivalent a conféré une protection additionnelle de 8 %.

Les résultats de ces études réalisées par Santé publique France ont été pris en compte par la Haute Autorité de Santé (HAS) lors de ses travaux préalables à la publication de sa recommandation de stratégie vaccinale pour 2023. La HAS note que les données confirment la protection conférée par une dose de rappel et recommande d’organiser, à l’automne 2023, une campagne de rappel pour toutes les personnes à risque de forme sévère (personnes âgées de 65 ans et plus, nourrissons à partir de 6 mois, enfants, adolescents et adultes atteints de comorbidités ayant un risque plus élevé de forme grave de la maladie, personnes immunodéprimées, personnes atteintes de toute autre comorbidité) et leurs entourages. Par ailleurs, elle envisage de recommander un rappel au printemps pour les plus vulnérables (personnes âgées de 80 ans et plus, personnes immunodéprimées et personnes à très haut risque de la maladie).

[1] Cynthia Raissa Tamandjou Tchuem, Vincent Auvigne, Sophie Vaux, Charline Montagnat, Juliette Paireau, Stéphanie Monnier Besnard, Amélie Gabet, Nabil Benhajkassen, Yann Le Strat, Isabelle Parent Du Chatelet, Daniel Levy-Bruhl. Vaccine effectiveness and duration of protection of COVID-19 mRNA vaccines against Delta and Omicron BA.1 symptomatic and severe COVID-19 outcomes in adults aged 50 years and over in France, Vaccine, Volume 41, Issue 13, 2023, Pages 2280-2288, https://doi.org/10.1016/j.vaccine.2023.02.062 

[2] Cynthia Tamandjou, Vincent Auvigne, Justine Schaeffer, Sophie Vaux, Isabelle Parent du Châtelet. Effectiveness of second booster compared to first booster and protection conferred by previous SARS-CoV-2 infection against symptomatic Omicron BA.2 and BA.4/5 in France. Vaccine, 2023. 
Doi : https://doi.org/10.1016/j.vaccine.2023.03.031 

[3] Protection against symptomatic SARS-CoV-2 BA.5 infection conferred by the Pfizer-BioNTech Original/BA.4-5 bivalent vaccine compared to the mRNA Original (ancestral) monovalent vaccines – a matched cohort study in France. Vincent Auvigne, Cynthia Tamandjou, Justine Schaeffer, Sophie Vaux, Isabelle Parent du Chatelet. medRxiv 2023.03.17.23287411; doi: https://doi.org/10.1101/2023.03.17.23287411  

Deux bases de données VAC-SI et SI-DEP pour étudier l’efficacité des vaccins COVID-19

Le Système d’Information de DEPistage populationnel (SI-DEP), a été conçu dans le but d’obtenir une remontée automatique des résultats de tests (RT-PCR, sérologie et tests antigéniques) de diagnostic du SARS-CoV-2 réalisés sur le territoire français par l’ensemble des laboratoires de biologie médicale, pharmacies et établissements hospitaliers ou des professionnels de santé habilités. Cette base de données repose sur un partenariat entre le ministère de la Santé et de la Prévention (Direction générale de la santé en tant que responsable du traitement) et l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP, maitre d’œuvre). Son automatisation, moins contraignante pour les laboratoires, était nécessaire pour une remontée rapide des résultats. Le système a été développé en deux mois et activé en mai 2020 au sortir de la première vague. 

L’ensemble des vaccinations réalisées en France depuis le début de la campagne de vaccination contre la COVID-19 sont renseignées dans la base de données VAC-SI. Cette base, gérée par la CNAM (Caisse Nationale d'Assurance Maladie), est alimentée, depuis février 2021, par les professionnels de santé pratiquant la vaccination. Cette base contient toutes les informations sur la vaccination telles que sa date, le type de vaccin administré, le nom du vaccin, et des informations sur les populations prioritaires pour la vaccination (présence de comorbidités, professionnels de santé ou travailleurs sociaux, résidents de maisons de retraite). Elle a été analysée quotidiennement par Santé publique France pour estimer les couvertures vaccinales par classe d’âge, par lieu de vaccination, mais également par population spécifique.

Pour en savoir plus sur ces bases de données :

Santé publique France et la logistique vaccinale – le cas des vaccins contre la COVID-19

Santé publique France est dotée d’un Etablissement Pharmaceutique (EP), placé sous l’autorité d’un pharmacien responsable. Les missions sont définies dans le Code de la Santé Publique à l’article L. 1413-4 : « À la demande du ministre chargé de la Santé, l’agence procède à l’acquisition, la fabrication, l’importation, le stockage, le transport, la distribution et l’exportation des produits et services nécessaires à la protection de la population face aux menaces sanitaires graves. Elle assure, dans les mêmes conditions, leur renouvellement et leur éventuelle destruction.

Dans le cadre de la pandémie, pour faire face à la propagation du coronavirus en France, une campagne de vaccination COVID-19 a débuté en France, le 27 décembre 2020. La logistique a été confiée à Santé publique France. L’établissement pharmaceutique est ainsi en charge de la réception, du stockage ainsi que de l’expédition des vaccins et des dispositifs médicaux tels que le matériel d’injection (aiguilles, seringues) vers les plus de 20 000 pharmacies participant à la campagne de vaccination, les centres de vaccination et les centres hospitaliers.

Pour en savoir plus :

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Enquêtes Flash : évaluation de la circulation des variants du SARS-CoV-2 en France

Résultats des enquêtes Flash# réalisées à intervalle régulier et permettant de cartographier les variants du SARS-CoV-2 sur le territoire français.