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Evaluation d'une campagne médiatique visant à mieux faire connaître les méfaits à long terme de l'alcool et les repères de consommation à faible risque, et à réduire la consommation d'alcool.

Effectiveness of a French mass-media campaign in raising knowledge of both long-term alcohol-related harms and low- risk drinking guidelines, and in lowering alcohol consumption.

Mis à jour le 26 janvier 2023

La consommation d'alcool est un facteur de risque majeur de mortalité prématurée et de pathologies chroniques. Cet impact est observé y compris pour des niveaux de consommation d’alcool faibles. Plusieurs pays, dont la France en 2017, ont établi des niveaux de consommation d’alcool pour limiter les risques pour la santé (voir Encadré).

La même année, le Baromètre de Santé publique France, enquête nationale menée auprès d'un échantillon représentatif de la population française, montrait que près d’un quart des 18-75 ans consommaient de l'alcool au-delà de ces recommandations1.  
C’est dans ce contexte que Santé publique France lançait en 2019 la campagne ‘Ravages’, campagne nationale de sensibilisation aux effets de l'alcool sur la santé et aux nouveaux repères de consommation. Un spot TV, des chroniques radio avec des experts, des bannières digitales et des affiches ont été diffusées dans le cadre de cette campagne multi-média. Objectif : réduire la consommation d'alcool en France.

Si certaines études, dont des études expérimentales, tendent à montrer que les campagnes dans les médias de masse modifient les connaissances et les attitudes du public dans le sens d’une diminution des consommations d'alcool, retrouve-t-on ces résultats dans le contexte réel d'une campagne en population générale ?

C’est à cette question que répond l’article qui vient de paraître dans la revue internationale Addiction. Il présente les résultats de l’évaluation de la campagne alcool Ravages 2019 et montre en quoi elle a apporté des informations utiles pour la mise en œuvre de prochaines campagnes de sensibilisation.

3 questions à Guillemette Quatremère, Direction de la Prévention et de la Promotion de la Santé, Santé publique France 

 

En quoi la campagne de 2019 ‘Ravages’ se différenciait-elle des campagnes de prévention sur l’alcool des années antérieures ? Quels sont les indicateurs qui ont servi à évaluer l’efficacité de cette campagne ?

La campagne de prévention ‘Ravages’, sur les risques de l’alcool, a été construite et diffusée suite à un avis d’experts portant sur le discours public relatif à l’alcool, paru en 2017 (voir encadré). Ce groupe d’experts avait, en effet, produit plusieurs recommandations dont l’importance d’informer le public sur le fait que les risques liés à la consommation d’alcool pour la santé augmentent avec la quantité consommée, d’insister sur le fait qu’il n’y a pas de consommation d’alcool sans risques pour la santé, et qu’il existe des repères de consommation à moindre risque. La campagne de 2019 était la première campagne de Santé publique France qui abordait la question des risques à long terme associés à l’alcool et faisait connaître ces repères de consommation.

Elle avait ainsi deux objectifs principaux : 

  • Améliorer les connaissances de la population concernant les risques à moyen et long termes liés aux consommations d’alcool. Trois pathologies étaient mises en avant dans la campagne : cancer, hypertension, hémorragie cérébrale.
  • Faire connaître les nouveaux repères de consommation à moindre risque, formulés en « l’alcool c’est maximum 2 verres par jour, et pas tous les jours ». 

In fine, l’objectif était bien de réduire la proportion de buveurs au-dessus des repères afin de diminuer à terme la morbi-mortalité attribuable à l’alcool.

La première diffusion de la campagne en mars-avril 2019 a été évaluée à l’aide d’un suivi longitudinal de 4 002 buveurs (échantillon constitué selon la méthode des quotas). Ils ont été interrogés via internet avant la campagne (22 février-18 mars), juste après (17 avril-12 mai) et environ 6 mois plus tard (25 septembre-15 octobre) : 2 538 personnes ont répondu aux 3 vagues d’enquête.

Les indicateurs principaux de l’évaluation étaient : la connaissance des risques mis en avant dans la campagne (cancer, hypertension, hémorragie cérébrale), la connaissance des repères, et la consommation d’alcool déclarée par rapport aux repères.

Quels sont les résultats et les messages phares de cette évaluation ? Le profil des consommateurs joue-t-il sur les comportements et les savoirs ?

Après la diffusion de la campagne, on observe pour les buveurs, y compris ceux qui sont au-dessus des repères et qui prennent donc davantage de risques pour leur santé, un lien entre l’exposition à la campagne et une meilleure connaissance de la dimension « maximum 2 verres par jour » des repères et de la connaissance des risques d’hypertension et d’hémorragie cérébrale. Autre résultat positif : on observe une association entre l’exposition à la campagne et une baisse de la proportion de buveurs à risque sur l’ensemble de l’échantillon. En revanche, on n’observe pas d’association entre l’exposition à la campagne et la connaissance du lien entre alcool et cancers, et la connaissance du repère sur le nombre de jours sans consommation. 

Des analyses plus fines montrent des différences selon les profils des répondants : le lien entre exposition à la campagne et baisse de la proportion de buveurs à risque est porté par les femmes, et celui avec l’amélioration de la perception du risque de la consommation d’alcool sur l’hypertension artérielle n’est observé que parmi les catégories sociales favorisées. 

Ces résultats positifs s’atténuent néanmoins avec le temps : les effets favorables observés ne sont plus significatifs après six mois. 
Ces résultats viennent nourrir la littérature scientifique qui montre que les campagnes sur le sujet de l’alcool diffusées dans les médias de masse peuvent être efficaces pour améliorer les connaissances du public relatives à l’alcool et modifier les attitudes vis-à-vis de ce produit2. Les preuves concernant l’effet sur la  réduction de la consommation d’alcool sont, elles, plus fragiles3. Cependant, des études expérimentales récentes montraient un impact potentiel sur les comportements de consommation des campagnes associant des messages sur les risques à long-terme et sur les repères de consommation. La force de notre étude est de montrer qu’en conditions de « vie réelle », un dispositif de marketing social sur l’alcool peut avoir des effets sur les connaissances et les comportements.

Ces résultats ont-ils orienté le choix de la prochaine campagne qui vient tout juste de débuter en France ? Quelles sont les autres actions ou interventions sur l’alcool pour lesquelles Santé publique France est investie ?

Le fait que les effets de la campagne ne sont plus perceptibles après quelques mois est cohérent avec la littérature scientifique (y compris pour des campagnes sur d’autres sujets que l’alcool) et plaide pour des diffusions répétées de campagnes de grande ampleur. La campagne de 2019 a ainsi été successivement améliorée (création de nouveaux visuels et de messages plus pédagogiques sur les risques et les repères, adaptation du plan média pour assurer une bonne visibilité par les publics cibles) et rediffusée 6 fois en 4 ans.

Aujourd’hui, nos études montrent que l’alcool bénéficie toujours d’une image majoritairement positive dans la population, que les repères de consommation à moindre risque sont encore insuffisamment connus, que le risque pour des quantités d’alcool peu élevées sont méconnus ou mis à distance de sa propre consommation. Il apparait donc nécessaire de continuer à débanaliser l’alcool et rappeler que c’est un produit présentant des risques pour la santé, même à faibles doses. Les changements de perceptions demandent du temps… et les changements de comportements plus encore.

Pour éviter un effet d’habituation à la campagne Ravages, nous élaborons de nouveaux dispositifs de communication. La campagne « la bonne santé n’a rien à voir avec l’alcool », diffusée en janvier 2023, rappelle les risques à long terme de l’alcool et nous invite à réfléchir à sa place dans nos vies, en soulignant une absurdité culturelle qui nous concerne tous : le fait de trinquer en se souhaitant « santé / la bonne santé »… avec de l’alcool.
Janvier, période des bonnes résolutions pour la nouvelle année, est un moment propice pour réfléchir à nos habitudes de consommation : d’où le Défi de janvier-Dry January, lancé en France en 2020 par un collectif d’associations, sur un modèle né au Royaume-Uni. Il s’agit d’un défi d’un mois sans alcool pour tester son rapport à l’alcool et observer les bénéfices sur sa qualité de vie. L’évaluation menée par l’agence en 2020 a révélé l’intérêt de ce dispositif pour prendre du recul et réduire sa consommation d’alcool.

Pour être accompagné dans cette réflexion ou réduction de sa consommation, le site internet alcool-info-service (voir encadré) permet de trouver des conseils et de l’aide si nécessaire, et propose un outil numérique l’« alcoomètre » qui permet de situer sa consommation par rapport aux repères et de connaître les risques que l’on prend pour sa santé.

Au-delà du marketing social auprès du grand public et des outils d’aide à distance d’Alcool info service, Santé publique France mène d’autres travaux sur le sujet de la prévention de l’alcool : diffusion de dispositifs en direction de publics spécifiques comme les jeunes dans l’objectif de renforcer les comportements protecteurs en contexte festif (Amis aussi la nuit), évaluations et disséminations de plusieurs interventions de renforcement des compétences psychosociales pour les adolescents, plaidoyer pour des mesures réglementaires créant un environnement favorable à la diminution de la consommation (par exemple en limitant la publicité en faveur des boissons alcoolisées). C’est la conjugaison de ces efforts qui peut permettre à terme de créer un environnement propice à l’évolution de l’image des boissons alcoolisées et de conduire à la baisse des comportements d’alcoolisation en France.

[1] Quatremère G., Guignard R., Cogordan C, Andler R, Gallopel-Morvan K, Nguyen-Thanh V. Effectiveness of a French mass-media campaign in raising knowledge of both long-term alcohol-related harms and low- risk drinking guidelines, and in lowering alcohol consumption. Addiction. 2022. https://doi.org/10.1111/add.16107 

Des experts se penchent sur les repères de consommation d’alcool à moindre risque

Un groupe d’experts indépendants (épidémiologistes, addictologues, spécialistes de l’éducation pour la santé) a été mandaté en 2017 par Santé publique France et l’Institut national du cancer pour faire évoluer le discours public relatif à la consommation d’alcool en France. Une de leurs missions a été d’élaborer des repères de consommation à moindre risque, à partir de la littérature scientifique, de travaux de modélisation et d’une étude qualitative.

La modélisation a été confiée à deux chercheurs canadiens du Centre for Addiction and Mental Health- (Toronto). Le risque de mortalité attribuable à l’alcool pour la population française a été modélisé selon différents scenarii d’exposition à l’alcool (allant de 0 g à 100 g d’alcool pur par jour), confirmant qu’il n’y a pas de consommation d’alcool sans risque. Ensuite, ils ont confronté ces niveaux de risque et les niveaux de consommation associés aux perceptions et représentations des Français, dans le cadre d’une étude qualitative. L’étude a confirmé que le « zéro alcool » n’était pas un objectif atteignable et qu’il fallait établir des repères acceptables par la population. On s’inscrit ici dans une perspective de réduction des risques. 
L’étude qualitative a montré le besoin d’avoir un double référentiel de consommation - jour et semaine - sans distinction de sexe. Cela a été possible puisqu’au seuil de consommation retenu, les risques sanitaires sont peu différents entre les hommes et les femmes. 
Les nouveaux repères de consommation à moindre risque comportent ainsi 3 dimensions et s’adressent aux adultes en bonne santé : « si vous consommez de l’alcool, il est recommandé pour limiter les risques pour votre santé au cours de votre vie : de ne pas consommer plus de 10 verres standard par semaine et pas plus de 2 verres standard par jour ; d’avoir des jours dans la semaine sans consommation ». 
Ces repères ont été reformulés pour faciliter leur mémorisation et compréhension par le grand public en : « pour votre santé, l’alcool c’est maximum 2 verres par jour, et pas tous les jours ».

En savoir plus sur l’avis : Avis d'experts relatif à l'évolution du discours public en matière de consommation d'alcool en France organisé par Santé publique France et l'Institut national du cancer.

Qu’est-ce qu’Alcool Info Service ? Des conseils pour tous 

Alcool info service est un dispositif national d’information, d’orientation et d’aide personnalisée, accessible à tous via internet www.alcool-info-service.fr ou par téléphone  au 0 980 980 930, disponible 7jours/7 de 8h à 2h.

Le site Alcool-info-service.fr met à la disposition du grand public de nombreuses informations, des conseils pour réduire sa consommation d’alcool et des outils, comme l’alcoomètre permettant d’évaluer les risques de sa consommation d’alcool. 

Le site contribue aussi à libérer la parole en encourageant les interactions et l’entraide grâce aux modules interactifs (le service de Questions-Réponses, les forums, l’espace témoignages, etc.) et aux Chats individuels (espace de dialogue en temps réel entre l’internaute et un professionnel).

Par ailleurs, le site Alcool Info Service recense l’ensemble des structures spécialisées en addictologie au sein d’un annuaire national de plus de 3 000 structures. 

En savoir plus :

Les repères de consommation

Les évaluations de dispositifs de marketing social

Les programmes de renforcement des compétences psychosociales

Le plaidoyer pour des mesures réglementaires

1- Andler R, Quatremère G, Gautier A, Soullier N, Lahaie E, Richard J-B, et al. Dépassement des repères de consommation d'alcool à moindre risque en 2020 : résultats du Baromètre santé de Santé publique France. Bull Epidemiol Hebd. 2021(17):304-12.
2- Wakefield MA, Loken B, Hornik RC. Use of mass media campaigns to change health behaviour. Lancet. 2010;376(9748):1261-71
3- Young B, Lewis S, Katikireddi SV, Bauld L, Stead M, Angus K, et al. Effectiveness of Mass Media Campaigns to Reduce Alcohol Consumption and Harm: A Systematic Review. Alcohol Alcohol. 2018;53(3):302-16