En France, comme dans d'autres pays européens, les femmes immigrées ont un risque accru de mortalité maternelle, en particulier celles nées en Afrique subsaharienne (ASS). Parmi les morts maternelles, une moindre qualité des soins prodigués à ces femmes par rapport aux femmes natives a déjà été rapportée, mais l'analyse porte essentiellement sur la qualité des soins prodigués une fois la femme en contact avec les soignants. Le cadre des trois retards de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) permet d'aller plus loin en distinguant le retard pour (ou absence de) : décider de consulter (type 1), arriver à l'établissement de santé (type 2), et recevoir un traitement adéquat (type 3). L'objectif était d'analyser les parcours de soins jugés globalement non optimaux dans l'Enquête nationale confidentielle française sur les morts maternelles de femmes natives, femmes immigrées nées en ASS et femmes nées hors Afrique et Europe (" Ailleurs "). Ceci permettrait d'identifier les éventuels retards de type 1 et 2 et de les comparer entre les trois groupes. Parmi les 254 femmes décédées de mort maternelle en 2010-2012 en France, l'analyse a porté sur 110 femmes ayant reçu des soins globalement non optimaux selon l'Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM), soit 72 femmes natives, 17 femmes nées en ASS et 21 nées " Ailleurs ". Chaque parcours de soins a été analysé par un groupe d'experts par jugement consensuel sur la présence de chacun des trois retards et leur implication dans la survenue du décès. La fréquence des retards 1 ou 2 était de 29% chez les femmes natives, 41% chez celles d'ASS et 29% chez les femmes nées Ailleurs (p=0,33). Ces retards étaient impliqués dans la survenue du décès chez 24%, 41% et 10% et des femmes, dans ces trois groupes respectivement (p=0,14). Le retard de type 3 était, par définition, présent dans les trois groupes, puisqu'il est dû au défaut de soins habituellement caractérisé par l'ENCMM. Au-delà de la qualité des soins prodigués, et bien que la significativité statistique ne soit pas atteinte dans notre étude, la plus grande fréquence des retards de type 1 et 2 chez les femmes d'ASS et nées " Ailleurs " suggère l'implication d'obstacles spécifiques à l'accès aux soins pour elles. Une meilleure documentation de ces obstacles pourrait découler de ce travail, notamment en appliquant ce cadre d'analyse aux femmes ayant eu une complication sévère non létale en période périnatale.
Auteur : Sauvegrain Priscille, Perbellini Maria, Tessier Véronique, Saucedo Monica, Azria Elie, Deneux-Tharaux Catherine
Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2023, n°. 3-4, p. 61-68


