Étude épidémiologique des morts suspectes de nourrissons en France : quelle est la part des homicides ?

Publié le 22 janvier 2008
Mis à jour le 29 août 2019

Selon la littérature internationale, la part des homicides dans la mortalité infantile est certainement sous-estimée et il existe, lors de la certification, des confusions entre homicides, morts subites du nourrisson (MSN) et morts " de cause inconnue ", le pourcentage de ces dernières stagnant en France. Une étude rétrospective des morts suspectes de nourrissons (1996-2000) a concerné les services hospitaliers accueillant des enfants décédés, les parquets et les statistiques du Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) de l'Inserm, avec recoupement des trois types de données (après accord de la Commission nationale informatique et libertés). Les objectifs exploraient deux domaines : 1) les données statistiques de mortalité infantile d'origine violente et la mesure de la magnitude du problème ; 2) les pratiques professionnelles conduisant à cette connaissance épidémiologique. Les résultats concernent 619 cas de 33 hôpitaux et 247 cas de 26 parquets, dans trois régions : Bretagne, Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais. Dans les hôpitaux, le diagnostic de mort suspecte d'être d'origine intentionnelle ou certainement violente intentionnelle (MSV) a concerné 5,3 % des cas ; en cas de suspicion, un signalement judiciaire a été effectué dans 1/3 des cas, avec un retour d'information de la justice très faible (13 %). Dans l'enquête parquets, 80 MSV se répartissent en trois grandes catégories : néonaticides (27), syndrome du bébé secoué (35), " autres " morts violentes intentionnelles (18). La moitié des enfants (néonaticides exclus) avaient des antécédents de maltraitance, connus avant le décès dans 1/3 des cas. Dans les deux enquêtes, on a constaté une sous-investigation, concernant notamment le fond d'oeil et l'autopsie (la moitié des MSN diagnostiquée sans autopsie). Le recoupement avec les données du CépiDc a montré la sous estimation des homicides (de 3 à 15 fois plus nombreux que le chiffre officiel, selon l'enquête) ; les diagnostics de morts accidentelles, morts de cause inconnue et MSN recouvrent souvent des homicides. Le peu de fiabilité des statistiques de mortalité est en grande partie lié à l'insuffisante collaboration entre secteurs (non transmission à l'Inserm des informations hospitalières et des instituts médico-légaux). (R.A.)

Auteur : Tursz A, Crost M, Gerbouin Rerolle P, Beaute J
Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, 2008, n°. 3-4, p. 25-8