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Les premiers cas d’infection par Omicron en France présentent des symptômes bénins, Novembre 2021-Janvier 2022.

First cases of Omicron in France are exhibiting mild symptoms, November 2021-January 2022

Publié le 16 mars 2022

Le 26 novembre 2021, l’Organisation mondiale de la santé classait Omicron comme variant préoccupant (« variants of concern » - VOC), suite à sa détection en Afrique du Sud et à son importante divergence génétique par rapport aux variants précédemment décrits. Cette classification est basée sur la définition des variants de l'OMS comprenant des modifications des caractéristiques du virus concernant la transmissibilité, la sévérité de la maladie, l'échappement immunitaire, l'échappement diagnostique ou thérapeutique et un impact épidémiologique suggérant un risque émergent pour la santé publique mondiale. Une telle classification représente un défi majeur au niveau mondial, impliquant une détection et caractérisation rapide de ce variant émergent. 

Trois jours plus tard, le 29 novembre, le premier cas de ce variant était confirmé en France, à La Réunion (1). Santé publique France mettait alors en place une surveillance dédiée à ce nouveau variant. Au 20 décembre, il représentait 49% des cas sur le sol français (2) et était identifié dans 28 pays européens. Fin janvier 2022, Omicron était présent dans l’ensemble des pays de l’EU/EEA et dans 171 pays dans le monde

Aujourd’hui, Omicron est présent sur tout le territoire et représente 99,9% des variants parmi les virus séquencés1. Afin d’anticiper l'impact potentiel de ce variant sur le système de santé national, il était important d'évaluer le plus rapidement possible les caractéristiques des premiers cas infectés par Omicron, en termes démographique, d’antécédents de voyage, de signes cliniques, de statut vaccinal...

L’article qui vient de paraître dans la revue Infectious Diseases Now présente ces résultats pour les premiers cas d’Omicron détectés en France.

3 questions à Anna Maisa et Guillaume Spaccaferri, Santé publique France

Au moment du lancement de votre enquête, quelle a été votre démarche pour documenter les quelques centaines de cas présents alors sur le territoire ?

Il est avant tout important de préciser le contexte au moment de l'enquête. Le variant Delta était encore le variant dominant sur le territoire. Nous pouvions voir que les cas d’Omicron augmentaient dans d'autres pays, et avions commencé à détecter les premiers cas sur le sol français.

Si les données disponibles dans les bases de données de tests (SI-DEP), d’hospitalisations (SI-VIC) et de vaccination (VAC-SI) sont très riches d’informations pour le suivi de l’épidémie, elles demeurent assez limitées en ce qui concerne les caractéristiques des cas du fait notamment de leurs difficultés à être appariées en temps réel et de l’absence d’éléments cliniques. En lien avec les cellules régionales (CR) de Santé publique France, nous avons rapidement décidé de collecter des informations détaillées, non disponibles dans ces bases de données, sur les premiers cas. Notre objectif était de caractériser le variant Omicron afin d’être en mesure d’anticiper son impact potentiel sur la population et le système de santé. 

Il s'agissait de recueillir toutes ces informations en un temps très court dans le contexte difficile de la pandémie et de l'augmentation rapide du nombre de cas. La connaissance du variant était accessible grâce au séquençage de cas confirmés par le consortium EMERGEN (voir Encadré). Chaque personne correspondant à un cas confirmé d’Omicron a été contactée par les épidémiologistes des cellules régionales de SpFrance, pour répondre à un questionnaire standardisé. Parmi les informations collectées, citons les antécédents de voyage, les symptômes cliniques, les comorbidités, les infections antérieures par le SARS-CoV-2 et le statut vaccinal. Sur la période d’étude (23/11/21 au 11/01/22), 468 cas d’Omicron répartis sur la quasi-totalité du territoire (17 des 18 régions) ont ainsi été investigués.

Quels sont les principaux enseignements de cette étude et les résultats les plus marquants ? En sait-on plus aujourd’hui sur la comparaison avec le variant Delta ?

Notre investigation sur ces 468 premiers cas Omicron en France a montré que, si la majorité (89%) des cas étaient symptomatiques, les symptômes étaient dans la grande majorité des cas bénins. La perte de l'odorat et du goût, symptôme très fréquent lors des infections par d’autres variants, n'a été que rarement signalée (respectivement 8,3 et 9%). Il s'agit d'un élément important car c'était, jusqu’à présent, un des principaux symptômes permettant de suspecter de manière spécifique une infection à SARS-CoV-2. Parmi les cas investigués, seuls sept (2%) ont été hospitalisés, aucun n'a été admis en soins intensifs ou n'est décédé. Nous devons cependant rester prudents dans l'interprétation des résultats, car notre étude a porté sur une population de sujets assez jeunes (âge médian :  35 ans) et une majorité (64% des cas) étaient vaccinés avec deux doses, ce qui confère également une certaine protection contre les formes sévères de la maladie.

Depuis notre étude, plusieurs publications montrent qu'Omicron semble avoir un impact réduit sur le système de santé par rapport à Delta. Ainsi, une étude publiée récemment par Santé publique France comparant la sévérité respective de ces deux variants a montré que le risque de connaître un évènement hospitalier grave était moins élevé pour les personnes infectées par Omicron que pour celles du même âge infectées par Delta. Cependant, cette différence entre les variants s’atténuait avec l’âge. Ainsi, ce risque était divisé par 9,1 chez les personnes de 40 à 64 ans infectées par Omicron, par 5,3 chez celles de 65 à 80 ans et seulement par 2,0 chez les 80 ans et plus (3). 

En quoi cette approche de collecte d’informations auprès des premiers cas confirmés du variant Omicron est-elle importante dans la perspective de l’émergence d’un nouveau variant de SARS-CoV-2 ?

Lorsqu'un nouveau variant tel qu'Omicron apparaît, la détection et la caractérisation rapides des cas sont essentielles.

Cela permet de savoir si le nouveau variant provoque des symptômes plus sévères ou différents des précédents, davantage de cas hospitalisés ou de décès. La question de l’efficacité des vaccins actuels vis-à-vis de souches émergentes est également cruciale.  Toutes ces informations sont indispensables pour les prises de décisions en termes de capacité et d’organisation des soins, de stratégie de dépistage et de mesures de contrôle. 
Le système de santé publique français, incluant les laboratoires de dépistage et ceux de surveillance génomique réunis au sein du consortium EMERGEN (voir Encadré), et les autorités locales, régionales et nationales, ont montré leur capacité à réagir et à s'adapter rapidement à l'émergence d'un nouveau variant. Depuis le 18/02/2022, un recombinant Delta/Omicron (auquel aucun nom de lignage n’a encore été assigné) fait l’objet d’un suivi renforcé par les laboratoires du consortium. La majorité de son génome correspond au variant Delta (sous-lignage AY.4), mais une large portion du gène S (codant pour la protéine Spike) correspond au variant Omicron (sous-lignage BA.1). Au 08/03, 27 séquences de ce recombinant, qui circule à des niveaux faibles depuis plusieurs semaines, avaient été détectées en France. À ce jour, très peu de données sont disponibles sur ses caractéristiques, et des investigations sont en cours.

Encadré – Le consortium EMERGEN en bref

Le consortium EMERGEN (Consortium pour la surveillance et la recherche sur les infections à pathogènes EMERgents via la GENomique microbienne), coordonné par Santé publique France et l'ANRS|Maladies infectieuses émergentes, a été créé en janvier 2021 pour déployer sur l’ensemble du territoire national un système de surveillance génomique des infections à SARS-CoV-2. Il s’agit d’une première étape (2 ans) d’un réseau de séquençage en soutien des activités de surveillance et de recherche sur les maladies infectieuses émergentes (virales, mais aussi bactériennes, fongiques ou parasitaires). Il combine des activités de surveillance conduites sous l’égide de Santé publique France et du Centre national de référence Virus des infections respiratoires, et des activités de recherche conduites sous l’égide de l’ANRS|Maladies Infectieuses Emergentes.

Objectif : suivre l'évolution génétique du virus SARS-CoV-2 pour détecter et caractériser l'émergence et la distribution spatio-temporelle de variants, c’est-à-dire de virus présentant des mutations susceptibles d'avoir des conséquences fonctionnelles, comme par exemple l’infectiosité, la contagiosité, la virulence ou l’échappement immunitaire. 

Le projet EMERGEN repose sur un consortium pluridisciplinaire regroupant des expertises complémentaires : prélèvements d’échantillons, préparation des échantillons pour le séquençage et séquençage, analyse bioinformatique des génomes, publication des données dans les bases de données nationales et internationales, analyse à des fins de surveillance (enquêtes Flash) ou d’analyse de risque (classification des variants en préoccupants, à suivre ou en cours d’évaluation), découverte éventuelle et caractérisation fonctionnelle de nouveaux variants, travaux de recherches sur leur impact épidémiologique et fonctionnel. 

1 Maisa A, Spaccaferri G, Fournier L, Schaeffer J, Deniau J, Rolland P, Coignard B; regional COVID-19 investigation team; EMERGEN consortium. First cases of Omicron in France are exhibiting mild symptoms, November 2021-January 2022. Infect Dis Now. 2022 Feb 12:S2666-9919(22)00036-7. doi: 10.1016/j.idnow.2022.02.003. Epub ahead of print. PMID: 35167979.

Autres références citées  :

(1) COVID-19. Point épidémiologique hebdomadaire, La Réunion, 16 décembre 2021. Santé publique France-Réunion. 
(2) COVID-19. Point épidémiologique hebdomadaire. N°97, 06 janvier 2022. 
(3) Severe hospital events following symptomatic infection with SARS-CoV-2 Omicron and Delta variants in France, December 2021 – January 2022: a retrospective, population-based, matched cohort study. Vincent Auvigne, Sophie Vaux, Yann Le Strat, Justine Schaeffer, Lucie Fournier, Cynthia Tamandjou, Charline Montagnat, Bruno Coignard, Daniel Levy-Bruhl, Isabelle Parent du Chatelet. 

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