Analyse des attentes et du contexte local autour des sites industriels d'Altéo Gardanne. Rapport d'analyse qualitative

Publié le 7 juillet 2022
Mis à jour le 11 juillet 2022

L'usine Altéo, située à Gardanne (Bouches-du-Rhône), produit de l'alumine à partir de bauxite et entrepose ses déchets solides sur un site de stockage sur la commune voisine de Bouc-Bel-Air. Ses activités génèrent des poussières. En février 2017, la Direction générale de la Santé et de la Direction générale du Travail ont adressé une saisine à Santé publique France concernant la pertinence de la mise en place d'une étude épidémiologique sur la santé des riverains et des travailleurs de ces deux sites industriels. Pour y répondre, l'agence a engagé deux premières études au cours de l'année 2018 : une étude des attentes et du contexte local et une étude de mortalité. Ce rapport présente les résultats de la première étude dont la phase de terrain s'est déroulée au cours du dernier trimestre de l'année 2018. Son objectif était de décrire les représentations, préoccupations et comportements des différentes parties prenantes locales face à la situation et aux risques. Santé Publique France s'est appuyée sur les résultats d'une étude qualitative dont les entretiens semi directifs ont été menés par Kantar Public auprès de différentes catégories d'acteurs locaux et par trois réunions de groupe de riverains regroupés selon leur degré d'exposition aux sites. En termes de résultats, les acteurs interrogés font le constat d'une transformation de l'ancien bassin minier de Provence avec un paysage économique en pleine mutation, marqué par un déclin de l'activité minière et des emplois industriels. C'est un secteur géographique qui s'est résidentialisé et urbanisé avec l'arrivée de nouvelles populations plus aisées. L'analyse du contexte social a fait émerger deux principaux champs de préoccupation : la dimension environnementale et sanitaire et la dimension économique (emploi et valeur du foncier). La problématique santé/environnement est particulièrement prégnante pour les personnes rencontrées autour du site de Mange-Garri (Bouc-Bel-Air) car la population a récemment découvert (ou redécouvert pour les plus anciens) l'existence de ce site depuis l'apport des déchets solides sur la décharge à partir de 2012. L'inquiétude porte sur les poussières émises par le site mais également sur le risque de contamination des nappes phréatiques.Autour de l'usine Altéo (Gardanne), le champ emploi/économie reste prépondérant en référence à la dimension patrimoniale de l'usine mais le niveau d'acceptabilité des nuisances (poussières, bruit, odeurs) tend à se réduire chez les riverains et un nouveau regard émerge, en particulier à la suite de la rupture accidentelle d'une canalisation de soude en mars 2016. Globalement, peu d'effets sanitaires sont observés par la plupart des acteurs interrogés mais une grande inquiétude est exprimée par les riverains vis-à-vis des poussières générées à proximité de l'usine et du site de stockage et concernant les possibles cancers qui pourraient survenir après une exposition prolongée. Les associations les plus engagées perçoivent des niveaux élevés de pathologies respiratoires, cardiovasculaires, neurodégénératives et de cancers et une augmentation de l'asthme et des allergies. Les professionnels de santé interrogés n'expriment pas d'inquiétude particulière sur l'état de santé des populations.Les salariés, anciens salariés, médecins du travail et responsables hygiène et sécurité ne formulent pas d'inquiétude sur l'état de santé en milieu du travail. Si la mise en place d'une démarche épidémiologique est jugée positivement par les acteurs locaux rencontrés, certains disent s'attendre à l'impossibilité d'établir une relation causale entre les événements de santé et l'activité d'Altéo du fait de la pluralité des expositions environnementales (autres industries, trafic routier...), du caractère multifactoriel des maladies et de l'effet cocktail des polluants. Certains acteurs associatifs ont insisté sur l'intérêt que pourrait présenter une étude de type " santé déclarée " qui permettrait d'étudier des pathologies ou symptômes non disponibles dans les bases de données utilisées par les épidémiologistes, en associant les parties prenantes lors des phases de conception et de réalisation de l'étude. Par ailleurs, des gages de transparence et d'indépendance scientifique sont attendus par les représentants associatifs, les journalistes et certains riverains vis-à-vis de Santé publique France.

Auteur : Perrey Christophe, Lasalle Jean-Luc
Année de publication : 2022
Pages : 44 p.
Collection : Études et enquêtes