Bulletin de santé publique saturnisme en Guyane. Décembre 2020.

Publié le 2 décembre 2020
Mis à jour le 2 décembre 2020

De 2015 à 2018, 18 285 plombémies de primodépistage ont été recensées en France, départements et régions d’Outre-Mer (DROM) inclus. Sur la même période, la Guyane en réalisait 2 183, soit 12 % à elle seule alors que la population guyanaise ne représente que 0,42% de la population française (DROM inclus) en 2019.

Ce sont majoritairement les enfants de 1 à 6 ans, les garçons ou les mineurs qui habitent sur le fleuve par rapport au littoral qui sont les plus imprégnés. Néanmoins ces résultats doivent être interprétés avec prudence puisque les filles sont plus dépistées que les garçons sur la tranche d’âge 7-18 ans. Les garçons dépistés peuvent ne représenter que des cas graves d’intoxication, leur plombémie moyenne en serait donc augmentée. Cette différence d’effectif (2 fois plus de filles que de garçons, en particulier sur la tranche d’âge 7-18 ans) laisse penser que ce sont majoritairement des mineures enceintes qui se font dépister pendant leur grossesse.

Les objectifs de diminution de la plombémie de la population générale fixés par l’HCSP sont une plombémie moyenne de 12 µg/L et 98% de la population avec une plombémie inférieure à 40 µg/L. Chez les mineurs primodépistés entre 2011 et 2018 nous observons une plombémie moyenne (géométrique) de 37,4 µg/L et seulement 52 % des enfants avec une plombémie en dessous de 40 µg/L. A cela s’ajoute que près de 40% des enfants de Guyane ont une plombémie supérieure à 50 μg/L et 68 % de la population guyanaise primodépistée ont une plombémie supérieure à 25 μg/L, ce qui correspond au seuil de vigilance. La situation en Guyane est donc très préoccupante.

Une augmentation du rendement des cas incidents s’observe entre 2011-2015 et 2015-2018 qui s’explique par le changement de la valeur seuil qui définit le saturnisme. Toutefois, dans environ 43 % des cas, aucune fiche de notification n’a été transmise à l’ARS. Cette sous-notification s’explique par plusieurs facteurs, dont une non-déclaration par les prescripteurs de plombémies et une méconnaissance du saturnisme. Cependant l’absence ou le retard dans le signalement d’un cas n’est pas sans conséquences pour l’enfant car l’exposition persiste.

Le niveau d’imprégnation au plomb en Guyane est très élevé par rapport au niveau mesuré en métropole. Les causes sont encore mal définies mais on identifie des sources d’intoxication différentes de la métropole, en effet les peintures au plomb ainsi que les canalisations au plomb ne sont que très peu retrouvées en Guyane. Les sources identifiées sur le territoire ne suffisent que rarement à expliquer à elles-seules le niveau de plomb retrouvé chez les enfants. Contrairement aux facteurs de risque identifiés par l’analyse du SNSPE ; la littérature, ainsi que les enquêtes environnementales, suggèrent une exposition multifactorielle à composante majoritairement alimentaire comme source d’intoxication principale au plomb en Guyane.

Le plomb est naturellement présent dans certains maniocs et donc dans certains de leurs dérivés. A ce jour nous n’avons pas détecté la présence de plomb dans le poisson ni dans le gibier avant intervention humaine en Guyane. Néanmoins du plomb peut se retrouver dans ces aliments lorsqu’ils sont pêchés, chassés et préparés. Le plomb passe des plombs de pêche au poisson, de grenailles de plomb à la chair du gibier, et se dépose sur le couteau qui sert à couper les plombs et qui coupe ensuite la nourriture.

La situation nécessite une poursuite des investigations en profondeur, dont une analyse des différentes sortes de manioc et des sols. Seules une coopération et une écoute des différentes communautés guyanaises concernées, ainsi qu’une sensibilisation des professionnels de santé, permettront d’apporter des solutions efficaces et pertinentes.