Conduites suicidaires dans les régions françaises pendant et à la suite de la crise sanitaire

A l’occasion de la journée nationale dédiée à la prévention du suicide le 5 février 2023, Santé publique France publie aujourd’hui des Bulletins de santé publique pour les régions métropolitaines et ultramarines (DROM) consacrés aux conduites suicidaires : idées suicidaires, tentatives de suicide, suicides.  

Publié le 3 février 2023

Le constat global montre une altération de la santé mentale marquée par l’augmentation des idées suicidaires et des tentatives de suicide pendant et à la suite de la crise sanitaire sur fond d’hétérogénéité régionale et infra-régionale.

Ces bulletins s’inscrivent dans le développement de la surveillance de la santé mentale à l’échelle régionale et incluent une actualisation des données depuis la première publication régionale sur le thème (février 2019) et un focus sur l’évolution des tendances durant la période de la crise sanitaire. 

Le constat global, commun à l’ensemble des régions, est une dégradation continue, à partir de l’automne 2020, des indicateurs relatifs aux passages aux urgences pour idées suicidaires et gestes suicidaires, et aux hospitalisations pour tentative de suicide, particulièrement chez les jeunes de 10 à 24 ans et de sexe féminin. Cette tendance se poursuivait en 2021 et même s’accentuait en 2022 (1er semestre), sans retentissement observable sur la mortalité par suicide jusqu’à mars 2021. 

L’augmentation importante des passages aux urgences pour idées suicidaires, notamment chez les jeunes, témoigne d’un mal-être qui apparait durable. L’impact de la crise sanitaire est probable, mais d’autres causes potentielles de mal-être (telles que les difficultés économiques, la situation internationale ou les problèmes environnementaux) pourraient contribuer à une altération persistante de la santé mentale et au risque suicidaire. Le maintien de la surveillance réactive de la santé mentale à tous les âges de la vie reste une priorité dans les missions de surveillance de Santé publique France. 

Au-delà de ce constat global, une hétérogénéité des situations régionales et infrarégionales. 

Augmentation des hospitalisations pour suicide chez les jeunes avec la crise sanitaire 

Depuis 2010, la tendance générale était à la baisse des taux d’hospitalisation pour tentative de suicide chez les hommes et les femmes, moins marquée après 2014, dans toutes les régions sauf en Nouvelle-Aquitaine (stable) et à La Réunion (en augmentation de 2010 à 2015). 

Pendant la crise sanitaire, sur la période 2020-2021, les taux d’hospitalisation pour tentatives de suicide sur les périodes avant, pendant et après les deux premiers confinements, montrent une baisse pendant le 1er confinement suivie d’une augmentation continue en France et dans les régions métropolitaines, particulièrement chez les jeunes filles et femmes de 10 à 24 ans.

En 2021, le taux régional annuel d’hospitalisation pour tentative de suicide chez les 10 ans et plus se situe à 150 pour 100 000 habitants en France. Il varie selon les régions métropolitaines, de 70 pour 100 000 habitants en Corse à 268 pour 100 000 dans les Hauts de France soit près de 4 fois plus. Dans les DROM, les taux d’hospitalisation pour tentative de suicide sont parmi les plus faibles de France, à l’exception de La Réunion (139 pour 100 000 habitants). Le taux d’hospitalisation pour tentative de suicide est environ une fois et demi plus important chez les femmes que chez les hommes, ce ratio variant suivant les régions.

Néanmoins pas de tendance à la hausse observée pour les décès par suicide 

Aucune augmentation de la mortalité par suicide en France, sur la base des données disponibles, n’est observée pendant la crise sanitaire jusqu’à mars 2021 selon une étude réalisée à partir des certificats de décès.

L’analyse de la mortalité à l’échelle régionale, possible jusqu’en 2017, montre une tendance générale de diminution des décès par suicide depuis 2010. En 2017, les taux de mortalité par suicide chez les 10 ans et plus se situe à 14 pour 100 000 habitants en France. Ils variaient pour les régions métropolitaines de 7 pour 100 00 habitants en Île-de-France à 22 pour 100 000 habitants en Bretagne. Dans les DROM, les taux de mortalité étaient parmi les plus faibles de France.

L’hétérogénéité des situations régionales au regard des indicateurs de conduites suicidaires et leurs évolutions montre l’importance de la déclinaison régionale de la surveillance de la santé mentale et du suicide.

La prévention du suicide, une priorité concernant l’ensemble de la population

Si le mal-être actuel des jeunes est préoccupant, et doit faire l’objet d’interventions ciblées, il n’en demeure pas moins que la majorité des décès par suicide concernent les adultes de plus de 40 ans, majoritairement des hommes, sans oublier que, par classes d’âge, les taux pour 100 000 habitants les plus élevés de suicide sont constatés chez les seniors. 

La prévention du suicide est donc une priorité de santé publique à tous les âges de la vie avec la prévention directe du geste suicidaire par des dispositifs déployés au niveau national ; elle s’inscrit également dans une stratégie plus large de promotion de la santé mentale et de prévention de la souffrance psychique. 

  • 1.    La prévention du suicide fait l’objet d’une stratégie ciblée sur les personnes les plus à risque de passage à l’acte

Santé publique France accompagne par ses travaux d’expertise (études, évaluations) le développement et la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention du suicide. 

Cette stratégie propose de combiner à l’échelle des territoires un ensemble d’interventions destinées à protéger, prendre en charge et accompagner les personnes les plus à risque de passage à l’acte (personnes évoquant des pensées suicidaires ou ayant déjà effectué une tentative de suicide).

Santé publique France est notamment impliqué dans le suivi et l’accompagnement :

  • du dispositif VigilanS qui assure la veille et le suivi des patients sortis de l’hôpital suite à une tentative de suicide,
  • du numéro national de prévention du suicide, le 3114, qui propose un accompagnement et une écoute par un professionnel du soin, spécifiquement formé à la prévention du suicide. Ce numéro accessible 24h/24 et 7j/7, gratuitement, en France entière, dispose également d’un site internet qui met à disposition des ressources pour mieux comprendre la crise suicidaire et des conseils pour la surmonter. 

En complémentarité du 3114, de nombreuses associations proposent une aide et un soutien selon les problématiques spécifiques rencontrées. En avril 2020, Santé publique France a créé un espace dédié à la santé mentale sur son site internet, permettant de recenser tous les dispositifs d’aide à distance, classés selon les populations (enfants, étudiants, personnes âgées...) ou thématiques (détresse psychologique, violence, deuil, addictions, parentalité….).

  • 2.    La prévention du suicide s’inscrit dans une stratégie plus large de promotion de la santé mentale et de prévention de la souffrance psychologique

S’il est crucial pour réduire le nombre de suicides et de tentatives de suicide d’intervenir à proximité des passages à l’acte, il est également essentiel d’intervenir en amont pour renforcer les facteurs de protection et prévenir les troubles et la souffrance psychique. Pour cela, santé publique France est engagé dans le déploiement d’actions :

  • de développement des compétences psychosociales des enfants et de soutien à la parentalité (Programme de Soutien au Famille et à la Parentalité, programme 1000 premiers jours…) qui sont des déterminants majeurs de la santé mentale des populations,
  • d’information et de communication pour augmenter le niveau de connaissance de la population sur la santé mentale intégrant le bien-être, la souffrance et les troubles psychiques (déterminants, signes, symptômes, causes, traitements, professionnels, ressources disponibles, comportement favorables …). L’enjeu est de faire du plaidoyer pour développer des comportements et des environnements plus favorables à la santé mentale (famille, école, ville, travail …), de favoriser le repérage et la prise en charge précoce de la souffrance psychique (avant que des troubles s’installent et s’aggravent) et enfin de lutter contre la stigmatisation et de favoriser l’inclusion sociale des personnes atteintes de troubles.  

Références : 
-  Stratégie nationale de prévention du suicide actualisée dans l’instruction N° DGS/SP4/2022/171 du 6 juillet 2022
-  Feuille de route santé mentale et psychiatrie 2018.  Axe 1. Promouvoir le bien être mental, prévenir et repérer précocement la souffrance psychique, et prévenir le suicide ;
-  Communiqué de presse DGS du 3 février 2023 : « Le ministère de la Santé et de la Prévention poursuit son action pour une politique publique forte et ancrée dans les territoires en matière de prévention du suicide. »