La pandémie Covid-19 a provoqué une dégradation importante de la santé mentale des Français, et encore plus durement des populations les plus fragiles. Un constat objectivé par des enquêtes scientifiques et par les professionnels qui travaillent en première ligne. Mobilisée depuis le début de la pandémie via une surveillance renforcée et des actions de prévention auprès de tous les publics, Santé publique France réunit dans ce numéro, une trentaine d'experts et de professionnels de terrain. Ils dressent dans ce dossier un état des connaissances et analysent les conséquences que la pandémie a sur la santé mentale de l'ensemble de la population. Ce numéro spécial questionne en particulier l'éthique et les inégalités sociales et territoriales de santé.
La santé mentale : un enjeu majeur au cœur des préoccupations des politiques publiques
La crise sanitaire liée à la Covid-19 a mis en lumière la santé mentale en tant qu’enjeu public qui concerne l’ensemble de la population, et pas seulement « une personne sur cinq », comme indiqué généralement en référence au nombre de personnes pouvant être concernées par des troubles psychologiques sévères. La crise a accentué de façon aiguë les problèmes de santé mentale mais en a aussi provoqué de nouveaux. Les confinements successifs, la peur d’attraper le virus, le ralentissement de l’économie, la réduction de la vie sociale, la précarisation ou perte d’emploi et bien d’autres facteurs déterminants ont plongé une grande partie des Français dans un état émotionnel et psychologique fragilisé. Ceci constitue un tournant : la préoccupation des politiques de santé mentale ne concerne plus uniquement l’organisation des soins en psychiatrie mais englobe les actions de prévention et de promotion de la santé : déploiement de dispositifs de prévention du suicide, des lignes d’écoute, mais aussi mobilisation de tous les acteurs susceptibles d’intervenir en faveur de la santé mentale, du secteur social, du logement, de l’éducation (voir l’article Covid-19 : L'irruption de la santé mentale dans le débat public).
Mobiliser des ressources locales
Les actions menées pendant une crise sont d’autant plus pertinentes que les liens entre acteurs sont déjà tissés, comme dans le cadre des conseils locaux de santé mentale ou des groupes d’entraide mutuelle. La pandémie a rudement mis à l’épreuve le système de santé et a révélé des fragilités préexistantes – dont celles du secteur de la psychiatrie, tant à l’hôpital qu’en libéral. Il s’agit aujourd’hui de poursuivre les transformations dans la manière de promouvoir la santé mentale et de mieux comprendre ses déterminants, préalable indispensable à la prévention et à la promotion de la santé.
Le poids des inégalités sociales et territoriales de santé, accentué par la crise de la COVID-19
L’épidémie et les mesures prises pour l’endiguer ont révélé des vulnérabilités, des inégalités au sein de la population concernant l’exposition au virus, les conditions de vie et les difficultés psychiques engendrées. Elle a affecté différemment les personnes selon leur logement et la possibilité de poursuivre ou non leur activité professionnelle. L’impact de la crise a fortement varié en fonction des ressources financières, relationnelles et sociales des individus, de leur accès aux produits de première nécessité, aux loisirs ou aux soins. Ce numéro explore les effets de la crise sur la santé mentale de différentes populations : soignants, personnes âgées, étudiants, handicapés, etc., vivant et travaillant dans différents milieux de vie (maisons de retraite, hôpitaux en particulier les services de psychiatrie, etc.).
Les enjeux éthiques soulevés
De nombreuses questions éthiques ont été soulevées tout au long de l’épidémie. Il s’agit notamment des tensions possibles entre protection de la santé et respect des droits ; des priorités et des interdépendances entre santé physique et santé mentale – voire entre la santé et d’autres enjeux collectifs (comme l’économie ou l’éducation) ou entre protection individuelle et collective. Sur un plan éthique, comme l’analyse une universitaire, « la crise a aussi été révélatrice de la stigmatisation des personnes ayant des troubles psychiques ».
Le cas des enfants et adolescents
Face à la COVID-19, les enfants font preuve de résilience s’ils sont accompagnés par leur famille, l’école ou des professionnels. Comme le décrypte une pédopsychiatre, la santé psychique des enfants et adolescents a été et continue d’être affectée par l’épidémie Covid-19. À l’automne 2020, des professionnels de la pédopsychiatrie ont vu arriver dans leurs services des enfants dans des états de crise aiguë (anxiété généralisée, crise suicidaire, etc.). Ces professionnels soulignent que les enfants sont particulièrement sensibles à l’anxiété de leurs proches et mettent en garde contre les effets du huis-clos familial lors des confinements (avec une augmentation des violences intrafamiliales) ; contre les conditions de scolarité altérées (suppression d’activités à l’école, accès restreint aux cours de récréation, etc.) et contre les protocoles sanitaires changeants qui provoquent de fortes tensions. Ces mesures ont fait l’objet de débats éthiques et politiques sur la balance bénéfices/risques pour les enfants.
Définitions et concepts de la santé mentale
Ce numéro passe en revue les définitions et concepts de la santé mentale et en précise le périmètre, afin notamment de mieux comprendre les logiques d’intervention associées. Le Haut Conseil de la santé publique y présente son avis relatif aux conséquences de la Covid-19 sur la santé mentale et l’Organisation mondiale de la santé édicte ses recommandations pour améliorer la santé mentale des populations en période de pandémie. Une équipe de chercheurs synthétise l’ensemble des répercussions de la pandémie sur la santé mentale des Français. Un psychiatre présente un ensemble de mesures opérationnelles permettant à une partie de la population de développer une sorte de résilience face au stress créé par la pandémie. A cet égard, les leçons tirées peuvent selon lui être extrapolées à toute situation difficile.
La Santé en action, Septembre 2022, n°461 Promouvoir la santé mentale des populations en temps de Covid-19
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- Enjeux de santé dans le contexte de la Covid-19 : toutes les informations concernant l’impact du Covid-19 pendant et après le confinement sur la santé mentale, le recours aux soins, la consommation d’alcool et de tabac, l’adaptation des mesures en période de canicule...
- Bulletins hebdomadaires de surveillance syndromique de la santé mentale : ils visent à informer l’ensemble des acteurs de la santé mentale de l’évolution des passages aux urgences et actes SOS Médecins (angoisse, comportements anxieux, états dépressifs…).