Détection du virus de la polio dans les eaux usées en Angleterre : analyse de Santé publique France

Suite à la détection de poliovirus dans des échantillons d'eaux usées d'une station d'épuration à Londres, Santé publique France reste en veille sur le sujet. En savoir plus sur la surveillance de la poliomyélite en France et dans le monde.

Publié le 30 juin 2022
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L’organisation mondiale de la santé (OMS) a confirmé le mercredi 22 Juin la détection de poliovirus dérivés d’une souche vaccinale de type 2, dans des échantillons d’eaux usées prélevés dans le cadre de la surveillance. Cette station d’épuration se situe à Londres et draine un bassin de population de 4 millions de personnes.

Un poliovirus dérivé d'un vaccin (PVDV) est une souche du poliovirus atténuée qui était initialement incluse dans le vaccin antipoliomyélitique oral (VPO) et qui a évolué au fil du temps par mutation génétique pour devenir virulente et se comporter davantage comme un virus sauvage. De ce fait, il peut se transmettre à des personnes qui ne sont pas correctement vaccinées contre la poliomyélite et causer la maladie essentiellement dans des pays utilisant le vaccin oral. Tout comme les virus contenus dans le vaccin oral, ils sont excrétés dans les selles des individus vaccinés.

En France comme dans de nombreux pays, la vaccination contre la poliomyélite repose sur l’utilisation du vaccin inactivé (VPI) qui ne présente pas ce risque.

Santé publique France suit la situation et a par ailleurs publié en mai les dernières données de surveillance concernant la poliomyélite en France et dans le monde.

Que sait-on de la situation anglaise ?

Entre février et mai 2022, plusieurs virus présentant un profil de virus dérivés du poliovirus vaccinal de type 2 (VDPV2) ont été isolés dans les eaux usées à Londres. Contrairement à ce qui est habituellement observé pour les poliovirus isolés dans les eaux usées au Royaume-Uni (plusieurs détections au cours des dernières années), ces virus récents apparaissent génétiquement liés et suggèrent un épisode de transmission au sein d’une communauté insuffisamment vaccinée, à partir d’une personne récemment vaccinée en provenance d’un pays utilisant le vaccin oral dans ses campagnes de vaccination (le Royaume-Uni n’utilisant plus le vaccin oral depuis 2004).  Les virus n'ont été détectés que dans des échantillons d'eaux usées, aucun cas de paralysie n'a été signalé à ce jour et les autorités considèrent le risque de diffusion dans la population comme faible même s’il existe un risque de transmission dans les communautés insuffisamment vaccinées1. En Grande Bretagne, la couverture vaccinale pour les vaccins incluant la polio pour le nourrisson était estimée à 86.6% à Londres. Les autorités anglaises ont rappelé l’importance de vérifier et mettre à jour les vaccinations des personnes résidant à Londres, notamment des jeunes enfants quelle que soit leur origine.

Des cas de paralysie liés à un dérivé du poliovirus vaccinal déjà identifiés en Europe mais très rares

Carte sur la situation endémique de la poliomylétite

Par ailleurs, des cas de paralysie causés par la circulation de virus dérivés du poliovirus vaccinal (cVDPV) ont été signalés récemment en Ukraine en octobre et décembre 2021 et Israël en février 2022, avec des isolements respectifs de cVPDV2 et cVPDV3. Concernant l’Ukraine, l’OMS faisait état, le 28 avril 2022, de 2 cas de paralysie liés à des cVPDV2, et de 19 contacts trouvés positifs dans leur entourage avec mise en place d’une campagne de vaccination par VPI (vaccin polio inactivé) dans les suites, campagne fortement impactée par la guerre en Ukraine au printemps 2022.

Un risque très faible dans les populations suffisamment vaccinées

Il n’existe pas de traitement contre la poliomyélite. Les principales mesures de prévention relèvent de l’hygiène et de la vaccination qui a permis de diminuer l’incidence de la poliomyélite due au virus sauvage de plus de 99 % au niveau mondial.
La France bénéficie d’une couverture vaccinale très élevée vis-à-vis de la poliomyélite (vaccin polio inactivé): 99% pour la primo-vaccination et 96% pour le rappel chez les nourrissons en 2019, et ces chiffres de CV sont très élevés depuis toujours, le vaccin ayant été obligatoire jusqu’à l’âge de 12 ans jusqu’en 2018. Par ailleurs, la vaccination  est obligatoire pour les nourrissons nés à partir de 2018.

Cette excellente couverture est rassurante et nécessite d’être maintenue et homogène pour toutes les populations sur le territoire national.  Elle procure une très bonne protection vis-à-vis de la maladie en cas de contamination, le risque d’apparition de cas et /ou de clusters au sein de la population française demeure donc très faible.

En France, une surveillance active destinée à identifier la présence du virus de la polio

Malgré l’élimination de la poliomyélite de la région Europe, une grande vigilance vis-à-vis d’une possible réintroduction de poliovirus est nécessaire. En effet, des foyers endémiques liés au virus sauvage persistent dans le monde (Pakistan et Afghanistan). L’enjeu est donc de maintenir une couverture vaccinale élevée tant que la maladie n’a pas été éradiquée.

Santé publique France a mis en place un programme de surveillance de la poliomyélite qui repose d’une part sur la déclaration obligatoire (en place depuis 1936) et d’autre part, sur une surveillance renforcée des entérovirus depuis 2000, en collaboration avec le Centre national de référence des entérovirus, et s’appuyant sur un réseau de laboratoires volontaires.

Depuis la mise en place du réseau de surveillance des entérovirus en 2000, seuls des poliovirus vaccinaux ainsi qu’un cVDPV de type 2, sans reprise de virulence, tous importés, ont été mises en évidence dans des échantillons cliniques, sans aucun signe d’appel pouvant faire évoquer une poliomyélite chez les patients prélevés.

Les autorités sanitaires en France restent vigilantes par rapport au risque d’introduction de souches de poliovirus dérivées du vaccin liée à des personnes en provenance de pays dans lesquels le vaccin polio oral reste utilisé. La surveillance clinique et biologique coordonnée par le CNR des Entérovirus et Parechovirus permet de détecter toute suspicion clinique nécessitant des actions rapides visant à limiter le risque de transmission. Le rattrapage vaccinal dans les groupes de population non vaccinés ou insuffisamment vaccinés est également important pour prévenir l’apparition de foyers de transmission à partir de cas importés.