Ethylotest chimique à usage unique - air expiré : quels risques ?

Publié le 1 juillet 2012
Mis à jour le 5 juin 2019

L'obligation de disposer d'éthylotests chimiques à usage unique dans tous les véhicules terrestres à moteur à partir du 1e juillet 2012 (décret n° 2012-284 du 28 février 2012) a conduit la Direction générale de la santé à saisir l'Institut de veille sanitaire pour une étude des cas d'exposition aux éthylotests à usage unique rapportés aux centres antipoison et de toxicovigilance (CAPTV), l'analyse des circonstances de survenue des intoxications et la synthèse des effets nocifs attendus compte-tenu des compositions de ces éthylotests. Description des cas. Une interrogation a été effectuée sur les cas d'exposition à un éthylotest notifiés aux CAPTV entre le 1er janvier 1999 et le 10 juin 2012 et enregistrés dans leur système d'information. L'analyse a identifié 156 cas d'exposition. Le nombre de cas augmentait avec le temps ; ceci pourrait être lié aux campagnes recommandant l'autocontrôle de l'éthanolémie avant la conduite d'un véhicule. Hormis les cas attendus pour la population adulte des conducteurs, l'analyse mettait en évidence deux populations particulières, celle des expositions accidentelles de l'enfant (1-4 ans) et celle des adultes jeunes visés par l'autocontrôle (sortie de boite de nuit ; âge du permis de conduire). Deux grandes circonstances d'exposition ont été identifiées. Dans quatre cas, le dispositif a été croqué et/ou avalé dans un contexte d'état ébrieux avancé, parmi lesquels deux ont été considérés comme significatifs, l'un avec une érosion de la muqueuse jugale, l'autre avec une oesophagite isolée d'intensité et de topographie limitée. L'ensemble des 152 autres cas, la plupart après une exposition accidentelle, a fait l'objet d'une analyse globale. Hormis les cas attendus pour la population adulte, la distribution des âges a mis en évidence deux populations particulières, celle des expositions accidentelles de l'enfant (1-4 ans) et celle des adultes jeunes visés par l'autocontrôle (sortie de boite de nuit ; âge du permis de conduire). Dans quatre cas, le dispositif avait été croqué et/ou avalé dans un contexte d'état ébrieux avancé. Les 152 cas restant, étaient pour la plupart survenus après une exposition accidentelle. Les trois quarts d'entre eux (n=119) étaient symptomatiques. Ils résultaient le plus souvent d'une exposition buccale ou orale (66%, n=79) et présentaient en l'occurrence, pour l'essentiel, des signes bénins d'irritation des muqueuses digestives. Vingt-quatre pour cent des cas (n=28) résultaient d'une exposition oculaire (24%, n=28) ; ces cas étaient tous symptomatiques, l'un d'entre eux, une kératite, étant de gravité modérée. Une situation particulière d'exposition a été relevée dans 13 cas, celle du contact buccal avec un dispositif dégradé et contaminé par du liquide, possiblement du fait des conditions de stockage. Ce risque de dégradation pourrait faire partie de l'information délivrée au public sur le dispositif ou sur sa notice (à ne pas confondre avec les conditions de fonctionnement du test). Les éthylotests et leurs compositions. L'éthylotest en cause dans ces expositions avait été précisément identifié dans 35 cas. Pour les autres dossiers un codage générique avait été utilisé (" Alcootest / éthylotest "). Pour l'analyse des dangers, les informations concernant les éthylotests ont été recueillies à partir des compositions disponibles dans la base de composition, de la liste des éthylotests à usage unique publiée par le Laboratoire national de métrologie et d'essais (LNE), des informations produites par les fabricants ou distributeurs ou de celles disponibles sur Internet. Les principaux effets nocifs potentiels ont été résumés à partir des principaux ouvrages de référence, les fiches de sécurité produites par l'Institut national de recherche et sécurité et par la consultation de sites d'organismes internationaux. Ces éthylotests sont constitués d'un tube de réactif contenant principalement de la silice sous forme de cristaux ou de gel, de l'acide sulfurique et un sel de chrome. En présence d'éthanol, le chrome hexavalent orangé est transformé en chrome trivalent vert. La présence d'autres éthylotests de composition différente pouvait néanmoins avoir été masquée par le codage générique. Une recherche complémentaire a donc été entreprise en vue d'identifier des dispositifs sans chrome : trois dispositifs ont été identifiés, en provenance du même fabricant tchèque. Pour deux d'entre eux, la composition est précisément connue ; elle met principalement en jeu du gel de silice, de l'acide sulfurique, de (de couleur blanche) / diiode (vapeur de couleur violette). Ces éthylotests ne sont pas mentionnés sur la liste du LNE et ne sont pas agréés au titre de la norme NF. Les effets nocifs possibles. Les probabilités de survenue des différents effets ne peuvent être estimées en l'état des données. Compte-tenu de leur composition, les principaux effets nocifs potentiels identifiés sont : - des effets irritatifs / corrosifs dus aux dérivés du chrome mais plus probablement à l'acide sulfurique présent à concentration élevée. Ces effets ont été objectivés dans cette étude et notamment une ulcération de la muqueuse jugale dans un cas et une oesophagite modérée dans un autre cas, survenus après ingestion dans des circonstances très particulières d'ébriété. Dans des conditions plus habituelles d'exposition, l'atteinte cible était celle de la muqueuse oculaire (1 cas avec kératite). Ces effets locaux peuvent être minimisés par les mesures de décontamination, en particulier par le lavage immédiat de la peau et des muqueuses à l'eau durant 15 minutes. En cas d'ingestion, selon l'avis des toxicologues du groupe de travail, et compte tenu des minimes quantités en jeu, la prise d'un verre d'eau avant même la consultation d'un centre antipoison pourrait faire partie de l'information délivrée sur la notice des dispositifs ; - des effets systémiques peu probables lors d'une ingestion de chrome, d'iodure ou de nitrate de potassium, compte tenu des petites quantités mises en oeuvre. Les 2 derniers constituants sont utilisés par ailleurs, le premier en thérapeutique pour saturer la thyroïde lors d'un accident nucléaire et le second en faible quantité comme additif alimentaire ; - une sensibilisation avec les dérivés du chrome hexavalent ; cet effet dépend principalement du temps de contact ; celui-ci est réduit lors de ces circonstances accidentelles, d'autant plus lorsque qu'une décontamination est mise en oeuvre rapidement ; - des effets visés par la réglementation CMR, en particulier la cancérogénicité des dérivés du chrome hexavalent, L'étude des cas rapportés aux CAPTV ne peut pas appréhender ces effets dans la mesure où seuls les cas d'exposition aiguë sont colligés dans cette étude : exposition unique, de très courte durée notamment si des mesures de décontamination sont mises en oeuvre rapidement, à des quantités réduites de chrome. Les effets visés par le classement CMR, et notamment la cancérogénicité, relèvent biologiquement de la gamme des expositions prolongées et répétées très éloignées des circonstances objectivées dans cette étude. Toutefois, d'après la réglementation européenne, les agents cancérogènes de catégories 1A et 1B doivent avoir une concentration inférieure à 0,1% du poids du mélange lorsque celui-ci est destiné à un usage non professionnel ; cependant rien n'étant spécifié pour les articles (i.e. les éthylotests chimiques) et le réactif est, dans des conditions normales de stockage et d'utilisation, censé être inaccessible. Ce point pourrait mériter une analyse juridique. (R.A.)

Auteur : Manel J, Saviuc P, Solal C, de Bels F
Année de publication : 2012
Pages : 21 p.