Imprégnation de la population française par les hydrocarbures aromatiques polycycliques. Programme national de biosurveillance, Esteban 2014-2016.

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont des composés toxiques de l'environnement, produits de manière naturelle ou anthropique. Ils sont générés principalement lors de la combustion incomplète de matières organiques ou par pyrolyse. Ils sont impliqués directement ou indirectement dans la survenue et/ou l'aggravation de cancers et des maladies cardiovasculaires constituant ainsi une priorité en termes de santé publique. Du fait de leur omniprésence dans l'environnement et dans les aliments, de leur présence généralement sous forme de mélanges complexes, de leur cancérogénicité, immunotoxicité et du caractère reprotoxique et tératogène de certaines molécules de HAP, ils nécessitent d'être surveillés. Le 3-hydroxybenzo[a]pyrène a été classé par le Circ (Centre international de recherche sur le cancer) cancérogène certain (groupe 1), les molécules de naphtalène, de chrysène et d'anthracène sont possiblement cancérogène (groupe 2B). Le cyclopenta(c,d)pyrène, le dibenzo(a,h)anthracène et le dibenzo(a,l)pyrène sont classés substances probablement cancérigène (groupe 2A). En France, en l'état des connaissances actuelles, il n'existe pas d'étude en population générale ayant mesuré les niveaux d'imprégnation de la population. Toutefois, des études réalisées en milieu professionnel ont permis de connaitre les niveaux biologiques des travailleurs dans certains domaines exposant aux HAP [1]. Pour la première fois, l'étude transversale Esteban (Étude de Santé sur l'Environnement, la Biosurveillance, l'Activité physique et la Nutrition) a permis de mesurer les niveaux d'imprégnation par les HAP de la population générale en France continentale âgée de 6 à 74 ans sur un sous-échantillon de 398 enfants et 1 099 adultes, entre avril 2014 et mars 2016. Les HAP mesurés en population générale (adultes, enfants) dans le cadre de l'étude Esteban étaient soit non quantifiés ou très peu quantifiés (chrysènes, anthracènes, fluoranthène et 3-hudroxybenzo[a]pyrène) ; soit très bien quantifiés (%>LOQ entre 80 et 100 %) : 1-hydroxypyrène, naphtalènes, fluorènes et phénanthrènes. Une comparaison avec les études similaires étrangères montrait que les niveaux d'imprégnation par les phénanthrènes en France en 2014-2016 en population générale chez les enfants étaient inférieurs à ceux observés en Allemagne. La recherche des déterminants a confirmé les facteurs déjà connus dans la littérature. Chez les enfants, une tendance à l'augmentation des concentrations en naphtalène avec l'utilisation de l'encens et une augmentation des niveaux d'imprégnation par le 1-hydroxypyrène chez ceux qui aèrent le moins leur logement étaient observées. Chez les adultes, la consommation de cigarettes était un déterminant majeur de l'imprégnation par les HAP. Chez les fumeurs, une augmentation des concentrations était observée en phénanthrènes (+95 %), en 1-hydroxypyrène (+145 %), en naphtalènes (+249 %) et en fluorènes (+261 %) par rapport aux adultes non-fumeurs et non exposés au tabagisme passif. Une différence des niveaux d'imprégnation par le 1-hydroxypyrène, les naphtalènes et les phénanthrènes était observée selon le sexe : les hommes étaient moins imprégnés (diminution de 14 à 30 %) que les femmes. Chez les adultes, une diminution selon le niveau de diplôme était aussi observée pour l'ensemble des familles de HAP analysées, les plus diplômés étaient moins imprégnés. Les facteurs alimentaires retrouvés étaient : une augmentation des niveaux d'imprégnation par le 1-hydroxypyrène, les fluorènes et les phénanthrènes avec la consommation de matières grasses (huile, beurre, margarines) ; une tendance à l'augmentation des niveaux d'imprégnation par les naphtalènes avec la consommation de viennoiseries et la consommation de viandes et enfin une tendance à l'augmentation des concentrations urinaires des fluorènes avec la consommation de charcuterie. Les résultats de l'étude Esteban fournissent pour la première fois les niveaux d'imprégnation par les HAP de la population vivant en France continentale entre 2014 et 2016 et permettent d'établir les premières valeurs de référence d'exposition (VRE). Ils mettent en lumière la forte influence du tabagisme sur les niveaux d'imprégnation par les HAP chez les adultes. Ces résultats pourraient aussi être utilisés pour objectiver l'effet des décisions