Le programme 13/11 : Programme de recherche transdisciplinaire 13-Novembre : comprendre et transmettre la mémoire des attentats

Il s’agit d’un Programme de recherche transdisciplinaire dont l’objectif est d’étudier la construction et l’évolution de la mémoire après les attentats du 13 novembre 2015.

Publié le 29 avril 2019
Dans cet article

Contexte

Les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, ainsi que les événements du 18 novembre à Saint-Denis, ont été traumatisants pour les victimes, leurs proches, mais aussi l’ensemble de la société française. 
Qu’en reste-t-il aujourd’hui dans nos mémoires, et que deviendra ce récit dans 10 ans ? Pour le comprendre, le CNRS, l'Inserm et l'héSam ont lancé le programme de recherche transdisciplinaire 13-Novembre dont l’objectif est d’étudier la construction et l’évolution de la mémoire après les attentats du 13 novembre 2015. 

Une première mondiale

Porté par l'historien Denis Peschanski et le neuropsychologue Francis Eustache, ce programme transdisciplinaire se fonde sur l'idée qu'il est impossible de comprendre pleinement les dynamiques de la mémoire individuelle sans prendre en compte la mémoire collective. C’est une première mondiale, de par son ampleur, sa durée, et l’utilisation de captations filmées.

Dans le cadre de l’Etude 1000, des médiateurs, des enquêteurs et des chercheurs vont recueillir puis analyser les témoignages d’un groupe de 1000 personnes volontaires, au cours de quatre campagnes d’entretiens filmés réparties sur 10 ans. Dans l'idéal, les mêmes personnes seront écoutées à quatre reprises : en 2016, 2018, 2021 et 2026.

Les campagnes de 2016 et 2018 se sont déroulées avec succès, avec 934 entretiens pour la première Phase et 839 pour la seconde. 

Les volontaires

Parce que nous sommes tous porteurs de mémoire, toute personne souhaitant apporter son témoignage, qu’elle ait été touchée de près ou de loin par les attentats, est invitée à participer au programme. Afin d'avoir une cartographie de témoignages la plus complète et diversifiée possible, les volontaires sont repartis selon quatre cercles :

  • Cercle 1 : les survivants, les témoins, les proches et les acteurs-intervenants (policiers, militaires, médecins et Croix-Rouge, etc.)
  • Cercle 2 : les résidents et usagers des quartiers visés, que ce soit dans le 10e, le 11e ou à Saint-Denis : ceux qui y vivent et ceux qui y travaillent, ceux qui les fréquentent régulièrement pendant leurs loisirs
  • Cercle 3 : les habitants des autres quartiers parisiens et de l’Île-de-France
  • Cercle 4 : les habitants de deux villes hors de l’Île-de-France – Caen et Metz, et Montpellier

Le recueil des témoignages

Les témoignages des volontaires franciliens sont recueillis par une équipe d’enquêteurs, dans des studios de l’INA, à Bry-sur-Marne. Des équipes de l’ECPAD prennent en charge les entretiens en région, ainsi que les entretiens des décideurs et des intervenants. Le protocole de ces entretiens filmés sera strictement confidentiel pendant les 12 années du programme, pour ne pas biaiser les résultats de l’étude. Les vidéos des entretiens filmées sont, elles, exclusivement dédiées à la recherche scientifique.

Entre les différentes campagnes d’entretiens commencera le travail des chercheurs. Les témoignages individuels seront mis en perspective avec les traces de la mémoire collective telle qu’elle se construit au fil des années : les journaux télévisés et radiodiffusés, les articles de presse, les réactions sur réseaux sociaux, les textes et les images des commémorations… 
De plus, pour comprendre quels sont les effets d’un événement traumatique sur les structures et le fonctionnement du cerveau, des chercheurs basés à Caen étudient les marqueurs neurobiologiques de la résilience au traumatisme chez un sous-groupe de 180 personnes. Cette étude s’intitule REMEMBER et est ancillaire à l’Etude 1000. Les chercheurs s’intéressent en particulier à la capacité de lutter contre les intrusions : des images et des pensées qui s’imposent et dont on n’arrive pas à se détacher.

Un travail de mémoire

Ce programme s'inspire des travaux effectués ces dernières années sur les mémoires de la Seconde Guerre mondiale et du 11 septembre 2001, et en particulier de la plateforme technologique MATRICE. La mémoire de ces événements est un élément essentiel de la construction de l’identité individuelle comme de l’identité collective. De la même manière, la mémoire des attentats du 13 novembre participe et participera à façonner la société de demain. C’est le rôle de la recherche scientifique d’analyser ces phénomènes pour nous permettre de mieux les comprendre et mieux les appréhender. Pour les chercheurs impliqués, cela relève d'une forme d’engagement citoyen. L’enjeu est également patrimonial : il s’agit de conserver et de transmettre la mémoire des attentats du 13 novembre.

Pour participer : participation@memoire13novembre.fr 

Résultats

Etude 1000

Menée par le CNRS en partenariat avec l’INA et l’ECPAD, l’Étude 1000 a pour objectif central de recueillir et d’analyser les témoignages de mille personnes par quatre campagnes d’entretiens filmés, réalisés en 2016, 2018, 2021 et 2026. L’étude vise un échantillon suffisamment diversifié pour élaborer une cartographie de témoignages la plus complète et plurielle possible, réparti en : Cercle 1 (Personnes directement exposées aux attentats), Cercle 2 (Habitants et usagers des quartiers visés), Cercle 3 (Habitants des quartiers périphériques et de banlieue), Cercle 4 (Habitants de Caen, Metz, Montpellier)
Au 02/04/2019, les Phases 1 et 2 sont terminées, le traitement des données récoltées est en cours. Et elles confirment le postulat selon lequel le suivi longitudinal d’une cohorte de volontaires sur dix ans offre de formidables possibilités de recherche. Phase 1 (octobre 2017 - avril 2018) : 934 témoignages ont été recueillis, soit 1431 heures d’entretiens. Phase 2 (mai 2018 - décembre 2018) : Au 30 juin 2019, 839 entretiens ont été réalisés. Sur la totalité des entretiens réalisés, le taux d’attrition (la proportion des volontaires non revenus) n’est que de 23%.

Etude REMEMBER

Promue par l’Inserm, l’étude REMEMBER pour « REsilience and Modification of brain control network following novEMBER 13 » est une étude longitudinale en imagerie cérébrale, en neuropsychologie et en psychopathologie, des conséquences d’un événement traumatique». Un enjeu fondamental de cette étude, qui s’étend sur une période de 7 ans, est donc de comprendre pourquoi certains individus ayant vécu l’attaque du 13 novembre peuvent surmonter ce traumatisme et d’autres pas, ou tout du moins plus difficilement, en identifiant les marqueurs neurofonctionnels prédictifs d’une telle résilience et leur évolution temporelle. 
L’analyse des données recueillies au temps T1 (13 juin 2016 - 7 juin 2017) se poursuit. L’accueil des participants et le recueil des données du temps T2 se déroulait à Caen du 2 juin 2018 au 30 juin 2019. Au total, 91% des participants initiaux ont été reçus une deuxième fois par les équipes caennaises. 
Les premiers résultats confirment l’importance de la nature de l’exposition traumatique, des réactions physiques immédiates, de la narrativité, du soutien social, et de certains modes habituels de réactivité dans l’apparition et l’évolution de troubles psychologiques.

Etude CREDOC

L’enquête semestrielle « Conditions de vie et Aspirations » du CRÉDOC interroge semestriellement, depuis plus de quarante ans, un échantillon représentatif de la population française sélectionné selon la méthode des quotas. Onze questions ont été élaborées avec le concours des partenaires du Programme 13-Novembre sur la perception et la mémorisation des attentats du 13 novembre 2015 et insérées dès juin 2016. Ce partenariat permet d’observer très objectivement l’évolution de la mémorisation des attentats du 13 novembre 2015 au sein de la société française, de manière représentative. 
Près de trois ans après les faits, la mémoire des circonstances dans lesquelles chacun a appris la nouvelle reste vivace, signe d’un fort choc émotionnel, qui explique que l’événement agisse aujourd’hui comme un marqueur temporel entre un « avant» et un « après» 13 novembre, à l’instar du 11 septembre aux États-Unis. Concernant les lieux dans lesquels les attaques sont survenues, le Bataclan reste le premier évoqué. Ces premiers résultats sont appelés à être suivis en 2021 et en 2026.

Étude « Mémoires et mises en récit des attentats de janvier et novembre 2015 dans le monde scolaire »

Menée par l’Université Paris 1, cette enquête se donne comme objectif l’analyse de la mémorisation des attentats terroristes de 2015 et de leurs mises en récit par les différents acteurs du système éducatif travaillant principalement dans les académies franciliennes. Les modalités de cette recherche sont fondées sur l’enregistrement sonore d’une centaine d’entretiens semi-directifs.

Étude « Écrire le 13 novembre, écrire les terrorismes »

L’un des axes principaux de cette étude menée par Paris3 est d’analyser la fabrique des mémoires elles-mêmes et d’observer ce que les mémoires font et défont des groupes d’appartenance et de référence. Le travail se focalise dans un premier temps sur les écritures du 13 novembre : témoignages et traces, fictions, pièces de théâtre, poèmes, puis élargit le point de vue en adoptant une démarche comparatiste mettant en perspective les écritures du 13 novembre et celles d’autres attentats.

Etude sur les médias

Que ce soit à travers l’évolution de l’audience des chaînes d’information continue ou dans l’utilisation faite par chacun des différents réseaux sociaux, la voix des médias façonne le paysage mémoriel autant qu’elle rend compte de son évolution. L’INA a ainsi capté, archivé et instrumenté un corpus spécifique et indexé de tweets sur les attentats de Charlie Hebdo et du 13 novembre. De la même manière, l’INA a observé et comparé la façon dont les chaînes de télévision françaises ont traité les attentats de janvier et de novembre 2015. Autant de pistes et de ressources à exploiter dans les années à venir.