La surveillance des cancers professionnels constitue une priorité reconnue au niveau national et s’inscrit dans les différents Plans Cancer gouvernementaux. En France, le dispositif de surveillance actuel se base pour l’essentiel sur l’étude de la mortalité des cancers en fonction de la profession. Hormis pour les mésothéliomes, il n'existe pas de système de surveillance des cancers liés à l'activité professionnelle et au secteur d’activité.
Santé publique France a étudié la faisabilité de développer un tel système afin de compléter les indicateurs qu’elle produit et d’identifier de façon fiable les groupes professionnels à risque accru de cancer : c’est le projet Sicapro dont les résultats de l’étude pilote sont publiés aujourd’hui.
Les cancers professionnels en France
- En 2010, 12% des salariés avaient été exposés à au moins une nuisance cancérogène (cancérogènes chimiques, rayonnements ionisants ou travail de nuit pour les femmes).
- La proportion de cas de cancers attribués à des facteurs professionnels est estimée entre 4% et 8,5% soit 15 000 à 33 000 nouveaux cas chaque année.
- A noter que plusieurs facteurs tels que la période de latence entre exposition et survenue du cancer, la méconnaissance de l’exposition…, peuvent indiquer qu’une forte proportion de cancers professionnels n’est pas reconnue comme telle.
Sur quoi repose l’étude Sicapro et quels sont les résultats ?
Un couplage des données issues des registres des cancers et des données de la Cnav concernant les carrières professionnelles
Le système de surveillance envisagé se base sur le couplage au niveau individuel, des données médicales issues des registres des cancers avec les données sur la carrière professionnelle provenant de la Caisse nationale d’assurance vieillesse pour les salariés du régime général (Cnav).
Une étude pilote a été réalisée avec deux registres volontaires (Registre général des cancers de Lille et de sa région et Registre des Tumeurs du Doubs et du Territoire de Belfort) qui ont fourni les données concernant l’ensemble des cas de cancers enregistrés pour les années 2010-2014. Les objectifs de cette étude étaient :
- d’étudier la performance de l’appariement à partir des données de l’état civil des personnes atteintes de cancer issues des registres et celles figurant dans les données de la Cnav ;
- d’identifier les données d’historiques professionnels disponibles dans les bases de la Cnav et d’étudier la qualité de ces données administratives dans un but de surveillance épidémiologique ;
- de mettre au point les différents indicateurs qui pourront être construits en routine pour le système de surveillance final et d’étudier les limites de la démarche, notamment dans l’identification des expositions professionnelles.
A terme, une extension à l’ensemble des registres de cancers et à l’ensemble de régimes de salariés, permettra une couverture plus large dans l’objectif d’étudier l’incidence pour des localisations de cancers plus rares et/ou pour des secteurs d’activité à un niveau plus fin.
Un historique professionnel fiable sur les 20 dernières années de carrières
Lors de cette étude pilote, 96,9% des cas de cancers ont été retrouvés dans les bases de la Cnav, ce qui témoigne d’un excellent taux d’appariement entre les bases. La reconstitution des historiques de carrières, réalisée dans la perspective de réaliser des mesures d’associations entre survenue du cancer et secteur d’activité, s’est révélée également très satisfaisante à partir de l’année 1999.
Cette étude montre qu’il est donc possible de disposer d’un historique professionnel fiable sur les 20 dernières années de carrières, ce qui semble suffisant y compris pour des études portant sur des maladies avec des durées de latence longues comme les cancers. La catégorie socio-professionnelle (CSP), utile pour la production d’indicateurs d’incidence de cancer par CSP au moment du diagnostic, est également un paramètre exploitable à partir de l’année 2012.
Sicapro : un système de surveillance jugé efficace
Malgré des limites mises en évidence au cours de la phase pilote, le système de surveillance Sicapro démontre son efficacité à plusieurs titres :
- Peu de surcharge de travail car à un système intégré basé uniquement sur des données préexistantes de très bonnes qualité et complétude
- Limitation au maximum de toutes les mesures contraignantes pour les patients et pour les personnels de santé
- Recueil exhaustif par les registres des cas incidents de cancers de leur zone
- Représentatif de la population salariée au régime général et à terme représentatif de l’ensemble des salariés
Vers une extension à l’ensemble des registres et à l’ensemble des salariés pour une couverture nationale
Santé publique France souhaite pérenniser le système de surveillance Sicapro, en l’étendant à l’ensemble des registres pour une couverture nationale (y compris certains départements d’outre-mer - Guadeloupe, Martinique et Guyane), et à l’ensemble des salariés. Cette dernière perspective est rendu possible grâce à la mise en place par la Cnav dès 2022 du répertoire de gestion des carrières unique (RGCU) visant à centraliser les données des carrières des assurés de l’ensemble des régimes.
Les estimations de l’incidence des cancers par métier ou secteur d’activité représentent des informations d’intérêt pour la description et la compréhension des relations entre facteurs de risque professionnels et apparition de cancer dans la population française. Elles permettront d’identifier les métiers ou secteurs d’activité à forte incidence de cancer, et les évolutions au cours du temps afin d’orienter les politiques publiques destinées à améliorer et d’évaluer la prévention et la reconnaissance des cancers d’origine professionnelle.
Faisabilité de la mise en place d'un système de surveillance de l'incidence des cancers en lien avec l'activité professionnelle : étude...
En savoir plusGrâce à la pérennisation de ce système de surveillance Sicapro, la France se doterait d’un système de surveillance spécifique des cancers en lien avec l’activité professionnelle. Cela permettrait de renforcer les dispositifs de surveillance des cancers d’origine professionnelle et de s’inscrire dans la nouvelle stratégie décennale de lutte contre les cancers (2021-2030), notamment dans l’action visant à mieux reconnaître les expositions professionnelles pour mieux prévenir les cancers professionnels.