François Bourdillon quitte Santé publique France, une agence structurée pour relever les futurs défis

Après une carrière dédiée à la médecine et à la santé publique, François Bourdillon quitte Santé publique France, son deuxième mandat prenant fin, l’agence d’expertise au service de la population qu’il a créée il y a maintenant 3 ans. Retour sur les temps forts de son action (2014-2019).

Publié le 7 juin 2019

En tant que préfigurateur, quel était votre vision pour la création de cette nouvelle agence ?

La création de Santé publique France a été un moment particulier de construction, d’échanges et d’actions. Notre volonté était d’installer une agence scientifique d’expertise, indépendante, avec une programmation à 5 ans et des orientations jusqu’en 2022 pour avoir la stabilité et le temps de réaliser des projets ambitieux. Cette construction collective a permis d’engager des évolutions importantes comme :  

  • Le développement du marketing social dans la prévention. Cette démarche s’appuie sur des études scientifiques.L’objectif est d’accompagner le changement de comportement, en agissant sur les environnements, les prescripteurs, les décideurs, pour renforcer la capacité des citoyens à agir en faveur de leur santé.
  • Un renforcement de notre présence sur le territoire. Les CIRE, représentations territoriales de l’agence, apportent un appui d’expertise aux ARS pour la définition de leurs politiques publiques et structurent le dispositif national de surveillance. Elles proposent dorénavant de manière coordonnée au niveau national, des bulletins régionaux de santé publique permettant une comparaison avec les autres régions et avec le national.
  • Un meilleur accès à la connaissance pour faciliter la mise en place d’actions de prévention. L’observatoire cartographique Géodes, que nous avons créé,permet d’accéder à 300 indicateurs de santé sur 40 thématiques, de faire des comparaisons entre indicateurs régionaux et nationaux et de télécharger des données, des cartes. https://geodes.santepubliquefrance.fr/#c=home

Quels sont selon vous les faits marquant de ces trois dernières années ? 

La Stratégie Nationale de Santé a été rebaptisée Priorités prévention. Nous avons accompagné ce mouvement en renforçant nos moyens dans la prévention. Ces investissements ont porté leurs fruits.

  • La vaccination : Avec l’organisation de la concertation citoyenne, nous avons contribué à la mise en place de la politique vaccinale actuelle et les premiers résultats en termes de couverture vaccinale sont palpables. La création du site de référence vaccination-info-service nous a permis de répondre aux très fortes attentes d’information du public.
  • Le tabac avec la baisse inédite du nombre de fumeurs : 1,6 millions de fumeurs en moins en 2 ans, résultat de la politique publique à laquelle l’agence a participé en développant une stratégie de continuum de la surveillance à l’action, une stratégie de marketing social dont l’évènement majeur est le « Mois sans Tabac » en novembre.
  • L’alcool sur lequel tout était à construire et qui nécessitait un important travail de médiation avant de lancer une campagne : il nous a falludéfinir de nouveaux repères de consommation - en collaboration étroite avec l’Inca -, connaître la perception et la consommation d'alcool des Français, mesurer l'impact de ces consommations en termes de morbidité et mortalité puis construire des campagnes d’information destinées aux professionnels de santé et au grand public visant les  buveurs réguliers, les jeunes et les femmes enceintes.

Quels sont les grands enjeux pour l’avenir ?

  • Agir à 40 ans plutôt qu’en fin de vie : cela nécessite defaire évoluer le positionnement préventif en ciblant les actions sur les 40-50 ans, le but étant d’améliorer le vieillissement ultérieur. A mi-vie, il faut intervenir sur le tabac, l’alcool, l’alimentation et l’activité physique, mais aussi sur le diabète, l’HTA et les dyslipidémies qui sont des facteurs de risque majeurs. Dans ces domaines, les indicateurs de repérage, de dépistage et de prise en charge sont encore à améliorer.
  • Mieux prendre en compte l’impact de l’environnement du travail sur la santé : La fraction attribuable à l’environnement sur la morbi-mortalité est probablement sous-estimée. Les sujets de sites et sols pollués, d’exposition aux pesticides et perturbateurs endocriniens sont déjà majeurs. Ils nécessiteront un investissement sur le long terme pour pouvoir disposer des tailles critiques et des hypothèses solides.
  • Faire une place à l’économie de la santé. A l’avenir, il sera nécessaire d’intégrer aux travaux de l’agence la dimension économique et particulièrement la notion de retour sur investissement. Elle devra être prise en compte pour orienter le choix des priorités à l’instar de l’agence anglaise Public Health England.