Etat de santé
Les personnes socialement défavorisées sont en moins bon état de santé générale, physique et mentale que les personnes socialement plus favorisées
Santé générale et physique
L’ensemble des indicateurs de santé générale et physique sont marqués par un gradient socio-économique. Quel que soit l’indicateur de position socio-économique mobilisé, les personnes les plus favorisées déclarent un meilleur état de santé. Par exemple, les personnes les plus diplômées déclarent plus souvent une santé perçue bonne ou très bonne (77,6 % contre 58,0 % pour les moins diplômées), déclarent moins de limitations d’activité, se déclarent 2 fois moins touchées par l’hypertension artérielle (HTA) et 3,5 fois moins touchées par le diabète que les personnes moins diplômées (Figure 1).

De même, les personnes se déclarant comme les plus aisées financièrement perçoivent plus souvent leur santé comme bonne à très bonne (82,5 % contre 50,4 % chez ceux ayant des difficultés financières), déclarent moins de limitations d’activité et présentent des prévalences plus faibles d’HTA et de diabète que les personnes moins aisées financièrement (Figure 2).

Globalement les cadres et professions intellectuelles supérieures déclarent une meilleure santé perçue (77,9 % contre 61,7 % chez les ouvriers), moins de limitations d’activités (19,9 % contre 30,9 % chez les ouvriers) et des prévalences près de 2 fois moins élevées de diabète (4,5 % contre 10,9 % chez les ouvriers) (Figure 3).

Santé mentale
Concernant la santé mentale, les inégalités sont particulièrement marquées selon la situation financière, avec des gradients défavorables pour les personnes qui sont dans les catégories socio-économiques les moins avantagées. Les prévalences de l’épisode dépressif caractérisé, du trouble anxieux généralisé et celle des pensées suicidaires sont plus de 3 fois plus élevées chez les personnes se déclarant les moins aisées financièrement que chez celles les plus aisées (respectivement 28,3 % contre 9,0 % ; 12,9 % contre 3,6 % ; 10,7 % contre 3,4 %). Pour les tentatives de suicides au cours de la vie, les prévalences les plus faibles sont observées pour les plus diplômés (4,2 % contre 5,9 % pour les moins diplômés), les cadres et professions intellectuelles (3,4 % contre 7,6 % chez les employés) et les plus aisés (3,2 % contre 9,8 % pour les moins aisés).
Concernant le sommeil, plus la situation financière est déclarée comme difficile, plus les plaintes d’insomnie sont fréquentes, passant de 24,8 % pour les plus aisés financièrement à 45,8 % pour les moins aisés, et plus le temps moyen de sommeil sur 24 heures diminue (7 h 38 pour les plus aisés à 7 h 22 pour les moins aisés).
Inégalités de genre en santé : des réalités chiffrées et des enjeux sociaux
Les femmes se déclarent en moins bonne santé que les hommes en 2024. Elles sont 65,8 % à déclarer avoir une santé perçue « bonne » à « très bonne » comparées à 70,3 % des hommes, et 27,3 % à déclarer des limitations d’activités contre 24,6 % des hommes (Figure 4). A contrario, les hommes sont plus nombreux à déclarer être touchés par le diabète et l’HTA. Sur le plan cardiovasculaire, des inégalités de santé selon la profession et catégorie socioprofessionnelle (PCS) sont observées uniquement chez les femmes : la prévalence de l’HTA est 2 fois plus élevée chez les ouvrières (28,7 %) que chez les cadres et professions intellectuelles supérieures (16,1 %).

Sur le plan de la santé mentale, les femmes apparaissent plus concernées que les hommes par la dépression et l’anxiété (et ce quelle que soit la classe d’âge), mais aussi par les pensées et tentatives suicidaires (en particulier chez les 18-29 ans). La prévalence de l’épisode dépressif caractérisé est de 18,2 % parmi les femmes (contre 12,8 % parmi les hommes), celle du trouble anxieux généralisé de 7,6 % (contre 4,8 %), celle des pensées suicidaires de 5,6 % (contre 4,8 %) et celle des tentatives de suicide au cours de la vie de 7,1 % (contre 3,6 %). Les femmes sont aussi plus enclines que les hommes à avoir un recours thérapeutique (consultation d’un professionnel de santé ou suivi d’une psychothérapie, ou consommation de médicaments pour les nerfs ou pour dormir), en cas d’épisode dépressif caractérisé (respectivement 62,1 % contre 46,1 %) ou en cas de trouble anxieux généralisé (respectivement 76,9 % contre 60,9 %). Les femmes sont aussi plus sujettes aux insomnies que les hommes (37,7 % contre 28,2 %) (Figure 4).
Pour en savoir plus : « Troubles anxio-dépressifs et conduites suicidaires : déterminants sociaux des différences de genre. Synthèse élaborée à partir des données produites par Santé publique France sur la période 2010-2023 »
Des inégalités socio-économiques au regard des comportements et des messages de prévention en santé
En matière de prévention, des écarts apparaissent au détriment des catégories sociales les moins avantagées.
Vaccination
L’adhésion vaccinale est d’autant plus importante que le niveau de diplôme augmente (73,8 % pour les moins diplômés à 87,2 % pour les plus diplômés) et que la situation financière est perçue comme favorable (70,1 % pour les moins aisés à 88,3 % pour les plus aisés). Cette adhésion est la plus fréquente parmi les cadres et professions intellectuelles supérieures (89,9 %), tandis qu’elle est la moins fréquente parmi les ouvriers (73,7 %) et les agriculteurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprise (73,7 %).
Connaissances des messages de prévention en santé
Les catégories sociales les moins avantagées sont moins touchées par certains messages de prévention en santé que celles les plus avantagées. Par exemple, la connaissance de la recommandation « au moins 30 minutes d’activité physique par jour » est moins fréquente chez les personnes moins diplômées (47,5 % contre 66,4 % chez les plus diplômées) et chez les personnes déclarant des difficultés financières (51,0 % contre 66,4 % pour les plus aisés). De même, les personnes les moins favorisées en termes de diplôme et de situation financière sont moins bien informées sur la résistance aux antibiotiques.
Des comportements en santé contrastés selon la position socio-économique
La prévalence du tabagisme quotidien suit un gradient selon le niveau de diplôme et la situation financière perçue : elle passe de 13,0 % parmi les personnes les plus diplômées à 20,9 % parmi celles les moins diplômées, et de 10,1 % parmi les plus aisées à 30,0 % parmi celles les moins aisées. Ces gradients sont plus marqués chez les hommes. Le tabagisme quotidien est également 2 fois moins répandu parmi les cadres et professions intellectuelles supérieures (11,8 %) que parmi les ouvriers (25,1 %). Parmi les fumeurs quotidiens, les plus diplômés et les cadres et professions intellectuelles supérieures sont aussi plus nombreux à souhaiter arrêter de fumer et à déclarer une tentative d’arrêt.
Concernant la pratique régulière d’activité physique dans le cadre des loisirs, elle augmente avec le niveau de diplôme, avec des prévalences allant de 33,3 % pour les moins diplômés à 49,7 % pour les plus diplômés. Elle est 2 fois plus fréquente parmi les personnes les plus aisées (55,4 %) que parmi celles les moins aisées (26,2 %). Les écarts selon la catégorie socioprofessionnelle confirment cette tendance, puisque la pratique d’activité physique régulière s’élève à 54,8 % parmi les cadres et professions intellectuelles contre 34,7% parmi les ouvriers et 30,5 % parmi les employés.
Les catégories sociales les plus favorisées sont cependant aussi concernées par des comportements moins favorables à la santé. Des gradients inverses sont observés pour la consommation d’alcool et la sédentarité (i.e., passer plus de 7 heures en moyenne par jour en position assise). Plus le niveau de diplôme est élevé et plus la situation financière est perçue comme favorable, plus la part d’adultes dépassant les repères de consommation d’alcool à moindre risque est importante (19,3 % pour les moins diplômés à 26,0 % pour les plus diplômés et 19,7 % pour les moins aisés à 29,4 % pour les plus aisés). Chez les hommes l’écart de la part des personnes dépassant les repères de consommation d’alcool à moindre risque selon la situation financière est plus marqué que pour les femmes. Cet indicateur est 2 fois plus élevé parmi les agriculteurs, artisans, commerçants, chefs d’entreprise (30,6 %), et les cadres et professions intellectuelles supérieures (29,7 %) que parmi les employés (15,1 %). Enfin, plus le niveau de diplôme augmente et plus la situation financière est jugée comme favorable, plus la sédentarité est fréquente. Elle est près de 3 fois plus fréquente pour les plus diplômés (42,7 %) que pour les moins diplômés (15,0 %), 1,6 fois plus élevée pour les plus aisés (39,2 %) que pour les moins aisés (23,7 %) et près de 2 fois plus élevée chez les cadres et professions intellectuelles (48,5 %) que les ouvriers (15,8 %) et les agriculteurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprise (14,7 %).
Insécurité alimentaire
L’insécurité alimentaire qui touche plus fréquemment les ménages modestes, peut participer à l’aggravation des inégalités sociales de santé observées dans la plupart des pathologies chroniques (maladies cardiovasculaires, diabète, obésité, etc.). En augmentation dans les pays occidentaux, il s’agit d’un cas illustratif des changements sociaux et économiques survenus au cours des dernières années. Au niveau populationnel, l’insécurité alimentaire résulte de périodes prolongées de chômage et de sous-emploi élevés ou croissants, de salaires à la baisse, du manque de logements abordables. En 2024, nous observons qu’à travers la question du ressenti de faim sans pouvoir manger, cette situation est étroitement liée aux caractéristiques socio-économiques des ménages, comme le revenu, la structure familiale (les familles monoparentales et les personnes vivant seules sont particulièrement concernées), et touche surtout les jeunes générations.
En 2024, parmi les personnes déclarant une situation financière perçue « juste » ou « difficile, endettée », la proportion des adultes âgés de 18 à 79 ans ayant ressenti la faim sans pouvoir manger pour des raisons financières, s’élève à 15,2 %, soit 15,9 % parmi les hommes et 14,6 % parmi les femmes (Tableau 1). Cette proportion est la plus importante parmi les jeunes adultes de 18-29 ans (25,9 %) et diminue avec l’âge. Cette proportion varie selon la position socio-économique et le type de ménage. Ainsi, les personnes les plus diplômées sont les moins nombreuses à déclarer cette situation (12,8 % contre 15,4 % parmi les moins diplômées). Cette situation touche près de 4 fois plus les personnes en difficultés financières (31,1 %) que celles percevant leur situation financière comme « juste » (8,2 %). Enfin, les personnes vivant au sein d’une famille monoparentale sont plus nombreuses à déclarer cette situation (22,0 %), suivies des personnes vivant seules (19,2 %) par rapport aux personnes vivant en couple sans enfant (9,1 %) ou en couple avec enfant(s) (12,8 %).
Santé et justice sociale : les discriminations prégnantes dans la population
Les différences observées ici dans l’état de santé, les comportements et la connaissance des messages de prévention s’inscrivent dans un gradient social de santé bien documenté dans la littérature (Marmot, 2005 ; WHO, 2008). Ces inégalités sont elles-mêmes façonnées par des déterminants structurels plus larges (Solar & Irwin, 2010). Par exemple, une situation socio-économique défavorable peut résulter de discriminations systémiques (liées au genre, son origine, ou à d’autres facteurs sociaux), qui agissent comme des barrières à l’équité en santé et renforcent les disparités entre les groupes.
En 2024, 22,0 % des adultes de 18 à 79 ans déclarent avoir connu des traitements inégalitaires ou des discriminations au cours des cinq dernières années. Cette proportion varie avec l’âge : elle est la plus importante parmi les jeunes adultes de 18-29 ans (32,9 %) et diminue ensuite progressivement avec l’âge. Elle est plus élevée chez les femmes (24,9 % contre 18,8 % chez les hommes), et chez les personnes déclarant le plus de difficultés financières (33,2 % contre 17,4 % pour celles les plus aisées). En particulier, chez les femmes, un gradient selon le niveau de diplôme et la PCS est observé. La déclaration de discriminations vécues augmente avec le niveau de diplôme : elle passe de 15,5 % chez les moins diplômées à 33,3 % chez les plus diplômées. Les femmes cadres ou de professions intellectuelles supérieures sont plus nombreuses en proportion à déclarer de tels traitements que les agricultrices, artisanes, commerçantes, cheffes d’entreprise (19,2 %), les employées (20,9 %) et les ouvrières (21,8 %).