Introduction – L'entretien postnatal précoce (EPNP) a été rendu obligatoire en France en 2022 afin de repérer les premiers signes de la dépression du post-partum (DPP) ou les facteurs de risques qui y exposent et d'évaluer les éventuels besoins de la femme ou du conjoint. L'objectif de notre travail était d'explorer les données issues de la réalisation de l'EPNP par les sages-femmes de Protection maternelle et infantile (PMI) du département de l'Hérault en 2024 pour voir si la pratique permettait de répondre aux principaux enjeux de prévention, de repérage et d'évaluation des besoins d'accompagnement inscrits dans le Code de la santé publique. Méthodes – Toute patiente majeure ayant accouché d'un enfant vivant, pesant au moins 500 grammes ou âgé d'au moins 22 semaines d'aménorrhée, vue en consultation ou en visite à domicile par une sage-femme de PMI entre les 4e et 8e semaines après l'accouchement dans le cadre de l'EPNP, sur la période du 1er avril 2024 au 30 septembre 2024, sur le territoire du département de l'Hérault, était éligible. Les 24 sages-femmes de PMI formées à l'EPNP ont utilisé une trame d'entretien commune. Le dépistage de la DPP a été réalisé avec l'Edinburgh Postnatal Depression Scale (EPDS). Résultats – En 2024, sur 6 mois, 277 EPNP ont été réalisés par les sages-femmes de PMI sur le département de l'Hérault : 14 patientes ont refusé de participer à l'étude, 263 EPNP ont été inclus. Les EPNP ont majoritairement été réalisés au domicile des patientes. La grossesse a été vécue difficilement dans 40% des cas (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [34,5-46,9]), l'accouchement dans 31% des cas [25,3-37,0], avec pour près de 15% [10,8-20,0] des patientes un accouchement vécu comme traumatique. Les mères ont vécu difficilement le retour à domicile pour près d'un quart d'entre elles. Bien qu'elles étaient majoritaires à déclarer être soutenues au retour à domicile (80%), en sécurité (89%), et entourées (57%), la fatigue était fréquemment retrouvée (73%), tout comme l'isolement (39%) et l'anxiété (33%). Plus de 94% des EPNP ont abouti à la réalisation du dépistage de la DPP par l'EPDS. Près de 3 femmes sur 10 (29,8% [24,3-36,0]) présentaient des signes modérés à majeurs de DPP (EPDS≥10), 1 femme sur 6 (16,1% [11,9-21,4]) était fortement symptomatique (EPDS≥13). Discussion – Notre étude révèle que l'EPNP est bien accepté par les patientes, qu'il permet de recueillir des données importantes sur l'état de santé des femmes dans les semaines qui suivent l'accouchement, répondant ainsi aux principaux objectifs inscrits dans la loi. La prévalence estimée de la DPP à partir de l'EPDS réalisé lors de l'EPNP entre les 4e et 8e semaines après l'accouchement vient confirmer les résultats observés lors de l'Enquête nationale périnatale 2021. L'ensemble de nos résultats montre toute la pertinence de l'ajout de l'EPNP dans le parcours périnatal, à condition qu'il soit réalisé par des professionnels formés disposant d'outils adaptés et validés, avec un réseau pour orienter les patientes.
Auteur : Fèvre Gilson Sylvain, Lauze Laetitia, Rougier Liza, Garo Alice
Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2025, n°. 14, p. 255-267


