Incidence des événements indésirables graves associés aux soins dans les établissements de santé (Eneis 3) : quelle évolution dix ans après ?

Publié le 14 juin 2022
Mis à jour le 19 septembre 2022

Introduction - L'étude Eneis 3 visait à suivre l'évolution de l'incidence des événements indésirables graves (EIG) associés aux soins dans les établissements de santé entre 2009 et 2019. Méthode - Une enquête nationale, longitudinale, prospective d'incidence sur une population ouverte de séjours de patients hospitalisés à temps complet et suivis pendant une période de sept jours, à partir d'un échantillon tiré au sort d'établissements de santé publics et privés en France métropolitaine selon un plan d'échantillonnage en grappe à trois degrés (département, établissement, unité de soins) et stratifié (médecine, chirurgie). Résultats - Cent vingt-trois EIG ont été identifiés lors du suivi de 4 825 patients sur 21 686 journées d'observation. En moyenne, on observait 4,4 événements indésirables graves (EIG) (intervalle de confiance à 95%: IC95%: [2,9-6,8]) en 2019 pour 1 000 jours d'hospitalisation, dont 34% évitables. Des EIG ont causé 2,6% [1,8-3,8] des séjours, dont 53% étaient évitables. Parmi les 61 EIG éligibles à la déclaration, un seul l'avait été lors de la collecte des données. La densité d'incidence des EIG évitables survenus pendant l'hospitalisation a diminué statistiquement entre 2009 et 2019. En médecine, une tendance à la baisse dans toutes les spécialités, sauf en soins critiques a été observée. En chirurgie, la densité d'incidence n'a diminué de manière statistiquement significative que dans les CHU (centres hospitaliers universitaires). Les EIG évitables liés aux actes invasifs ont diminué dans les secteurs interventionnels, et non pour les actes chirurgicaux. Les EIG évitables relatifs aux produits de santé concernent principalement les médicaments, avec une classification des médicaments les plus à risque similaire en 2009 et en 2019. En revanche, les EIG évitables associés aux dispositifs médicaux implantables (DMI) sont stables sur la période. Les EIG évitables dus à une infection associée aux soins diminuent également, à la limite de la significativité statistique. Les facteurs liés aux conditions de travail des équipes apparaissent plus souvent contributifs à la survenue des EIG. Discussion-conclusion - L'étude Eneis 3 montre une baisse statistiquement significative des EIG évitables et de leur gravité entre 2009 et 2019, mais la vigilance doit être maintenue sur la chirurgie, les soins critiques et sur les DMI pour les événements survenus pendant l'hospitalisation. La péjoration des facteurs contributifs à ces événements proviendrait du fait de la meilleure formation des enquêteurs à l'analyse systémique en 2019, au manque persistant de pratiques collaboratives et à la difficulté renforcée des conditions de travail des personnels soignants actuels. La hausse de la proportion des réhospitalisations parmi les EIG causes d'hospitalisation nécessite de poursuivre la sécurisation des sorties, dans le contexte de réduction des durées de séjour. Enfin, la sous-déclaration des EIG nécessite de renforcer la formation des professionnels de santé à la sécurité des patients. Pour toutes ces raisons, et conformément aux conclusions du rapport du Haut Conseil de santé publique (HCSP) en 2018, la sécurité des soins doit rester une priorité des politiques de santé.

Auteur : Michel Philippe, Quenon Jean-Luc, Daucourt Valentin, Burdet Sarah, Hoarau Damien, Klich Amna, Pourin Catherine, Rabilloud Muriel, Colin Cyrille
Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2022, n°. 13, p. 229-237