Caractéristiques des hospitalisations avec diagnostic de grippe, France, saisons grippales 2012-2013 à 2016-2017

Characteristics of hospitalizations with an influenza diagnosis, France, 2012-2013 to 2016-2017 influenza seasons

Publié le 28 février 2020

Alors que l’attention se focalise sur le nouveau coronavirus apparu en Chine, l’épidémie de grippe saisonnière se poursuit en France métropolitaine. Par rapport aux années précédentes, cette épidémie a démarré plus tardivement et se caractérise  par une moindre fréquence de cas hospitalisés. Les personnes âgées en institutions sont épargnées par les foyers épidémiques.
Chaque année, plusieurs milliers de personnes sont hospitalisées pour une pathologie en lien avec la grippe. Certaines années, les services hospitaliers sont en surcapacité et les hôpitaux déclenchent leurs procédures « hôpital en tension ». Les personnes âgées (≥ 75 ans) sont particulièrement touchées et impliquées dans 85 % des décès attribuables à la grippe.
Quel est le poids des hospitalisations pour la grippe en France ? Quels sont les critères de sévérité des hospitalisations ? Pourquoi observe-t-on des variations de sévérité entre les années ? La surveillance actuelle de ces cas graves en France est-elle le reflet exact de la gravité de l’épidémie ? Ce sont ces questions que se sont posées les auteurs de l’article paru ce mois-ci dans la revue Influenza and other respiratory viruses en étudiant l’ensemble des cas de grippe hospitalisés au cours des saisons grippales 2012 à 2017.

3 questions à Mathilde Pivette, Santé publique France

Mathilde Pivette, Santé publique France

En contexte d’épidémie de grippe, la mission de Santé publique France s’articule autour de plusieurs axes : détection précoce et suivi de la dynamique de la grippe, estimation de la sévérité, évaluation des mesures de prévention. En quoi la surveillance actuelle pose-t-elle question concernant les formes graves de grippe saisonnières ?

Pour répondre aux missions de Santé publique France de mesure de l’impact de la grippe saisonnière, une surveillance en « temps réel », indispensable pour suivre l’évolution de l’épidémie, a été mise en place depuis plusieurs années. Elle permet d’identifier le plus tôt possible les principales caractéristiques de l’épidémie en cours. Deux indicateurs de sévérité de la grippe sont utilisés en temps-réel : le nombre et la proportion d’hospitalisations après passage aux urgences pour un motif de grippe et les cas de grippe sévère admis en réanimation. Le premier indicateur est fourni par le dispositif Oscour® et le second par les 192 services de réanimation sentinelles qui transmettent l’information à Santé publique France. Ces deux systèmes de surveillance, indépendants l’un de l’autre, ne permettent pas une estimation complète du poids (burden) des épidémies de grippe saisonnières sur les hospitalisations.

Notre étude a été réalisée dans le cadre des activités du groupe d’échanges de pratiques professionnelles sur les infections respiratoires aiguës (Gepp IRA). L’objectif était de dresser un bilan plus exhaustif de la sévérité et de l’impact de la grippe sur les hospitalisations. L’étude a porté sur l’analyse des séjours hospitaliers issus du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI), qui contient des informations sur l’ensemble des hospitalisations en France.

Quels sont les principaux messages à retenir de cette étude ? Est-ce qu’elle fournit des éléments d’interprétation sur les fortes variations d’amplitude et de sévérité observées d’une saison grippale à l’autre ?

Notre étude a porté sur l’analyse des 91 255 hospitalisations avec diagnostic de grippe survenues en France métropolitaine lors des 5 saisons hivernales entre 2012 et 2017. Les taux d’hospitalisation et les critères de sévérité (admission en réanimation, létalité au cours de l’hospitalisation, durée de séjour) ont été analysés par tranche d’âge et par saison.

Chaque épidémie de grippe saisonnière se caractérise par la circulation d’un ou plusieurs sous-types dominants (B/Yamagata en 2012-13, B/Victoria en 2015-16, A(H3N2) en 2014-15 et 2016-17, A(H1N1) et A(H3N2) en 2013-14). Nos résultats ont montré que les taux d’hospitalisation dans chaque tranche d’âge étaient très dépendants des sous-types circulant chaque année. Ainsi, les taux d’hospitalisations étaient élevés chez les personnes âgées lors des années où le virus A(H3N2) circulait, et élevés chez les jeunes lors de l’année de circulation du virus B/Victoria. Les impacts différents observés selon l’âge s’expliquent par les caractéristiques des sous-types de virus, en particulier l’ancienneté de leur circulation et leur évolution antigénique récente. Il est donc important de stratifier les analyses sur l’âge lors des analyses de l’impact des épidémies de grippe.

De plus, nos résultats montrent l’importance de l’âge sur les critères de sévérité des hospitalisations. Sur la période d’étude, la proportion de décès augmentait régulièrement avec l’âge, passant de 0,5 % chez les moins de 20 ans, à 7 % chez les 60-79 ans et 10 % chez les 80 ans et plus. La proportion de passage en réanimation était plus élevée dans les tranches d’âge intermédiaires de 40-79 ans. Enfin, l’âge était un facteur important d’allongement de la durée d’hospitalisation, passant de 2 jours chez les moins de 20 ans à 9 jours chez les 80 ans et plus.

Compte-tenu de ces résultats, quelle serait l’approche pour contribuer à améliorer la surveillance de la grippe ? Cette connaissance peut-elle contribuer à l’actuelle épidémie de grippe ? Ces connaissances peuvent-elles être utiles à l’actuelle épidémie de Covid-19 ?

L’analyse des hospitalisations avec un diagnostic de grippe à partir du PMSI fournit des éléments d’interprétation des données de surveillance de la grippe, non disponibles dans les autres systèmes de surveillance. Le délai d’obtention des données de cette base (6 mois) est incompatible avec une analyse en temps-réel. Cependant, ces données permettraient de compléter le bilan épidémiologique lors du bilan annuel en fin de saison grippale. Les données du PMSI étant disponibles à l’échelon régional, ces analyses peuvent également être déclinées à cette échelle et servir d’outil pour les Agences régionales de santé pour estimer l’impact de la grippe sur les établissements hospitaliers.

Ces résultats permettent de documenter la sévérité de la grippe par groupe d’âge et selon les sous-types de virus et peuvent fournir une référence pour anticiper l’impact des épidémies sur les hospitalisations. Concernant l’épidémie de grippe qui sévit actuellement en métropole, on assiste à une co-circulation des virus A(H1N1)pdm09 et B/Victoria. Cette épidémie actuelle présente des similitudes avec celle de l’année 2015-2016. L’impact de cette épidémie sur les hospitalisations avait été modéré, avec un taux d’hospitalisation faible chez les personnes âgées.

Le scénario d’une diffusion pandémique du nouveau coronavirus Covid-19 apparait à ce jour l’hypothèse la plus probable. La préparation du système de santé, en particulier hospitalier, va supposer de formuler des scénarios de diffusion et d’impact sur l’activité. Ils seront guidés par l’analyse de la situation d’autres pays ayant expérimenté une diffusion du Covid-19 avant la France.
En complément, les épidémies de grippe saisonnière constituent des références de situations épidémiques de virus respiratoires, déjà vécues par les établissements de santé français. Les résultats de notre étude pourront servir de référence aux établissements de santé dans la préparation de leur organisation.

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Pivette M, Nicolay N, de Lauzun V, Hubert B. Characteristics of hospitalizations with an influenza diagnosis, France, 2012-2013 to 2016-2017 influenza seasons. Influenza Other Respi Viruses. 2020;00:1–9