FranceCoag : suivi prospectif sur 22 ans de la cohorte française de patients atteints de troubles héréditaires de la coagulation

FranceCoag : a 22-year prospective follow-up of the national French cohort of patients with inherited bleeding disorders

Publié le 3 janvier 2019
FranceCoag : suivi prospectif sur 22 ans de la cohorte française de patients atteints de troubles héréditaires de la coagulation

En France, le suivi des patients atteints de troubles de la coagulation (telle l’hémophilie) a débuté dès 1994 en raison des risques (infections, apparition d’inhibiteurs : anticorps inhibant l’effet du traitement) liés aux produits qui leur sont injectés pour pallier leur déficit. Cette cohorte prospective ouverte appelée FranceCoag compte à ce jour plus de 10 000 patients. Elle est le fruit d’un travail collaboratif entre les professionnels de santé, les agences sanitaires, l’Inserm et les patients. Santé publique France a grandement contribué à ce projet en assurant notamment sa coordination entre 2004 et 2016.

L’article paru ce mois-ci dans la revue European Journal of Epidemiology décrit en détail cette cohorte et les connaissances qui en découlent. Il a été réalisé à la direction des maladies non transmissibles et des traumatismes en collaboration de Santé publique France avec le Pr Hervé Chambost (AP-HM) qui a repris la coordination du projet FranceCoag depuis janvier 2017. Il vise à faire connaître plus largement FranceCoag qui est une véritable banque de données mise au service de la recherche.

Alexandra Doncarli
Virginie Demiguel

3 questions à Alexandra Doncarli et Virginie Demiguel, direction des maladies non transmissibles et traumatismes

Francecoag compte à ce jour plus de 10 000 patients. Quels sont les patients inclus dans cette cohorte ? comment les données sont-elles collectées ? Quel a été le rôle de Santé publique France jusqu’en 2016 ?

D’abord centrée sur la population atteinte d’hémophilie, la cohorte a été ouverte à partir de 2003 à l’ensemble des troubles de la coagulation (afibrinogénémie, déficit en facteur II, V, VII, X, XI, XIII et combiné V et VIII). Ces patients présentent des symptômes hémorragiques plus ou moins fréquents selon la gravité de leur déficit en facteur et ont des parcours de soins proches. Les enfants de moins de 18 ans atteints d’une forme sévère d’hémophilie constituent une sous-cohorte appelée PUPs(1).

Ce projet bénéficie de l’adhésion de la quasi-totalité des centres de traitement (n= 33/36) répartis sur tout le territoire national et identifiés par le ministère de la santé.

Les patients sont inclus par les cliniciens de ces centres une fois le diagnostic posé, remise de la note d’information décrivant le projet et attribution d’un identifiant unique garantissant leur anonymat. Les cliniciens se chargent ensuite de collecter les données des patients qu’ils suivent, si possible, chaque année à l’aide d’un questionnaire électronique standardisé. Le spectre des données recueillies est large couvrant plusieurs domaines : démographiques, cliniques, génétiques et biologiques. Elles sont centralisées dans une base unique et sécurisée localisée à Santé publique France. Par ailleurs, une banque d’échantillons de sang a été constituée. Elle est stockée actuellement à l’EFS de Rhône-Alpes (Annemasse, Haute-Savoie).

Au sein de Santé publique France, nous avons coordonné et géré, en collaboration étroite avec la direction des systèmes d’information, le développement de l’application web garantissant la confidentialité et la sécurité des données transmises par les cliniciens. De même, Santé publique France a optimisé la qualité des données avec le développement de contrôles automatisés lors de la saisie, par la confrontation aux dossiers sources dans les centres de traitement et par la sollicitation d’experts. Enfin, Santé publique France a animé le comité scientifique de ce projet et contribué à la valorisation de la cohorte.

Quelles sont les caractéristiques de cette population ? Permet-elle d’approcher au plus près la prévalence à la naissance de certains troubles de la coagulation ? Quelles nouvelles connaissances ont été apportées par l’étude de cette cohorte de patients suivis pendant vingt-deux ans ?

En 2016, les trois-quarts des patients suivis dans la cohorte sont atteints d’hémophilie (74%) ; le reste étant constitué de patients atteints d’une maladie de Willebrand (21%) ou d’un autre déficit (5%). La cohorte est plutôt jeune puisque la moitié des patients a moins de 32 ans (IQR(2): 18-50 ans). Depuis 2009, nous enregistrons en moyenne 43 nouveaux cas par mois.

À ce jour, les travaux réalisés à partir des données de FranceCoag ont principalement porté sur l’hémophilie car l’exhaustivité des inclusions n’est pas encore atteinte pour les autres pathologies dont l’éligibilité dans la cohorte est plus récente. Ils ont permis d’apporter de nouvelles connaissances concernant la prévalence de l’hémophilie, la prise en charge et les principales complications auxquelles ces patients sont confrontés.

La prévalence moyenne de l’hémophilie a été estimée à 30 cas sur 100 000 nouveau-nés vivants de sexe masculin.

Les vingt-deux années de suivi nous ont apporté le recul suffisant pour décrire précisément l’âge de diagnostic de l’hémophilie même pour les formes mineures pouvant être diagnostiquées plusieurs années après la naissance.

Il ressort également que la prise en charge des jeunes patients s’est améliorée avec une meilleure application des recommandations concernant le démarrage de traitement préventif (prophylaxie) protégeant ainsi les articulations des patients.

Les sujets inclus dans cette cohorte ont, tout comme d’autres patients français atteints de troubles de la coagulation, été concernés par les risques infectieux liés aux traitements dispensés dans les années 80 avec encore à ce jour 1/5 des patients infectés par le VHC et/ou VIH. Actuellement les processus de fabrication rendent ce risque quasiment nul. Les types de traitement utilisés sont désormais majoritairement issus du génie génétique non exempt d’effets secondaires.

Ainsi, les données de la sous-cohorte PUPs comptant près de 650 enfants en 2016 ont été utilisées dans plusieurs études (dont une méta-analyse européenne) pour comprendre les facteurs de risque d’apparition d’inhibiteurs liés à ces nouveaux traitements.

À l’échelle internationale, FranceCoag est considérée par la World Federation of Haemophilia (WFH) comme un outil particulièrement précieux pour améliorer les connaissances dans le domaine de l’épidémiologie de ces maladies rares.

La coordination de francecoag est depuis 2017 assurée par l’ap-hm (assistance publique - hôpitaux de marseille). Santé publique France poursuit-elle ses efforts sur la surveillance de ces maladies ? Quelles sont les perspectives du projet au sein de l’ap-hm ?

Santé publique France reste impliquée dans ce projet au travers du protocole de surveillance neurologique des personnes atteintes de troubles de la coagulation puisque tous les patients inclus dans FranceCoag y participent. Il est mis en œuvre par le Réseau national de surveillance des maladies de Creutzfeldt-Jakob et maladies apparentées en collaboration étroite avec la direction des maladies infectieuses.

Santé publique France reste également membre du comité de pilotage du projet qui statue sur les orientations et choix majeurs concernant FranceCoag.

Depuis janvier 2017, le projet a été repris par une équipe de cliniciens et de chercheurs au sein de l’AP-HM. Cette équipe a de grandes ambitions pour le projet et envisage notamment plusieurs modifications :

  • Le croisement avec les autres bases nationales médico-administratives afin d’améliorer l’exhaustivité des inclusions.
  • Le recueil des noms et prénoms dans une base de données indépendante pour faciliter l’identification des potentiels doublons et le recueil du statut vital des patients et de leurs causes de décès, le cas échéant.
  • L’élargissement des critères d’inclusion à d’autres pathologies : déficits héréditaires combinés en facteurs vitamine-K dépendants, troubles héréditaires liés aux plaquettes.
  • La collecte d’informations concernant la qualité de vie des patients.
  • La création d’un lien entre les différentes bases de données recensant les patients atteints de maladies rares de façon à faciliter le recueil de données par les équipes concernées.

FranceCoag a toujours été et restera un projet ouvert à des collaborations après soumission des projets au comité scientifique et approbation par le comité de pilotage.
Pour plus d’informations, il est possible de contacter le centre coordinateur à l’adresse suivante : francecoag@ap-hm.fr

(1) Pups est l'abréviation de Previously untreated patients (patients non-traités antérieurement).

(2) IQR (Inter-quartile range)

(1) Doncarli A, Demiguel V, Guseva Canu I et al.FranceCoag : a 22-year prospective follow-up of the national French cohort of patients with inherited bleeding disorders. Eur J Epidemiol (2018).