Epidémie de shigellose à Shigella sonnei à l'Institut Médico Educatif Spécialisé de Proisy (Aisne)

Publié le 1 novembre 1999
Mis à jour le 6 septembre 2019

Les Shigella sonnei (S.sonnei) sont des Entérobactéries à réservoir strictement humain, extrêmement contagieuses et le mode principal de contamination est la transmission de personne à personne. Les diarrhées sanglantes constituent un signe clinique très évocateur et la coproculture sur selles fraîches permet de confirmer le diagnostic. Une épidémie à S.sonnei a eu lieu dans un Institut Médico Educatif Spécialisé pour enfants polyhandicapés à Proisy entre le 28 Novembre 1998 et le 21 Mars 1999. La Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales de l'Aisne et la Cellule Inter Régionale Nord Picardie ont été sollicités pour une intervention. L'objectif de l'étude était de décrire l'épidémie afin d'identifier le(s) mode(s) et le(s) source(s) de transmission , et de proposer des mesures de contrôle adaptées. La population d'étude comprenait les enfants et le personnel de l'Institut présents entre le 28 Novembre 1998 et le 21 Mars 1999, soit 270 personnes. L'enquête était descriptive et rétrospective. Trois types de cas ont été définis : les cas certains (coproculture positive avec diarrhée ou fièvre), les cas probables (sang dans les selles et coproculture négative), les cas possibles (diarrhée non sanglante et fièvre, coproculture négative). L'étendue de la courbe épidémique est comprise entre le 28 Novembre 1998 et le 21 Mars 1999 avec plusieurs vagues successives. Le taux d'attaque global était de 17% (45/270), il était de 33% (35/106) chez les enfants et de 6% (10/164) chez le personnel. Il y avait 29 cas certains, 6 cas probables, 10 cas possibles. Les cas chez les enfants ne concernaient que les internes. Dans le bâtiment des petits, 13 enfants étaient malades avec 8 cas certains, 3 cas probables et 2 cas possibles, soit un taux d'attaque de 52% (13/25). Dans celui des grands, 22 enfants étaient malades avec 14 cas certains, 3 cas probables, 5 cas possibles, soit un taux d'attaque de 37% (22/60). Chez le personnel, 90% (9/10) des cas concernait la catégorie chargée du change des enfants (p<0,01). Dans chaque bâtiment, les cas des enfants et du personnel étaient concentrés sur un seul et même étage. La durée moyenne des symptômes a été de 8,5 jours (minimum 1, médiane 8, maximum 25). Six enfants (petits et grands) ont été hospitalisés. Le motif d'hospitalisation était un syndrome de déshydratation aigu. Un enfant a présenté un Syndrome Hémolytique et Urémique. Trois antibiotiques ont été majoritairement utilisés en 1ère ou en 2ème intention chez les enfants, l'association amoxicilline-acide clavulanique (augmentinR,, 21 fois), la ciprofloxacine (cifloxR , 20 fois) et la cefpodoxime (oreloxR,13 fois). Le recours à plusieurs traitements a été fréquent puisqu'après un traitement par amoxicilline-acide clavulanique (augmentinR), une seconde antibiothérapie était nécessaire dans 43% des cas (9/21); après un traitement par cefpodoxime (orelox R), une antibiothérapie secondaire était mise en place dans 46% des cas (9/13). L'étalement de la courbe épidémique et la répartition des cas chez les enfants et les personnels en charge des soins corporels des mêmes bâtiments et étages sont en faveur d'une contamination de personne à personne. Des facteurs peuvent expliquer la longueur de l'épidémie : la difficulté de faire appliquer les mesures d'isolement, le retard de l'alerte, la résistance aux antibiotiques des Shigella. Dans les établissements pour enfants handicapés mentaux, le risque de transmission de shigella de personne à personne étant très élevé, le personnel doit être sensibilisé aux signes d'appel et l'alerte ne doit pas attendre la confirmation bactériologique des cas mais reposer sur la présence de signes cliniques (diarrhée sanglante d'apparition brutale et forte fièvre) et d'un contexte évocateur (vie en collectivité). Les mesures de contrôle doivent être rapidement mises en place (isolement, lavage des mains avant et après les soins et les changes, désinfection des locaux). Enfin, afin d'améliorer la qualité des prélèvements, l'utilisation de milieux adaptés est conseillé dans les structures non strictement hospitalières (milieux TGV, 7f l'unité). (R.A.)

Auteur : Empana JP, Perrin MD, Pilon B, Ilef D
Année de publication : 1999
Pages : 22 p.