L'étude I.M.P.A.C.T.S

L’étude I.M.P.A.C.T.S. a été menée après les attentats de janvier 2015 en Ile-de-France. L’investigation s’est déroulée du 1er juin 2015 au 30 octobre 2015. Une seconde vague a été menée du 1er juin au 30 octobre 2016. 

Publié le 24 janvier 2020
Dans cet article

Contexte

La France a connu depuis le début de l’année 2015 plusieurs vagues d’attentats d’une ampleur majeure.

Suite aux événements de janvier 2015 en Ile-de-France, l’Agence régionale de santé (ARS) Île-de-France et Santé publique France ont mis en place l'enquête épidémiologique I.M.P.A.C.T.S (investigation des manifestations traumatiques post attentats et de la prise en charge thérapeutique et de soutien) qui vise à mesurer les conséquences des événements auprès des personnes impliquées et à appréhender leurs parcours de soins et d’accompagnement.
Cette enquête épidémiologique était pilotée régionalement par Santé publique France Ile-de-France, avec l’appui de l’ARS Île-de-France.

Objectifs

L’objectif principal de l’enquête est de mesurer, auprès des personnes ayant été directement ou indirectement exposées aux attentats de janvier 2015 en Ile-de-France, les conséquences éventuelles de ces événements.

Cette enquête vise à :

  • évaluer, dans la population, le retentissement psychologique (retour à la normale, état anxieux ou dépressifs, survenue d’état de stress post traumatique, etc.) et social, mais aussi l’impact plus général sur la vie quotidienne,
  • décrire les stratégies de réponse mises en place par chacun dans les suites des événements, pour identifier les facteurs favorisant un recours aux soins ou à un soutien.

Elle permet d’explorer non seulement le ressenti et le vécu des victimes directes (blessés ou menacés) et leurs proches, les témoins vivant ou travaillant à proximité des événements mais également les intervenants impliqués sur les lieux.

Ainsi, la finalité de cette étude est de donner aux acteurs de santé publique des instruments d’évaluation de l’impact en santé mentale mais également d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients victimes des attentats de janvier 2015. Il s’agit d’en tirer des préconisations d’organisation pour optimiser la coordination entre les différents acteurs lors de la gestion de ce type de crise, notamment sur la manière de concevoir une aide adaptée aux victimes (psychologique, sociale et juridique).

Méthodologie

L’investigation s’est déroulée du 1er juin 2015 au 30 octobre 2015 et a été menée auprès de 430 personnes exposées.

Une première phase dite "de recrutement" a été mise en place pour recenser les personnes éligibles pour participer à l’enquête :

  • un premier recrutement a été réalisé à partir des listes nominatives établies dans les suites immédiates des attaques par les acteurs de premier secours, les services de santé de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris et des Cellules d’urgences médico-psychologiques ainsi que par les associations et réseaux d’aide aux et/ou de victimes,
  • un second recrutement a été réalisé à partir d’une recherche active sur le terrain des témoins vivant ou exerçant à proximité immédiate des attaques (rayon de 100 m autour des événements). 

Une deuxième phase dite d’inclusion a été réalisée par téléphone, par Internet ou par retour de courrier, afin de vérifier les critères d’éligibilité et de répertorier les personnes volontaires à participer à l’enquête. Un questionnaire d’inclusion de 5 minutes a été réalisé dans ce but.

Puis un entretien individuel en face à face avec un psychologue formé et compétent a été proposé pour assurer la collecte d’un certain nombre de données en fonction du vécu et de l’expérience de la personne interrogée.

Cette méthodologie a permis d’explorer non seulement les victimes directes (blessés ou menacés) mais également les intervenants ayant été impliqués sur les lieux et les témoins vivant ou travaillant à proximité des évènements. Cette dernière population ne fait habituellement pas l’objet d’une recherche active par les services médico-psychologiques et de soutien. Des entretiens individuels ont été conduits par des psychologues formés au psycho-traumatisme auprès des personnes éligibles ayant donné leur accord pour participer.

Population concernée par l'enquête

La population de l’enquête est représentée par toutes les personnes âgées de 16 ans et plus ayant été directement ou indirectement exposées aux attaques des 7, 8 et 9 janvier 2015 perpétrées en Île-de-France ainsi que lors des trajets de fuite des agresseurs.

Concrètement, l’enquête a concerné les victimes (blessés, otages), témoins directs ou indirects, membres de la famille ou proches des victimes de ces attentats, les personnes résidant ou travaillant à proximité immédiate des lieux des événements au moment des faits, ainsi que les intervenants d’urgence sanitaire (professionnels et associatifs) et les forces de l’ordre et d’intervention qui sont intervenus en urgence sur les lieux des attentats et prises d’otages et ce, dans les suites immédiates des événements.

Cette population d’enquête correspond aux personnes impliquées qui sont définies comme les personnes ayant été exposées aux attaques terroristes selon le "Critère A" (Stressor) de la définition de Etat de Stress Post Traumatique de la 5ème édition du "Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders" (DSM, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux).

Par ailleurs, la participation à l’enquête était basée sur le volontariat et chacune des personnes contactées a été entièrement libre de participer ou non. En aucun cas, ne seront diffusés des résultats permettant d’identifier les personnes ni directement ni indirectement. Les données resteront strictement confidentielles et seront utilisées uniquement dans le cadre de cette étude, conformément aux dispositions de la loi informatique et libertés (Cnil).

I.M.P.A.C.T.S a reçu l’avis favorable de la Cnil le 21 mai 2015 et du Comité de protection des personnes le 6 juin 2015.

Partenaires de l'étude

Cette étude a été présentée le 26 janvier 2015 à la Direction Générale de la Santé dont elle a reçu le soutien. Elle a été financée par la Fondation d’aide aux victimes de terrorisme.

Cette enquête d’intérêt public a été présentée le 30 mars 2015 à l’ensemble des acteurs du dispositif de prise en charge des traumatismes ayant été mis en place dès les premières heures et a reçu leur soutien.

Les responsables des Cellules d’urgence médico-psychologique (Cump) et les urgences psychiatriques de l’Hôtel-Dieu font partie intégrante de ce travail auquel ils participent activement.

Sont représentés dans le comité de pilotage de l’étude :

  • Le Ministère de l’Intérieur
  • Le Ministère de la Justice
  • Le Service santé des armées
  • Le Palais de Justice de Paris 
  • La Police nationale
  • La Préfecture de Police de Paris
  • La Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris
  • L’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris - SAMU / CUMP
  • La Croix Rouge Française
  • La Protection civile de Paris
  • La Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (FENVAC)
  • Paris Aide aux Victimes
  • Œuvre de Secours aux Enfants (OSE)

Les enquêteurs sont des psychologues diplômés et expérimentés recrutés par l’Université Paris XIII. Ils ont été formés pour être des relais privilégiés afin d’apporter une information qui soit adaptée aux besoins et aux attentes exprimés tant sur les aspects sanitaires, que sociaux et juridiques.

Résultats

L’étude I.M.P.A.C.T.S a montré que l’impact des actes terroristes sur la population civile est important et souligne l’importance d’une prise en charge pour prévenir les effets sur la santé mentale. Quant aux professionnels, l’impact sur la santé mentale des professionnels a été moindre grâce aux formations dont ils ont pu bénéficier et à une prise en charge précoce.

Dans la population civile

Un traumatisme encore tangible 6 mois après

Les résultats préliminaires révèlent que l’impact psycho-traumatique reste très important. Ainsi, six mois après les attentats, près de 4 personnes sur 10 présentaient toujours au moins un trouble de la santé mentale : stress post-traumatique (20%) ; dépression caractérisée (10%) ; troubles anxieux (30%). L’enquête confirme également que plus les personnes ont été exposées aux attentats (directement ou indirectement menacées, ayant vu/entendu les terroristes et/ou des victimes), plus les conséquences psycho-traumatiques sont importantes.

Par ailleurs :

  • 1/4 des personnes avait consulté un médecin pour un problème de santé autre que psychologique et lié aux événements,
  • 1/3 de ces personnes se sont retrouvées dans l’impossibilité de travailler du fait de leur santé suite aux événements,
  • 6% n’avaient toujours pas repris leur travail six mois après.

Une prise en charge médico-psychologique importante

Plus de la moitié des personnes exposées a bénéficié d’une prise en charge médico-psychologique ou reçu une forme de soutien. Les personnes ayant bénéficié d’une prise en charge précoce ont eu deux fois moins de troubles à six mois que les autres. L’étude montre que seulement 4% des civils directement menacés ont consulté spontanément.

L’enquête souligne ainsi l’importance d’une prise en charge pour prévenir les effets sur la santé mentale. Le repérage pour proposer un accompagnement médico-psychologique de toutes les victimes, qu’elles soient simple témoin ou directement menacées constitue un enjeu majeur, car ces personnes ne pensent pas spontanément à consulter un professionnel de santé ou à en parler.

Chez les professionnels

Des intervenants particulièrement exposés

Face à cette situation exceptionnelle, la mobilisation des professionnels pendant les événements a été particulièrement intense : le premier jour, les acteurs de secours et les forces de l’ordre ont été présents 11h en moyenne et un tiers des professionnels sont intervenus sur plusieurs sites.

Après les évènements, la durée de mobilisation moyenne autour de ces évènements a été de 17 jours pour les acteurs du secours et de 29 jours pour les forces de l’ordre.

Des conséquences sur la santé

Les résultats préliminaires révèlent que l’impact psycho-traumatique a été moins important chez les intervenants qu’en population civile : 3% des intervenants déclarent un état de stress post-traumatique et 14% ont au moins un trouble anxieux du type anxiété ou agoraphobie. On observe que les conséquences psychopathologiques de l’évènement varient selon l’existence d’une formation spécifique préalable au stress psychique.

Parmi les intervenants, ceux faisant partie des forces de l’ordre ont été les plus exposées à la menace, et les plus endeuillées.

Les professionnels ont été considérablement mobilisés auprès des victimes tant en terme de durée que d’intensité émotionnelle. L’impact sur la santé mentale des professionnels a été moindre grâce aux formations dont ils ont pu bénéficier et à une prise en charge précoce. Les résultats de l’enquête mettent en lumière l’intérêt de généraliser les formations à la gestion du stress et aux conséquences psycho-traumatiques pour prévenir les conséquences sur la santé.