Les maladies à caractère professionnel (MCP) sont définies comme les maladies ou symptômes susceptibles d'être d'origine professionnelle et n'ayant pas fait l'objet d'une reconnaissance par les régimes de sécurité sociale. Depuis 2003, Santé publique France, en collaboration avec l'Inspection médicale du travail, est chargée du programme de surveillance des MCP chez les salariés français. Cette surveillance est complémentaire de celle faite sur les maladies professionnelles (MP) reconnues. L'objectif de la surveillance des MCP est de fournir des indicateurs sur ces pathologies par population spécifique de salariés, définie notamment par profession ou par secteur d'activité. Dans les régions participantes, chaque médecin du travail volontaire signale toute MCP vue pendant deux semaines chaque semestre. Des données socioprofessionnelles sont également recueillies afin de calculer les prévalences des MCP selon le sexe, l'âge, la catégorie sociale et le secteur d'activité. Sur la période 2012-2018, le taux de participation des médecins du travail était en baisse, passant de 17 % en 2012 à 13 % en 2018, avec une couverture géographique du dispositif relativement stable. Sur l'ensemble des MCP observées sur cette période, les prévalences les plus élevées correspondaient aux troubles musculo-squelettiques (TMS) et à la souffrance psychique, suivis des troubles de l'audition et des irritations et allergies. Quelle que soit l'année, la prévalence des TMS était plus élevée chez les femmes comparée aux hommes. Cette prévalence était relativement stable jusqu'en 2015, puis augmentait jusqu'en 2018, de 3,1 à 4,4 % pour les femmes et de 2,4 à 3,2 % pour les hommes. Un gradient social était observé pour les TMS, la prévalence des TMS étant maximale chez les ouvriers. En ajustant sur les caractéristiques socio-professionnelles, le risque de TMS était le plus élevé dans le secteur des activités immobilières pour les hommes, et dans le secteur de l'hébergement et de la restauration pour les femmes. Les TMS étaient le plus souvent associés à des facteurs biomécaniques relevant essentiellement du travail avec force, de contraintes posturales, ou de mouvements répétitifs. Près de 70 % des TMS correspondaient à un tableau de MP. Plus des trois quarts de ces TMS n'avaient pas fait l'objet d'une déclaration en MP en raison principalement d'un bilan diagnostique insuffisant ou d'une méconnaissance du salarié. La souffrance psychique était deux à trois fois plus souvent signalée chez les femmes que chez les hommes. Sa prévalence augmentait progressivement entre 2012 et 2018 aussi bien chez les hommes que chez les femmes, oscillant sur la période de 1,8 à 2,7 % chez les hommes et de 3,5 à 6,2 % chez les femmes, avec une augmentation plus marquée depuis 2016. Contrairement aux TMS, un gradient social inversé était observé pour la souffrance psychique, la prévalence de la souffrance psychique étant maximale pour les cadres et professions intermédiaires. Le risque de souffrance psychique était le plus élevé dans le secteur des activités immobilières pour les femmes et dans le secteur de l'enseignement pour les hommes. Les facteurs organisationnels, relationnels et éthiques - relevant essentiellement de l'organisation fonctionnelle de l'activité, des relations au travail, des exigences inhérentes à l'activité et de l'éthique - constituaient la quasi-totalité des agents d'exposition professionnelle en lien avec la souffrance psychique. Ce bilan réalisé sur la période 2012-2018 renforce la nécessité de poursuivre un tel dispositif de surveillance épidémiologique unique en France en vue notamment de mieux documenter la sous-déclaration des MP et de contribuer à l'orientation des politiques de prévention en milieu professionnel.
Auteur : Homère Julie, Provost Dorothée, Delézire Pauline, Garras Loïc, Smaili Sabira, Fernet Florence, Bonnet Thomas, Chatelot Juliette
Année de publication
: 2023
Pages : 93 p.
Collection : Études et enquêtes