Épidémie d'infections à Escherichia coli producteur de Shiga-toxines O26:H11 liée à la consommation de fromages au lait cru. France, mars-mai 2019

Publié le 10 décembre 2020
Mis à jour le 10 octobre 2022

Entre le 10 et le 18 avril 2019, Santé publique France a reçu 7 signalements de syndrome hémolytique et urémique (SHU) pédiatrique notifiés par des services hospitaliers participant à la surveillance, comparé à moins de 10 cas par mois signalés en avril les années précédentes. Des investigations épidémiologiques ont débuté le 18 avril à l'aide du questionnaire standardisé STEC pour explorer les expositions communes aux cas. Les prélèvements de selles ont été adressés au laboratoire associé du Centre national de référence (LA-RD) pour confirmation d'une infection à Escherichia coli producteur de Shiga-toxines (STEC) et le séquençage des souches isolées a été réalisé par le Centre national de référence d'E. coli, Shigella et Salmonella (CNR-ESS). À partir du 26 avril, une enquête de traçabilité amont et aval des aliments suspectés a été réalisée par la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) et la Direction générale de l'alimentation (DGAl), en collaboration avec les sièges nationaux des enseignes concernées par la vente de ces produits. Les analyses microbiologiques alimentaires et environnementales chez le producteur ont été réalisées par le Laboratoire national de référence des E. coli (LNR). Un cas a été défini comme une personne ayant présenté entre le 1 mars et le 12 mai 2019 une diarrhée ou un SHU avec mise en évidence de la souche STEC épidémique (cas confirmé) ou, avec un lien épidémiologique et absence de mise en évidence de souche de STEC (cas probable). Au total, 19 cas ont été identifiés en lien avec cette épidémie (18 cas confirmés et 1 cas probable) dont 17 SHU et deux cas de diarrhée sans complication (un enfant et un adulte). L'âge médian des cas étaient 22 mois (min-max : 6 mois - 63 ans). Cinquante-trois pour cent des cas étaient de sexe féminin. Parmi les 17 enfants ayant présenté un SHU, 8 (47%) ont eu une atteinte neurologique. Les cas résidaient dans 8 régions de France métropolitaine et ont débuté leurs signes entre le 31 mars et le 12 mai 2019. Pour 18 cas, une souche de STEC O26 possédant les gènes stx2 et eae a été isolée (analyse STEC négative pour un cas). L'analyse phylogénique réalisée par le CNR-ESS a montré que les 18 souches appartenaient à un même cluster génomique (cgMLST HC5|75047 et analyse SNP). La consommation de fromages saint-félicien et/ou saint-marcellin a été rapportée pour 15 des 18 cas confirmés soit par le cas (11 cas) soit par l'entourage familial (4 cas). La traçabilité des achats a identifié un lien possible avec un producteur commun de ces fromages dans la Drôme (département 26). L'achat de fromages issus de ce producteur a pu être documenté sur les cartes de fidélité de 7 cas. Pour les autres cas, les lieux d'achat cités par les familles étaient approvisionnés par le producteur incriminé sur la période d'achat d'intérêt. Des prélèvements alimentaires (issus de fromages en amont et en aval de la période épidémique) et environnementaux chez le producteur étaient négatifs. Les fromages étaient distribués à l'étranger, mais aucun autre cas hors la France n'a été identifié en lien avec cette épidémie. Des mesures de retrait-rappel ont été mises en place dès le 27 avril, sans attendre les résultats de séquençage des souches humaines et les investigations microbiologiques chez le producteur. En effet, cette décision a été basée sur les éléments disponibles à la date du 27 avril : le nombre élevé de SHU pédiatriques (19 cas suspects en cours d'investigation), la prédominance du sérogroupe O26, la fréquence élevée de consommation de fromages saint-félicien et/ou saint-marcellin rapportée pour les cas et l'identification via les cartes de fidélité d'un même producteur des fromages achetés par plusieurs familles des cas. Cette épidémie souligne encore une fois le risque que représente la consommation de fromages au lait cru pour les populations sensibles, notamment les jeunes enfants. Suite à cette épidémie, la DGAl, la DGS et Santé publique France ont renforcé les messages de prévention auprès des consommateurs.

Auteur : Jones Gabrielle, Mariani-Kurkdjian Patricia, Donguy Marie-Pierre, Lefèvre Sophie, Sergentet Delphine, Vaissière Emmanuelle, Terpant Garance, Fougère Érica, Guinard Anne, Bonacorsi Stéphane, Weill François-Xavier, de Valk Henriette
Année de publication : 2020
Pages : 27
Collection : Études et enquêtes