Bilan des cas de légionellose survenus en France en 2019

Publié le 25 juin 2020

Nombre de cas notifiés et incidence

En 2019, 1 816 cas de légionellose ont été notifiés en France par le système de déclaration obligatoire. Parmi eux, 16 cas étaient des résidents des DROM (9 à la Réunion, 3 cas en Guadeloupe, 3 en Martinique et 1 en Guyane) et 37 étaient des ressortissants étrangers diagnostiqués en France. Le taux d’incidence des cas notifiés de légionellose en France métropolitaine était de 2,7/100 000 habitants.

Le nombre de cas de légionellose notifiés en 2019 était nettement inférieur à celui de 2018 (-15%), année au cours de laquelle un nombre record de 2 133 cas avaient été notifiés (incidence de 3,2/100 000 habitants) (Figure 1). Bien que le nombre de cas en 2019 soit inférieur au nombre de cas notifiés en 2018, ce nombre reste important et la tendance à l’augmentation s’est poursuivie durant ces 3 dernières années.

Figure 1. Evolution du nombre et du taux d’incidence annuels des cas notifiés de légionellose en France, 1988-2019
Figure 1. Evolution du nombre et du taux d’incidence annuels des cas notifiés de légionellose en France, 1988-2019

Le gradient géographique Ouest-Est du taux d’incidence des cas notifiés de légionellose était marqué, comme observé les années précédentes. L’incidence variait de 1,2 /100 000 habitants en Bretagne à 4,8/100 000habitants en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Figure 2). Le taux d’incidence des cas notifiés en Guyane était de 1,4/ 100 000 habitants, 1,2 à la Réunion, 0,8 en Guadeloupe et 0,7 en Martinique.

Figure 2. Distribution du taux d’incidence standardisé* de la légionellose selon la région de domicile en France, 2019
Figure 2. Distribution du taux d’incidence standardisé* de la légionellose selon la région de domicile en France, 2019
*standardisé sur le sexe et l’âge

Le nombre de cas mensuel s’est situé globalement au-dessus de la moyenne mensuelle des cas notifiés de 2010 à 2018 avec un pic en juin, août et octobre. Le nombre de cas durant le dernier trimestre était au-dessus du maximum observé de 2010 à 2018 (figure 3).

Figure 3. Nombre de cas mensuel notifiés de légionellose en France selon la date de début des signes, 2010-2019.
Figure 3. Nombre de cas mensuel notifiés de légionellose en France selon la date de début des signes, 2010-2019.

Caractéristiques des cas

L'âge médian des cas était de 65 ans [min-max : 7-104 ans] et le sexe ratio homme/femme était de 2,4 (1 281 hommes et 535 femmes). L’incidence augmentait avec l’âge et le taux d’incidence les plus élevé était observé chez les personnes de plus de 80 ans (8,4 / 100 000) (figure 4). Seuls 38 cas (sur 1 816 cas, 2,1%) n’ont pas été hospitalisés.

Figure 4. Taux d’incidence par classe d’âge et par sexe des cas de légionellose notifiés en France en 2019.
Figure 4. Taux d’incidence par classe d’âge et par sexe des cas de légionellose notifiés en France en 2019.

Sur les 1 816 cas, 74% présentaient au moins un facteur favorisant (tableau 1). Pour 30% des cas, le tabagisme était le seul facteur favorisant retrouvé (10% avaient un autre facteur en plus).

Tableau 1. Fréquence des facteurs favorisants des cas de légionellose notifiés en France, 2016-2019

 2017
(1 630)
2018
(2 133)
2019
(1 816)
Facteurs favorisants*N%N%N%
Cancer / hémopathie171102251123013
Corticothérapie / immunosuppresseurs16810195920011
Diabète303193911834819
Tabagisme640399434472440
Autres300183761832418
Au moins un facteur1 191731 561731 33574

*non mutuellement exclusifs / Source : déclaration obligatoire

L’évolution de la maladie était connue pour 89% des cas (1 611/ 1 816) et la létalité (160 décès) était supérieure à celle observée en 2018 (10% versus 8% p<0.005).
Le délai médian entre la date des premiers signes cliniques et la date de notification à l’Agence Régionale de Santé (ARS) était de 6 jours (intervalle interquartile [4 - 9]) ; 83% des cas étaient notifiés dans les 10 jours suivant l’apparition des premiers signes cliniques et 95% dans les 20 jours. Ces indicateurs annuels sont stables depuis 2010.

Informations microbiologiques

Parmi les 1816 cas, 1 769 (97%) étaient des cas confirmés : la détection des antigènes solubles urinaires était la principale méthode diagnostique utilisée (1 716 cas, 94%). Une amplification génomique (par Polymerase Chain Reaction - PCR) sur prélèvement respiratoire était positive pour 249 cas (14%), proportion en augmentation par rapport à 2018 (14% versus 8% p<10-6). Pour 46 (2,5%) cas, la PCR était l’unique méthode de diagnostic biologique (39 cas, 1,8% en 2018). Quelques cas avaient été uniquement diagnostiqués par culture (13 cas) ou par sérologie (2 cas) (Figure 6).
La grande majorité des cas de légionellose était due à l’espèce Legionella pneumophila de sérogroupe 1 (Lp1) (1 732/1 816, 95,4%).

Figure 5. Répartition des méthodes de diagnostic* des cas de légionellose, France, 1988-2019
Figure 5. Répartition des méthodes de diagnostic* des cas de légionellose, France, 1988-2019
* plusieurs méthodes de diagnostique

Pour 24,3% des cas (n=441) une souche a été isolée à partir des prélèvements respiratoires, ce pourcentage était comparable à celui de 2018 (22,9%). La majorité (433/441, 98%) des souches isolées était de l’espèce Legionella pneumophila, dont 398 du sérogroupe Lp1 et 35 d’autres sérogroupes. Les 8 L. non pneumophila étaient des L. longbeachae (5), L. bozemanii (2) et L. jordanis (1).
Toutes les souches L. pneumophila ont été analysées par différentes méthodes moléculaires suivant le contexte (Sequence-Based Typing ou séquençage du génome complet (WGS)) au Centre national de référence (CNR) des légionelles. Parmi les 440 cas pour lesquels un sequence type (ST) était disponible, 53% étaient associés à 10 ST : ST1, ST9, ST20, ST23, ST40, ST47, ST62, ST259, ST224 et ST701 ; les plus représentés étaient le ST23 (79 cas, soit 18%), le ST1 (33 cas, soit 8%), le ST62 (27 cas, soit 6%) et le ST259 (21 cas, soit 5%). A noter qu’en l’absence d’isolement de souche, un ST complet a été obtenu directement sur prélèvement respiratoire pour 7 cas (4 cas en 2018).
Pour 56 cas (13%), la souche d’origine clinique a pu être comparée aux souches environnementales isolées d’un ou plusieurs lieu(x) fréquenté(s) par le malade, et pour 45 des 58 (78%) comparaisons (2 cas avec comparaisons pour deux lieux distincts), les ST des souches cliniques et environnementales se sont révélés identiques. Parmi ces cas, les investigations environnementales et microbiologiques ont permis de préciser que les réseaux d’eau sanitaire étaient la source la plus probable de contamination dans 8/9 établissements de santé, 12/15 domiciles, 10/10 établissements de tourisme, 6/6 établissements de personnes âgées et 9/16 autres établissements (piscine, stade…). A noter que les résultats des 2 comparaisons impliquant les tours aéroréfrigérantes ont révélé des ST de souches cliniques et environnementales différents.

Expositions à risque

Une exposition à risque lors de la période d’incubation (2-10 jours) était rapportée pour 39% des cas (706 cas), proportion revenue à celle habituellement retrouvée excepté en 2018 (34%) (Tableau 2). Parmi les cas ayant séjourné dans un établissement hospitalier pendant la période d’incubation, la moitié (55/107) étaient classés comme certainement liés au séjour hospitalier (séjour durant toute la période supposée d’exposition). L’exposition la plus fréquemment rapportée était la notion de voyage (334 cas, soit 18%). Parmi ces cas, 248 cas, correspondant aux critères de notification du réseau européen des cas liés au voyage ELDSNet (European Legionnaires’ disease surveillance network) ont été notifiés à ce réseau : la majorité (77%) d’entre eux avait séjourné dans des hôtels ou des campings, 23% avaient séjourné dans des gîtes, des maisons d’hôtes ou des locations disponibles par internet. Sur les 334 cas pour lesquels une notion de voyage a été rapportée, la plupart avait voyagé en France (194/334, soit 58%) et 21% en Europe. Dans la catégorie «autres expositions», 24 patients utilisaient un appareil à pression positive continue pour apnée du sommeil (10 cas en 2018).

Tableau 2. Expositions à risque parmi les cas de légionellose survenus en France, 2016-2018

Expositions*2017
(1 630)
2018
(2 133)
2019
 
 n%n%n%
Hôpital118711151066
Etablissement de personnes âgées875754925
Station thermale1316<1221
Voyage299183871833418
Hôtel-camping189112341117910
Résidence temporaire a835864996
Autres types de voyage b*272673563
Autres c116814571529
Total des cas ayant au moins une exposition633397243470639

* Rapportés au nombre total de cas
a Location, chambre d’hôte, gîte, maison secondaire, logement chez amis ou famille,
b Sans précision de lieu et type de logement
c Etablissement recevant du public (piscine, stade …), exposition professionnelle, appareil pour apnées du sommeil, etc...

En 2019, le réseau ELDSNet a signalé à Santé publique France, 53 cas supplémentaires par rapport à ceux notifiés via la déclaration obligatoire. Il s’agissait de cas survenus chez des ressortissants étrangers ayant séjourné dans un établissement de tourisme en France dans les 10 jours précédant la date de début des signes et diagnostiqués dans un pays étranger.
Au total, de par les notifications des cas français et étrangers, 252 établissements touristiques français ont été notifiés par ELDSNet (248 en 2018), 227 pour des cas isolés et 24 pour des cas groupés de légionellose (définis par ELDSNet comme au moins deux cas ayant séjourné dans un même établissement sur une période de deux ans). Dans ces 24 établissements, la réalisation d’une investigation avec prélèvements du réseau d’eau sanitaire a permis de révéler la présence de légionelles au-dessus du seuil réglementaire pour 57% (12/21) d’entre eux.
En 2019, plusieurs investigations de cas regroupés dans le temps et dans l’espace ont été réalisées par les ARS en collaboration avec les cellules régionales de Santé publique France. Parmi ces investigations, quatre ont fait l’objet d’une information aux autorités sanitaires nationales, elles concernaient :

  • 4 cas dans un foyer de vie pour personnes âgées dans la région Provence-Alpes Côte d’Azur sans identification de la source de contamination
  • 3 cas ayant fréquenté un complexe thermal en Nouvelle-Aquitaine sans identification de la source de contamination
  • 12 cas liés à un séjour dans un camping en Occitanie pour lesquels, les investigations épidémiologique, environnementale et microbiologique ont permis de préciser que l’eau du camping via les jacuzzis dans les bungalows et les installations sanitaires était la source la plus probable de contamination. Des mesures de gestion ont été mises en place au niveau du camping et aucun autre cas n’a été identifié par la suite. Des mesures préventives et de contrôle ont été préconisées pour la réouverture du camping en 2020.
  • 28 cas demeurant ou ayant fréquenté un même secteur à Lingolsheim dans le Bas-Rhin. Les résultats des investigations épidémiologiques, environnementales et microbiologiques ont permis de préciser que l’eau d’une cheminée d’une chaufferie collective était la source de contamination la plus probable (Communiqué de presse de la Préfecture du Bas-Rhin).

Discussion - conclusion

En 2019, le nombre de cas de légionellose notifiés à Santé publique France était inférieur à celui de 2018, année exceptionnelle où 21% des cas étaient survenus sur une période de trois semaines en juin, mais reste élevé et confirme la tendance à l’augmentation observée ces trois dernières années. En 2019, le nombre de cas mensuel s’est situé globalement au-dessus de la moyenne mensuelle des cas notifiés de 2010 à 2018, notamment au cours du dernier trimestre. Des pics modérés ont été observés ponctuellement sans être en lien avec l’identification de cas groupés. Le taux d’incidence des cas notifiés en France métropolitaine (2,7/100 00) était supérieur à ceux des années précédentes excepté à celui de 2018. Cette tendance à l’augmentation est également observée au niveau européen (taux de notification européen de 2,2/100 000 en 2018, données 2019 non encore disponible au 25 juin 2020) [2]. Une des hypothèses pour expliquer cette augmentation serait l’influence des facteurs météorologiques sur la survenue des cas de légionellose, notamment la température, les précipitations et l’humidité qui semblent être, selon les différentes études réalisées ces dernières années, des variables-clés dans la survie et la dispersion des légionelles dans l’environnement [3]. L’étude menée par Santé publique France sur les données françaises entre 2008 et 2015, intégrant les facteurs météorologiques, a montré que l’humidité et la température sont liées à la survenue des cas de légionellose mais n’expliquent pas à elles seules le gradient du taux de notification Ouest-Est constaté depuis de nombreuses années en France [4].

Les caractéristiques des cas de légionellose survenus en 2019 sont comparables à celles des années précédentes : la majorité des cas présente des facteurs prédisposants. La part des cas pour laquelle une exposition à risque était documentée est proche de celles des années précédentes excepté celle observée en 2018 qui était inférieure à celles observées habituellement.

La part des souches isolées depuis 2011 est stable et la part des diagnostics uniquement par PCR sur les prélèvements respiratoires a légèrement progressé en 2019. Il est important de promouvoir le diagnostic par PCR qui permet d’identifier les cas de légionellose dus aux autres espèces et sérogroupes que Lp1 et qui ne sont donc pas détectés par les tests urinaires, très majoritairement utilisés actuellement pour le diagnostic de la légionellose. Les résultats de comparaison entre les souches cliniques et environnementales ont montré que les sources de contamination des cas investigués étaient les réseaux d’eau d’établissements recevant du public et les réseaux d’eau du domicile.

Parmi les nombreuses investigations menées pour le cas groupés, deux ont permis d’identifier la source de contamination par les résultats des investigations épidémiologiques, environnementales et microbiologiques. Le réseau d’eau à l’origine de la contamination dans une de ces investigations a mis en évidence l’importance des mesures de prévention, de la surveillance et le contrôle du risque légionelles dans les établissements de tourisme notamment l’utilisation de jacuzzi dans les installations privatives. L’autre investigation a permis, grâce au travail de l’ensemble des partenaires locaux, d’identifier une nouvelle source de contamination qui était l’eau d’une cheminée d’une chaufferie collective.

Ces éléments montrent l’importance de la déclaration et de l’investigation méthodique et sans délai de toutes les suspicions de cas groupés par l’ensemble des partenaires locaux. Il est également nécessaire de poursuivre la promotion de la réalisation systématique de prélèvements respiratoires, afin de disposer de souches permettant la documentation des cas groupés, et par comparaison avec les souches environnementales d’identifier les sources probables de contamination.

[1] ] Campèse C, Descours  G, Bernard-Stoecklin  S, Beraud  L, Maine C, Ranc AG, et al. La légionellose en France : importante augmentation du nombre de cas en 2018. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(4):89-95.

[2] European Centre for Disease Prevention and Control. Surveillance atlas of infectious diseases–Legionnaires’disease. [Internet]. Stockholm: ECDC; 2018

[3] Beaute J, Sandin S, Uldum SA, Rota MC, Brandsema P, Giesecke J, et al. Short-term effects of atmospheric pressure, temperature, and rainfall on notification rate of community- acquired Legionnaires’ disease in four European countries. Epidemiol Infect. 2016;144(16):3483-93.

[4] Pelat C, Campese C, Lévy-Bruhl D, Che D. Spatiotemporal disparities of Legionnaires’ disease incidence in France: what part does climate play? ESCMID Study group for legionella infections ESGLI 2018 Conference, August 28-30 Lyon, France

Les modalités de la surveillance et l’ensemble des données épidémiologiques sont disponibles sur le site de Santé publique France