Analyse comparative des profils de mortalité maternelle entre pays européens avec système renforcé de surveillance

Publié le 14 mars 2023
Mis à jour le 13 mars 2023

Introduction -La mortalité maternelle demeure un indicateur clé de santé maternelle et de performance du système de soins maternels, même dans les pays riches, où elle est devenue rare. Les comparaisons entre pays peuvent mettre en lumière des profils communs ou des singularités, et alors révéler des mécanismes causaux et des pistes d'amélioration possibles. Les données de routine de mortalité ne permettent pas une caractérisation fiable des morts maternelles. Notre objectif était de comparer la mortalité maternelle entre pays européens dotés de dispositifs renforcés d'étude de cette mortalité. Méthodes - Une étude descriptive comparative a été menée à partir des données de huit pays européens dotés de dispositifs renforcés pour identifier, documenter et examiner les décès maternels (Danemark, Finlande, France, Italie, Pays-Bas, Norvège, Slovaquie et Royaume-Uni). Les ratios de mortalité maternelle (RMM), jusqu'à 42 jours après la fin de la grossesse et définis comme le nombre de décès maternels pour 100 000 naissances vivantes au cours d'une période donnée, ont été calculés puis comparés à ceux obtenus avec les statistiques officielles de mortalité. Les RMM par âge, par origine géographique/ethnicité des femmes et par cause de décès ont également été calculés. Résultats - Les RMM, jusqu'à 42 jours après la fin de la grossesse, variaient d'un facteur 4, allant de 2,7 en Norvège et 3,4 au Danemark à 9,6 au Royaume-Uni et 10,9 en Slovaquie pour 100 000 naissances vivantes. Les statistiques officielles de mortalité sous-estimaient la mortalité maternelle de 36% ou plus partout sauf au Danemark. Les RMM par âge étaient plus élevés pour les mères les plus jeunes et les plus âgées (Risques relatifs (RR) poolés : 2,17, avec un intervalle de confiance à 95%, IC95%: [1,38-3,43] pour les femmes âgées de plus de 20 ans, 2,10 [1,54-2,86] pour celles âgées de 35 à 39 ans, et 3,95 [3,01-5,19] pour celles âgées de 40 ans et plus, par rapport aux femmes âgées de 20 à 29 ans). Excepté en Norvège, les RMM étaient généralement plus élevés chez les femmes nées à l'étranger ou d'origine ethnique minoritaire, définies différemment selon les pays. Les maladies cardiovasculaires étaient une des principales causes de mortalité dans tous les pays. Seulement deux pays, la France et le Royaume-Uni, disposent d'un système fiable de mesure de la mortalité maternelle jusqu'à un an après la fin de la grossesse ; dans ces deux pays, le suicide maternel était la deuxième cause de mortalité maternelle jusqu'à un an après la fin de la grossesse, après les maladies cardiovasculaires. Conclusion - Des dispositifs renforcés d'étude de la mortalité maternelle, comme l'Enquête nationale confidentielle sur la mortalité maternelle en France, sont essentiels pour recueillir des données fiables sur la mortalité maternelle. Parmi les pays européens avec de tels dispositifs, il existe des différences de niveau et de causes de mortalité maternelle jusqu'à 42 jours, non liées à des variations de mesure de la mortalité maternelle. Des analyses approfondies des différences de qualité des soins et des performances des systèmes de santé au niveau national sont nécessaires pour réduire davantage la mortalité maternelle en tirant des enseignements des meilleures pratiques et de l'expérience des autres pays. Les maladies cardiovasculaires et la santé mentale des femmes pendant et après la grossesse doivent être considérées comme des priorités dans tous les pays.

Auteur : Deneux-Tharaux Catherine, Diguisto Caroline, Saucedo Monica
Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2023, n°. 3-4, p. 53-60