Crise de l’eau potable à Mayotte : un dispositif renforcé face à la situation exceptionnelle

Face à la sécheresse et aux mesures de restrictions d’eau mises en place à Mayotte, la population Mahoraise est potentiellement exposée à des risques sanitaires accrus. Santé publique France fait le point sur le renforcement du dispositif de surveillance et d’alerte mis en place, la mobilisation de l’Etablissement pharmaceutique et de la Réserve sanitaire sur place depuis plusieurs mois.

Publié le 29 novembre 2023

Le département de Mayotte est actuellement confronté à un épisode de sécheresse sans précédent avec le déficit de pluviométrie le plus important depuis 1997. A la fin du mois de janvier 2023, il a plu 40 % de moins qu’une année normale à Dzoumogné et à Combani, localités qui abritent les deux retenues collinaires du département qui représentent environ 80 % de l’approvisionnement en eau du département. Les niveaux exceptionnellement bas des réserves d’eau ont conduit le comité de suivi de la ressource en eau, présidée par le Préfet, à décider la mise en place de coupures d’eau dès le début de l’année 2023, beaucoup plus précocement que les années précédentes. 

La rupture d’approvisionnement d’eau peut exposer la population à des risques sanitaires importants et générer de potentielles épidémies. Dans ce cadre, Santé publique France a mis en place un dispositif de surveillance renforcé et une organisation de crise avec notamment une forte mobilisation de la Réserve sanitaire. Des points réguliers sont produits et publiés sur le site internet permettant de suivre et d’évaluer la situation épidémiologique sur le territoire de Mayotte.

Quels risques épidémiques pour la population ?

Ces pénuries d’eau exposent la population à des risques sanitaires accrus, d’autant plus qu’une grande partie des habitants se trouve en situation de précarité (77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté national). Le manque d’approvisionnement en eau peut engendrer :  

  • un recours à une eau impropre à la consommation ;
  • une hydratation insuffisante ;
  • une impossibilité d’appliquer les mesures d’hygiène de base, dont le lavage des mains ;
  • un défaut d’assainissement et l’impossibilité d'évacuer les excrétas ;
  • un stockage d’eau impropre à l’alimentation ou susceptible de constituer des gites larvaires (moustiques).

A date, Mayotte est passée en phase post-épidémique pour l’épidémie saisonnière de gastro-entérite aiguë à rotavirus. Cependant, une part importante des pathogènes identifiés dans les prélèvements gastro-entériques ces 5 dernières semaines sont des entérobactéries de type Escherichia Coli, témoignant d’une baisse des mesures d’hygiène de base qui découle du durcissement des mesures de coupure d’eau sur le territoire. 

En parallèle, la fièvre typhoïde et l’hépatite A, deux pathologies endémiques à Mayotte, pourraient faire l’objet de flambée épidémique. En effet, le manque d’eau pourrait engendrer une moindre capacité à appliquer les gestes d’hygiène, même les plus basiques, et donc favoriser la propagation de ces deux maladies par contact direct entre les personnes (transmission oro-fécale), ou par ingestion d’eau ou d’aliments souillés. A ce stade, aucune recrudescence de ces pathologies n’a cependant été observée.

Quel est le dispositif de surveillance mis en place ?

Le dispositif de surveillance et d’alerte renforcée mis en place s’appuie sur des systèmes de surveillance et des réseaux déjà effectifs ou ayant été éprouvés lors de crises précédentes, tels que :

  • la surveillance des passages aux urgences (Oscour®) au Centre hospitalier de Mamoudzou et des décès toutes causes ; 
  • la surveillance via le réseau de pharmaciens et médecins sentinelles ;
  • la surveillance moléculaire en lien avec le laboratoire au CHM ;
  • la surveillance des cas graves admis en réanimation ;
  • la surveillance des maladies à déclaration obligatoire ;
  • la surveillance au sein des infirmeries des collèges et lycées.

Le dispositif est complété par la surveillance dite à base communautaire (SBC) auprès des populations ayant un faible recours aux soins et un accès à l’eau limité. La SBC se développe sur le territoire via le réseau des associations du champ sanitaire et social, en lien avec l’ARS et le Samu-Centre 15.

En complément, une surveillance des eaux usées est mise en œuvre sur deux stations de traitement des eaux par l’ARS Mayotte avec l’appui de la DGS et Eau de Paris.

Une mobilisation renforcée de la Réserve sanitaire 

Pour faire face à cette situation exceptionnelle à Mayotte qui pourrait entrainer une situation de crise sanitaire majeure, Santé publique France a renforcé la présence de réservistes sanitaires sur place, notamment :

  • 14 techniciens et ingénieurs sanitaires ont déjà été déployés depuis le 4 juillet pour renforcer les équipes de l’ARS pour l’analyse et la gestion de l’eau ;
  • 1 épidémiologiste et une infirmière diplômée d’Etat (IDE) de santé publique sont mobilisées pour une mission d’expertise en renfort de la cellule Santé publique France Mayotte ;
  • 28 professionnels (IDE, logisticiens, médecins généralistes et référents) ont été mobilisés entre fin juillet et fin août pour une mission de renfort vaccinal contre la typhoïde.

Plus généralement, la réserve sanitaire est également venue en renfort du CHM :

  • au service périnatalité : 230 réservistes sanitaires ont été mobilisés depuis le mois de mars, incluant des cadres de santé, des IDE/IPDE, IDE Néonat, des pédiatres, des sages-femmes, des logisticiens et des référents de mission ;
  • aux urgences : 57 IDE urgences, médecins urgentistes, médecins généralistes, ont été mobilisés depuis le mois de mai.

L’appui et l’expertise de l’Etablissement pharmaceutique

Sur sollicitations du Ministère de la Santé, l’Etablissement pharmaceutique apporte son expertise sur un approvisionnement complémentaire en solution hydroalcoolique, sur l’expédition de congélateurs pour renforcer les capacités de stockage en vaccin, et sur les modalités d’approvisionnement en vaccins qui pourraient être utilisés en nombre face aux épidémies redoutées (typhoïde, hépatite A, choléra et poliomyélite).

Quelles sont les recommandations sanitaires pour la population mahoraise ?

Au niveau local, l'ARS Mayotte informe la population (spots radios et télévisés, communications sur les réseaux sociaux et leur site internet) et met régulièrement à jour les informations disponibles pour permettre de suivre l'évolution des recommandations sanitaires face à la pénurie d'eau 2023

Affiches sur les recommandations sanitaires relatives à la crise de l'eau à Mayotte disponibles sur le site de l'ARS Mayotte

Consultez les points épidémiologiques

Retrouvez les dernières données sur la situation épidémiologique sur le territoire de Mayotte.