Enquêtes EpiCOV et Sapris : quels sont les enjeux biologiques ?

Santé publique France apporte son expertise dans l’organisation du volet biologique des enquêtes EpiCOV et Sapris afin de connaître le statut immunitaire de la population française et répond aux questions sur les enjeux de ce volet biologique

Publié le 26 mai 2020

Restez informés sur l'épidémie de COVID-19, France et Monde

Points de situation, questions-réponses, interviews d'experts... tout savoir sur l’infection au nouveau coronavirus (SARS-CoV-2), COVID-19, en France et dans le Monde

Mieux comprendre les enjeux épidémiologiques et sociaux des mesures de prévention exceptionnelles mises en place pour lutter contre l’épidémie de COVID-19 et connaître le statut immunitaire de la population sont les grands objectifs des deux grandes enquêtes pluridisciplinaires Sapris et EpiCOV, portées par de nombreuses institutions dont Santé publique France.

SAPRIS : pour étudier la santé et les enjeux sociaux de l’épidémie de COVID-19 et du confinement

Le projet SAPRIS (Santé, pratiques, relations et inégalités sociales en population générale pendant la crise COVID-19) est une vaste enquête longitudinale en population générale qui s’appuie sur quatre grandes cohortes généralistes impliquant des sujets connectés sur internet : CONSTANCES, ELFE-EPIPAGE2, E3N-E4N et NUTRINET-SANTE. Son objectif est d’appréhender les principaux enjeux épidémiologiques et sociaux de l’épidémie de COVID-19 et les mesures prises pour la combattre. L’analyse des inégalités sociales est l’axe d’analyse transversal majeur. Le projet SAPRIS-Sero complète ce dispositif en proposant la réalisation de sérologies répétées aux participants de SAPRIS pour étudier l’incidence cumulée de l’infection par le SARS-COV-2 en population générale et étudier les facteurs associés à la positivité de la sérologie, la relation entre la séropositivité et la survenue de symptômes pendant le suivi, la durabilité de la réponse immune.

EPICOV : pour connaître le statut immunitaire de la population 

EpiCOV est une enquête de cohorte à partir d'un échantillon représentatif de la population vivant en France sélectionné par tirage au sort en mai dans le fichier Fidéli de l'Insee, visant 150 000 à 200 000 répondants. Elle est conçue pour représenter la diversité des groupes sociaux et notamment les personnes en situation de précarité économique. Cette enquête permettra de donner des estimations précises et fiables au niveau national et à l’échelle des départements de la proportion de personnes ayant développé des anticorps anti SARS-CoV-2.

Ces enquêtes s’appuient sur des questionnaires proches et permettront de disposer de nombreux indicateurs de santé comme la proportion de personnes qui ont présenté des symptômes, qui ont consulté pour une suspicion de COVID-19, qui ont été dépistées mais aussi qui ont renoncé aux soins au cours de la période récente. Le questionnaire explore aussi d’autres dimensions (travail, conditions de vie, santé mentale…) qui permettront de décrire l’impact du confinement dans les différents milieux sociaux et d’en décrire les évolutions en période de déconfinement. 

Le volet biologique de ces deux enquêtes permettra de connaître le statut immunitaire de la population française et de sa dynamique sur l'ensemble du territoire. Connaître le statut immunitaire de la population française à l’issue du confinement et après est un des enjeux majeurs de la crise sanitaire actuelle. La réalisation d’auto-prélèvements à domicile est l’approche qui a été adoptée dans les deux études EpiCOV et SAPRIS-Sero afin d’estimer la proportion de personnes qui ont développé des anticorps anti SARS-COV2. Santé publique France apporte son expertise sur cette approche qui a fait ses preuves dans le cadre d’études antérieures.

Outre la production de données scientifiques inédites, les premiers résultats de ces deux enquêtes seront portés au plus vite à la connaissance des acteurs de santé publique et des pouvoirs publics pour guider l’action publique contre l’épidémie de COVID-19.

Nathalie Lydié et Delphine Rahib (direction de la prévention et de la promotion de la santé à Santé publique France) répondent aux questions sur les enjeux du volet biologique des enquêtes SAPRIS et EpiCOV

Photo de Nathalie Lydie, direction de la prévention et de la promotion de la santé, Santé publique France
Photo de Delphine Tahib, direction de la prévention et de la promotion de la santé, Santé publique France

Quel a été le contexte de mise en œuvre de ces auto-prélèvements à domicile et quelles ont été les conditions à remplir et les contraintes à lever pour assurer d’obtenir des résultats fiables ?

Santé publique France a l’expérience d’études comportant un volet biologique incluant l’utilisation de kits d’auto-prélèvement à domicile sur papier buvard. Nous l’avions expérimenté en 2016 dans le cadre du BaroTest pour évaluer l’acceptabilité et la faisabilité de l’auto-prélèvement à domicile pour le dépistage du VIH et des hépatites B et C auprès d’un large échantillon de la population générale (près de 15 000 personnes). Cette expérience nous a permis d’être en capacité d’organiser seulement en quelques semaines les volets biologiques de ces deux études et de mettre à disposition 40 000 kits d’auto-prélèvement dès le début du mois de mai. Mais les difficultés ont été nombreuses. Nous étions en période de confinement et beaucoup d’entreprises étaient à l’arrêt, ce qui a, par exemple, terriblement compliqué l’approvisionnement en matériel et la constitution des kits. Outre les problèmes logistiques, la principale difficulté a été notre faible connaissance de la maladie qui nous a obligés à décider dans un contexte d’incertitude. Nous savons que le buvard est un très bon support pour le VIH ou les hépatites – la littérature est abondante sur ce sujet – mais évidemment nous avons moins de certitudes s’agissant du SARS-CoV-2. D’autres options ont été discutées comme un prélèvement salivaire ou nasopharyngé. Ce dernier semblait trop complexe à réaliser par une personne et la salive contient moins d’anticorps que le sang. Par ailleurs, le buvard est un support très stable et l’expérience du BaroTest a montré que les personnes parvenaient très bien à déposer quelques gouttes de sang sur celui-ci après une petite piqûre au bout du doigt. C’est donc le buvard qui a été choisi en accord avec les virologues associés aux projets. 

Les buvards ainsi humectés et séchés et portant le prélèvement de chaque participant à tester doivent ensuite être envoyés dans des lieux garantissant leur bonne conservation pour la réalisation des tests. Où ces échantillons seront-ils stockés et dans quelles conditions avant de procéder aux tests ?

Pour chaque buvard, un sachet spécial avec un sachet anti-humidité assure la bonne préservation du prélèvement pendant leur transport par la Poste vers les Centres de Ressources Biologiques associés. Pour la première phase, il y en a un à Paris (CEPH, Fondation Jean Dausset) et un à Bordeaux (Bordeaux Biothèque Santé, CHU de Bordeaux). Une fois arrivés, ils sont enregistrés par leur numéro unique puis conservés individuellement dans un sachet hermétique et opaque en chambre froide à -20°C. Ils seront ensuite expédiés vers le laboratoire de virologie (« Unité des virus émergents », Inserm, IRD, Aix-Marseille Université) par un transport réfrigéré.

Actuellement, aucun test n’a encore été désigné comme apportant des résultats suffisamment fiables pour être utilisés en routine et qui plus est dans le cadre d’une telle étude à grande échelle. Quelles sont les propriétés et qualités auxquelles ces tests ou les tests devront répondre pour être considérés comme fiables ?

Pour ces études, les tests réalisés sont des tests sérologiques. Dans son avis publié le 2 mai 2020, la Haute Autorité de Santé a souligné l’intérêt de ces tests dans les enquêtes épidémiologiques. Une stratégie combinant deux tests a été élaborée par l’Unité des virus émergents. Dans un premier temps, des traces d’anticorps, les cellules du système immunitaire qui défendent contre le virus, vont être recherchées. Pour ces tests, le but est d’avoir une bonne valeur prédictive négative (ou spécificité) : un résultat « négatif » permet d'exclure avec confiance le fait que les personnes n’ont pas été en contact avec le coronavirus. Puis, sur les échantillons « positifs », un test de séroneutralisation avec une forte valeur prédictive positive va être réalisé. Il permettra de confirmer la présence d’anticorps actifs contre l’infection. Cette stratégie permet de garantir un résultat fiable de la sérologie au niveau individuel.

Pour ces deux enquêtes quel est l’objectif à atteindre en termes de participants et de nombre de tests à effectuer pour une représentativité des résultats et plus précisément à l’échelle du département ?

Dans le projet SAPRIS, un premier questionnaire a été proposé aux personnes participant aux cohortes dès le mois d’avril 2020 ; il a été complété par 120 000 participants. Un second questionnaire est en cours et a déjà mobilisé plus de 70 000 répondants. Il associe une première campagne d’envoi de 20 000 kits d’auto-prélèvement pour la réalisation des premières sérologies. En juin, 80 000 sérologies supplémentaires seront prélevées et analysées.
La première vague d’EpiCOV est lancée (mai 2020) et associe la passation d’un questionnaire par téléphone ou internet et la proposition d’un kit d’auto-prélèvement pour un sous-échantillon de répondants (20 000 environ) en vue de la réalisation d’une sérologie. Ces prélèvements permettront, dans un premier temps, d’évaluer avec précision la pénétration du virus dans les départements qui ont été particulièrement touchés (dans le Grand-Est, en Ile de France) et au niveau national. Lors de la seconde vague d’enquête qui se déroulera à partir du mois de juin, tous les répondants se verront proposer un kit (100 000 kits attendus dont 10% pour tous les membres d’un même foyer) et une estimation pourra être faite pour chacun des départements français, y compris la Martinique, Guadeloupe et à La Réunion.

En savoir plus

Sur les enquêtes 

Une grande enquête nationale pour étudier la santé et les enjeux sociaux de la pandémie de COVID-19 et du confinement. Communiqué de presse-Inserm-10 avril 2020.

EpiCOV : connaître le statut immunitaire de la population pour guider la décision publique. Communiqué de presse-Inserm-27 avril 2020.

Sur le Barotest

Lydié N, Saboni L, Gautier A, Brouard C, Chevaliez S, Barin F, Larsen C, Lot F, Rahib D. Innovative approach for enhancing awareness of HIV, hepatitis B and hepatitis C in the general population: the BaroTest 2016 study protocol. JMIR Res Protoc 2018 (Oct 12); 7(10):e180.

Rahib D, Larsen C, Gautier A, Saboni L, Brouard C, et al. Acceptabilité et faisabilité d’un dépistage par auto-prélèvement à domicile des infections VIH, VHB et VHC en population générale en France en 2016 : l’étude BaroTest. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(24-25):478-90. 

Sur l’évaluation de la HAS des différents tests sur le marché

Place des tests sérologiques dans la stratégie de prise en charge de la maladie COVID-19. Rapport d’évaluation Haute autorité de santé. Mai 2020.

Pré-requis sur les tests. Fiche pédagogique. Haute autorité de santé. 18 mai 2020.