Violence, vulnérabilité sociale et troubles psychiques chez les migrants/exilés.

Publié le 5 septembre 2017
Mis à jour le 29 août 2019

Objectifs : mesurer et caractériser trois phénomènes associés dans l'observation du Comité pour la santé des exilés (Comede) : les violences subies par les exilés, leurs conditions de vulnérabilité sociale et les troubles psychiques graves dont ils sont atteints, ainsi que les liens entre ces trois phénomènes. Méthodes : les taux de prévalence des troubles psychiques graves ont été calculés parmi les 16 095 personnes ayant effectué un bilan de santé au Comede entre 2007 et 2016. Les résultats portant sur les autres indicateurs (violence, vulnérabilité sociale, symptômes et syndromes) sont issus d'une analyse des consultations médicales et psychologiques de 5 204 patients reçus entre 2012 et 2016. Résultats : entre 2012 et 2016, 62% des personnes accueillies ont déclaré des antécédents de violence, 14% des antécédents de torture et 13% des violences liées au genre et à l'orientation sexuelle. Les violences extrêmes plus fréquentes parmi les femmes et les demandeurs d'asile sont très liées à la nationalité et au statut social dans le pays d'origine. Toutes les formes de violences sont liées à une probabilité significativement plus élevée d'être suivi en psychothérapie trois fois plus souvent en cas de violences extrêmes et fortement associées à des formes graves de troubles psychiques. Par ailleurs, ces personnes exilées cumulent les facteurs de vulnérabilité sociale : faibles ressources financières, absence de logement et d'hébergement, précarité du séjour, défaut de protection maladie, obstacles linguistiques, difficultés d'accès à l'alimentation, isolement et situation de détresse sociale (24% cumulent au moins 5 critères de vulnérabilité). Ces indicateurs de vulnérabilité sociale sont très liés aux antécédents de violence subie, en particulier pour les personnes en situation de détresse sociale. Les antécédents de torture et de violence liée au genre sont fortement associés à la précarité du quotidien et de l'hébergement, à l'isolement social et plus encore à l'isolement relationnel. La prévalence globale des troubles psychiques graves s'élève à 16,6% dans cette population, plus importante chez les femmes (23,5% versus 13,8% chez les hommes). Ces troubles sont constitués pour les deux tiers de syndromes psychotraumatiques (60%) et de traumas complexes (8%), formes cliniques plus fréquentes parmi les demandeurs d'asile et les victimes de violence intentionnelle, particulièrement pour certaines nationalités. Les tableaux dépressifs (22%) sont plus fréquents chez les exilés en situation de détresse sociale et les personnes déboutées de leur demande d'asile. Le retentissement de ces troubles est conséquent, tant aux plans de la concentration, de l'attention et de la mémoire que du risque suicidaire. Conclusion : ces résultats nous conduisent à recommander une meilleure prise en compte des questions de santé mentale des exilés et de leur accompagnement social dans les actions de prévention et de soins. Il est nécessaire d'intégrer les besoins spécifiques de ces personnes tout au long du parcours de soins, depuis le bilan de santé librement consenti jusqu'à la prise en charge pluridisciplinaire. Et ce, sur l'ensemble du territoire, en favorisant notamment le recours à l'interprétariat professionnel et les autres mesures facilitant l'accès aux soins.

Auteur : Veïsse A, Wolmark L, Revault P, Giacopelli M, Bamberger M, Zlatanova Z
Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, 2017, n°. 19-20, p. 405-14