Le tabagisme en France. Analyse de l'enquête Baromètre santé 2010.

Publié le 3 février 2014
Mis à jour le 6 septembre 2019

Les Baromètres santé de l'Inpes permettent d'observer de façon régulière des indicateurs de surveillance épidémiologique en population générale. Ces enquêtes aléatoires sont réalisées par téléphone auprès de la population de France métropolitaine âgée de 15 à 75 ans. La dernière enquête, menée en 2010 auprès de plus de 27 000 individus, montre l'augmentation récente du tabagisme en France, alors qu'il était en baisse depuis plus de vingt ans. La proportion des fumeurs quotidiens apparaît en augmentation par rapport à 2005 (de 27,0 % à 29,1 %), en particulier chez les femmes âgées de 45 à 65 ans. Cette hausse du tabagisme s'explique largement par un glissement générationnel. En effet, les femmes nées après-guerre entre 1945 et 1965, et qui étaient donc âgées de 45 à 65 ans en 2010, appartiennent à une génération marquée par l'essor du tabagisme féminin : elles fument davantage et sont moins enclines à s'arrêter que les femmes des générations précédentes. D'autre part, le contexte de lutte contre le tabagisme est apparu plus centré sur le tabagisme passif qu'entre 2000 et 2005, période caractérisée par de fortes hausses des prix. L'envie d'arrêter parmi les fumeurs a également diminué depuis 2005 (57,6 % en 2010 vs 64,8 % en 2005), alors qu'elle était restée stable entre 2000 et 2005, tout comme la crainte des maladies liées au tabac, en particulier parmi les plus jeunes. L'ensemble des résultats s'avère néanmoins contrasté. Ainsi, la proportion des fumeurs de plus de dix cigarettes par jour est en baisse. L'interdiction de fumer dans les lieux fermés à usage collectif, et notamment sur les lieux de travail (en 2007), a pu contribuer à la diminution du nombre de cigarettes fumées quotidiennement par les fumeurs. Par ailleurs, la prise de conscience des risques du tabagisme passif consécutive à cette loi pourrait être responsable de la diminution de la part de fumeurs déclarant fumer à l'intérieur de leur domicile, en particulier en présence d'enfants (en 2010, 40 % des fumeurs déclarent qu'ils ne fument jamais à leur domicile). De même, la moindre adhésion à l'opinion selon laquelle "fumer permet d'être plus à l'aise dans un groupe" pourrait être le signe d'une dé-normalisation progressive du tabac consécutive notamment aux décrets sur le tabagisme passif. D'autre part, l'initiation au tabagisme semble de plus en plus tardive, ce qui est observé également dans les enquêtes menées auprès des adolescents. Cette évolution pourrait être attribuée à l'interdiction de vente de tabac aux moins de 16 ans en 2004, puis à l'ensemble des mineurs depuis 2009, ainsi qu'aux hausses de prix successives depuis 2007. Comme lors des enquêtes précédentes, le tabagisme apparaît associé à un niveau socioéconomique moins élevé en termes de diplôme, de revenu, de profession ou de situation professionnelle (en particulier pour la situation de chômage). Cette différentiation sociale tend à s'accentuer par rapport à 2000 et 2005. Les ouvriers, les moins diplômés, les personnes disposant de faibles revenus sont par ailleurs ceux qui se sentent les moins bien informés sur le tabac. En outre, alors que la réussite du sevrage tabagique apparaît très différenciée selon le niveau socio-économique (elle augmente lorsque celui-ci croît), la propension des individus à essayer d'arrêter de fumer se révèle relativement homogène. Il ressort de cette étude que le souci de préserver sa santé semble être un facteur de réussite du sevrage, contrairement à l'influence du prix du tabac, qui agit plutôt comme un "déclencheur" selon les déclarations des répondants. Enfin, les analyses menées suggèrent que le rôle du médecin généraliste dans la prise en charge du sevrage tabagique pourrait être renforcé. En effet, un peu plus d'un tiers des fumeurs souhaitant arrêter de fumer envisagent de le faire avec l'aide d'un médecin (37,4 %). La deuxième vague de la cohorte International Tobacco Control (ITC) réalisée en 2008 montrait que dans ce domaine, la France se situait dans le bas du classement des vingt-trois pays participants avec seulement 28 % des fumeurs qui avaient reçu des conseils de leur médecin pour cesser de fumer, au cours d'une visite de routine dans les six derniers mois.

Auteur : GUIGNARD Romain, Beck François, Richard Jean-Baptiste, Peretti-watel Patrick
Année de publication : 2014
Pages : 56p.
Format/Durée : 21 X 29,7 cm
Ref : W-0083-001-1312
Collection : Baromètres santé