L'exposition à des températures inhabituellement chaudes ou froides se traduit par une augmentation du risque de mortalité. Dans un contexte d'évolution rapide de la distribution des températures en France, et de mise en place de politiques de prévention des températures extrêmes, il est pertinent de rechercher si l'effet de la température sur la mortalité a évolué au cours du temps. Une analyse multicentrique en séries temporelles a été réalisée pour 18 zones en France métropolitaine sur la période 1970-2015. L'évolution temporelle de la relation température- mortalité a été estimée à l'aide de modèles non linéaires à retards distribués en introduisant une interaction entre la température et le temps. Ces modèles permettent d'investiguer les évolutions possibles concernant la forme de la relation, les risques relatifs (RR) pour différentes températures, et la fraction de mortalité attribuable aux températures froides et chaudes, avec un focus particulier sur les évènements les plus extrêmes (températures inférieures aux percentiles 10 ou supérieures aux percentiles 90 de la période 1970-2015), qui sont les plus susceptibles d'être influencés tant par les évolutions climatiques que par les mesures de prévention. Les résultats suggèrent une diminution des RR liés aux très fortes chaleurs (correspondant à des percentiles de température ≥ 99, calculés sur 1970-2015) depuis les années 1970, et une augmentation des RR liés aux très grands froids. Par exemple, le RR correspondant à une augmentation de la température du percentile 50 au percentile 99,9 de la période 1970-2015 est de 2,33 [1,95 :2,79] en 1975, et de 1,33 [1,14 :1,55] en 2015, ce qui semble marquer une acclimatation à la chaleur (pouvant résulter d'une adaptation de la population, des améliorations socio-économiques et médicales et/ou d'une efficacité des mesures de prévention organisées à partir de 2004). Cependant, cette évolution à la baisse n'est pas observée pour des températures moins élevées. Les évolutions des RR sont progressives au cours du temps, sans rupture à partir de 2004. De plus, les RR liés aux températures inhabituellement chaudes pour une année donnée par rapport aux années précédentes (correspondent à des percentiles ≥ 90 calculés sur l'année en cours et les quatre années précédentes) augmentent depuis les années 1970. La fraction de la mortalité attribuable aux températures les plus froides (< percentiles 10) est stable, au cours du temps, représentant 0,63 [0,62 :0,65] % de la mortalité totale dans les années 70s et 0,58 [0,56 :0,60] % dans les années 2010. La fraction attribuable aux températures les plus chaudes (> percentiles 90) augmente, passant de 0,11 [0,08 :0,13] % de la mortalité dans les années 70s à 0,23 [0,21 :0,24] % dans les années 2010. Les fractions attribuables reflètent le croisement entre un niveau de risque et une fréquence d'exposition. Pour le froid, les RR faibles mais appliqués à un grand nombre de jours conduisent à un impact important. Pour la chaleur, les RR très élevés correspondent à peu de jours, d'où un impact plus faible que pour le froid. Pour autant, l'augmentation du nombre de jours chauds conduit à une augmentation de la fraction attribuable à la chaleur dans les années récentes, malgré une diminution des RR. Les évolutions observées sont en faveur d'une possible acclimatation de la population vers un nouveau climat et/ou des améliorations des conditions socio-économiques et médicales. Le risque diminue lorsqu'une température autrefois inhabituelle devient plus fréquente (et inversement lorsqu'une température devient inhabituelle). Pour autant, le risque associé aux températures inhabituelles demeure. De plus, la diminution des RR liés à la chaleur ne compense pas l'augmentation du nombre de jours chauds, et on observe donc une augmentation des impacts de la chaleur. Ces résultats soulignent l'importance de poursuivre les efforts pour réduire l'impact des températures froides et chaudes sur la mortalité et d'agir pour atténuer le changement climatique et ainsi éviter les scénarios les plus défavorables. En matière d'adaptation, il faut à la fois agir sur l'état de santé de la population pour améliorer sa capacité de thermorégulation, sur l'environnement pour réduire les expositions aux températures les plus extrêmes, et sur la réponse immédiate à ces évènements extrêmes.
Auteur : Pascal Mathilde, Wagner Vérène, Corso Magali
Année de publication
: 2022
Pages : 57 p.
Collection : Études et enquêtes