Contexte
L’industrialisation du secteur de Nazaire remonte à 1862 avec la construction du premier chantier naval puis la construction aéronautique en 1922. Saint-Nazaire compte à ce jour, près de 140 installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), majoritairement situées le long de la Loire au niveau des communes de Donges, Trignac, Montoir-de-Bretagne et Saint-Nazaire.
La nature des activités est diversifiée : constructions navales et aéronautiques, raffinage de pétrole, fabrication d’engrais, traitements de surface, etc. Le territoire dispose par ailleurs de plusieurs infrastructures de transport : aéroport de Saint-Nazaire/Montoir, grand port maritime de Nantes/Saint-Nazaire, ainsi que des infrastructures ferroviaires et routières.
La concentration de ces industries suscitent depuis plusieurs années chez les riverains de fortes inquiétudes sur les impacts environnementaux et sanitaires associés aux rejets de ces installations. Ces inquiétudes ont été renforcées par la publication en 2019 de deux études épidémiologiques :
- un diagnostic de l’état de santé de la population du secteur de Saint-Nazaire réalisé par l’Observatoire régional de la santé (ORS) des Pays de la Loire et
- une cartographie du risque cancer sur ce secteur réalisée par le Registre général des cancers de Loire-Atlantique et Vendée.
Ces études concluaient à un état de santé des habitants du secteur de Saint-Nazaire plus dégradé que celui du reste du département de Loire-Atlantique ou de la France, se traduisant par une surmortalité prématurée, des excès d'incidence et de mortalité pour plusieurs pathologies dont les cancers du poumon et des voies aéro-digestives supérieures chez l’homme, et certaines maladies respiratoires et cardiovasculaires.
Face à ce contexte, en juin 2019, plusieurs associations de riverains ont remis à l’Agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire une pétition regroupant près de 2 500 signatures et demandant la mise en place d’une étude épidémiologique afin d’étudier l’impact de la pollution atmosphérique industrielle sur la santé des populations riveraines. Le 6 septembre 2019, l’ARS des Pays de la Loire saisissait Santé publique France pour apporter des éléments de réponse aux questions issues des acteurs locaux. La question posée était : Quelle est la pertinence et la faisabilité d’une étude épidémiologique dans l’objectif d’identifier la contribution de la pollution atmosphérique industrielle dans la survenue des pathologies observées en population générale sur le bassin nazairien ?
Lancement d’une étude de zone sur le secteur de Saint-Nazaire
Une étude de zone a démarré sur ce secteur en mars 2021, pour une durée prévisionnelle de 3 et 5 ans. Elle est pilotée par la Sous-préfecture de Saint-Nazaire et la Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement).
A quoi sert une étude de zone ?
Une étude de zone permet d’avoir une vision globale de la situation, car elle prend en compte de façon globale la diversité des sources de pollution présentes sur un secteur (industries, mais également infrastructures de transport, secteur résidentiel et tertiaire, agriculture, etc.) et le cumul de leurs émissions dans l’environnement, contrairement à la surveillance classique autour d’un site industriel qui est réalisée en considérant chaque installation indépendamment l’une de l’autre.
Cette étude devrait apporter des réponses sur la présence éventuelle de polluants à des niveaux préoccupants d’un point de vue sanitaire, sur la zone d’influence, sur le niveau d’exposition des populations riveraines et sur les effets sanitaires d’intérêts en fonction des substances retenues.
Santé publique France siège dans le Comité d’orientation stratégique de cette étude.
La réponse de Santé publique France à la saisine de l’ARS Pays de la Loire
Une analyse théorique de plusieurs schémas d’études potentiels dans le contexte spécifique du secteur de Saint-Nazaire
Santé publique France a participé à de multiples réunions et échanges avec les parties prenantes locales (associations de riverains, services de l’Etat, élus, etc.). Ce dialogue avec la société a permis de mieux cerner les préoccupations des populations vivant sur ce territoire.
En 2023 et en attendant les résultats de l’étude de zone, Santé publique France a réalisé une analyse théorique de différents schémas d’études afin de distinguer ceux qui pourraient être intéressants de mener dans le contexte nazairien, de ceux qui pourraient d’ores-et-déjà être éliminés à ce stade.
Plusieurs schémas d’études ont été étudiés : étude de cohorte, étude cas-témoin, étude écologique, étude d’imprégnation et évaluation quantitative des impacts sur la santé de la pollution atmosphérique (EQIS-PA). Leurs objectifs, avantages et limites respectifs ont été étudiés, ainsi que leur pertinence et leur faisabilité dans le contexte spécifique du secteur de Saint-Nazaire.
Il en ressort que deux schémas d’étude pourraient être pressentis à ce stade : une étude écologique et éventuellement une étude d’imprégnation. Cependant, et dans l’attente des résultats de l’étude de zone, Santé publique France ne peut se prononcer définitivement sur la pertinence et la faisabilité de ces deux schémas études.
Perspectives et suites à donner à la saisine
Les résultats de l’étude de zone sont indispensables pour pouvoir ensuite décider de la mise en place d’une étude épidémiologique et de ses modalités. Ils permettront notamment d’avoir des éléments sur la présence éventuelle de polluants sur ce secteur, s’ils sont à des niveaux préoccupants pour la santé des populations et quelles seraient les zones d’exposition des populations riveraines à ces polluants.
Le cas échéant, un travail complémentaire pourra être mené par Santé publique France pour affiner la pertinence et la faisabilité des schémas d’études étudiés et pressentis dans le cadre de la saisine (étude écologique et étude d’imprégnation), en analysant notamment la disponibilité et la précision des données sanitaires.
Toutefois, face à la situation sanitaire défavorable constatée sur le secteur de Saint-Nazaire, et au-delà de la réalisation éventuelle d’une étude épidémiologique, il est nécessaire de renforcer dès à présent les actions en cours portant sur différents déterminants de la santé afin d’améliorer la santé de la population de ce secteur. Ce sont par exemple les actions visant la poursuite des efforts sur la surveillance renforcée et l’amélioration de la qualité de l’air sur ce secteur, le déploiement de programmes de prévention et de promotion de la santé ou encore l’amélioration de l’accès aux soins pour la population.
La problématique de la surveillance épidémiologique autour des bassins industriels : vers une surveillance à l'échelle nationale
Santé publique France travaille actuellement sur la mise en place d’un projet de surveillance nationale pour étudier l’association entre la proximité de bassins industriels et l’état de santé des populations riveraines (étude écologique qui serait répétée dans le temps).
Ces travaux à grande échelle permettront de produire les données probantes utiles à l’amélioration de la prévention et de l’action publique sur le sujet.
