Les infections nosocomiales sont plus fréquentes en réanimation que dans les autres secteurs de soins du fait de l'état critique des patients et du caractère invasif des techniques de suppléance des fonctions vitales. La surveillance dans ces secteurs est indispensable pour quantifier le risque infectieux, surveiller son évolution et identifier des axes de prévention. En France, la surveillance en réseau des infections nosocomiales en réanimation a commencé au niveau interrégional dès 1994. Grâce à une standardisation des méthodologies de surveillance dans le cadre du Raisin (Réseau d'Alerte, d'Investigation et de Surveillance des Infections Nosocomiales), ce réseau est devenu national en 2004 et sa coordination confiée au CClin Sud-Est. Cette surveillance met l'accent sur les infections en lien avec un dispositif invasif ("device-related") pour lesquelles la démarche de prévention est prioritaire. Le taux d'incidence de ces infections rapporté à 1000 jours d'exposition au risque est l'indicateur privilégié : il permet de mesurer au mieux la fréquence de leur survenue et d'établir des comparaisons entre services. Ce rapport est le deuxième produit par REA-Raisin et concerne les données nationales françaises de 2005 de surveillance en réseau de l'incidence des infections nosocomiales en réanimation adulte. Du 1er janvier au 30 juin 2005, 151 services de réanimation en France ont participé de façon volontaire à la surveillance REA-Raisin, recueillant en continu sur une période de 6 mois des données concernant 20 632 patients hospitalisés plus de 2 jours en réanimation. Le niveau de risque infectieux doit être interprété en fonction de différents facteurs de risque pris en compte dans la surveillance, notamment ceux liés au patient : âge (âge moyen de 61,7 ans), sexe (sex-ratio H/F égal à 1,62), catégorie diagnostique (médecine 68%, chirurgie urgente 17% et chirurgie réglée 15%), caractère traumatologique (9%), immunosuppression (12%), provenance du patient (extérieur 54%, court séjour 38%, moyen et long séjour 4%, autre réanimation 3%), présence de traitements antibiotiques à l'admission (52%), score de gravité (IGS II moyen à 40,1) et enfin durée de séjour (en moyenne de 11,2 jours). La mise en place de dispositifs invasifs est aussi à considérer : intubation (60,5% de patients exposés), cathétérisme veineux central (57,6%) ou sondage urinaire (79,2%) ; l'influence de la durée d'exposition à ces dispositifs a été prise en compte. Parmi les 20 632 patients surveillés, 2 569 patients soit 12,45% ont présenté au moins une infection (pneumopathie, infection liée au cathéter veineux central (ILC), bactériémie, infection urinaire). En incluant les colonisations de CVC, la surveillance totalise 5 159 évènements nosocomiaux. Pour l'ensemble des services, les taux d'incidence observés étaient les suivants : 17,58 pneumopathies pour 1000 jours d'intubation, 5,54 colonisations pour 1000 jours de cathétérisme veineux central (ou 2,24 si l'on considère seulement les ILC), 3,32 bactériémies pour 1000 jours d'hospitalisation en réanimation et 7,88 infections urinaires pour 1000 jours de sondage. Les caractéristiques des services de réanimation étaient très hétérogènes (taille, équipement, organisation, pratiques, recrutement) ce qui explique en partie l'importante variation inter-service des taux d'incidence observés. Leur comparaison doit passer par un ajustement optimum des indicateurs basé sur l'utilisation de facteurs de risque "patients", même si leur recueil augmente la charge de travail en terme de collecte des données. Un modèle d'analyse multivariée permettant cet ajustement pour construire des ratio standardisés d'infections (rapport infections observées/attendues) facilitant les comparaisons inter-services est en cours d'étude et fera l'objet d'une publication complémentaire. Ce rapport constitue une base de référence nationale améliorant la connaissance du risque infectieux nosocomial en réanimation et permettant d'optimiser le contrôle de ce risque grâce au retour d'information des résultats aux réanimateurs. L'analyse de ces données chaque année permettra enfin d'évaluer l'impact des mesures de prévention instaurées par les services participants. (R.A.)
Auteur : Savey A, Tressieres B, Lepape A
Année de publication
: 2006
Pages : 49 p.