Incendie des entrepôts de Lubrizol et NL Logistique : résultats sur la santé mentale de la population exposée

Aujourd’hui, Santé publique France publie les résultats relatifs à la santé mentale des personnes exposées à l’incendie des entrepôts Lubrizol et NL Logistique survenu à Rouen en septembre 2019. Ces données viennent compléter les premiers résultats de l’enquête « Une étude à l’écoute de votre santé » publiés en juillet 2021.

Publié le 10 décembre 2021

Cette étude épidémiologique constitue l’un des volets du dispositif « Santé Post Incendie 76 (SPI76) » dont l’objectif est d’évaluer les conséquences sanitaires de l’accident industriel. Ce volet complémentaire confirme l’impact de l’accident sur la santé mentale (trouble de stress post-traumatique, anxiété généralisée et dépression) des populations vivant dans les zones exposées.

Ces résultats montrent également des facteurs classiquement associés à ces troubles psychologiques comme l’isolement social, le dénuement économique ou les antécédents psychologiques. Ils confirment l’importance de proposer une aide adaptée aux personnes proches du lieu de l’évènement, aux personnes économiquement défavorisées, socialement isolées ou ayant des antécédents psychologiques, en cas de futurs accidents industriels. D’ores et déjà, dans la continuité de ce qui a été fait lors de l’incendie, un accès à une aide psychologique adaptée s’avère encore pertinent à proposer en priorité dans la zone à proximité de l’accident industriel.

Des associations confirmées avec la santé mentale des personnes exposées

Les résultats publiés en juillet montraient que la perception des nuisances générées par l’incendie a eu un impact négatif sur la santé des personnes exposées, mesurée par questionnaire individuel un an après l’événement. Cette altération était principalement due à un impact sur la santé psychologique. Au moyen d’instruments de mesure psychométriques validés, le volet complémentaire de l’étude1 a permis d’évaluer précisément l’impact de l’accident sur le trouble de stress post-traumatique probable, l’anxiété généralisée probable et la dépression probable.

Les résultats obtenus montrent l’existence d’un lien entre l’exposition à l’incendie et la santé mentale des personnes exposées, ainsi :

  • 6% de la population de la zone exposée présentait un trouble de stress post-traumatique probable et attribué à l’incendie ;
  • 15% de la population de la zone exposée présentait une anxiété généralisée probable (contre 9% en zone témoin) ;
  • 18% de la population de la zone exposée présentait une dépression probable (contre 12% en zone témoin).

Au total, les résultats indiquent que 23 % des répondants de la zone exposée présentaient au moins un trouble de santé mentale, et que 5% présentaient à la fois un trouble de stress post-traumatique probable et une dépression probable.

Des troubles liés à la proximité de l’accident et à la nature de l’exposition

La prévalence des troubles psychologiques était plus élevée à proximité du lieu de l’incendie. En effet, la population située dans un périmètre de 1500 mètres autour des installations incendiées était celle qui présentait les prévalences les plus élevées pour les trois troubles par rapport à celle vivant à plus de 1500 mètres :

  • 13% de trouble de stress post-traumatique probable (contre 5% chez les habitants plus éloignés) ;
  • 24% d’anxiété généralisée probable (contre 14% chez les habitants plus éloignés) ;
  • 29% de dépression probable (contre 17% chez les habitants plus éloignés).

Les troubles de santé mentale identifiés chez les personnes exposées sont associés à des facteurs en lien avec l’incendie. En effet, le fait d’avoir entendu ou été réveillé par l’incendie était lié à la survenue d’un trouble de stress post-traumatique probable et à une prévalence plus élevée d’anxiété généralisée probable. L’exposition aux odeurs et aux débris de toiture en fibrociment était quant à elle associée à une prévalence plus importante de dépression probable.

L’étude montre d’autres facteurs associés à ces troubles psychologiques, décrits également dans les travaux épidémiologiques du même type. Ainsi, l’isolement social était associé aux trois troubles psychologiques étudiés ; l’existence d’antécédents de prise en charge psychologique à la dépression probable; les difficultés financières au trouble de stress post-traumatique probable; l’anxiété généralisée probable était plus souvent retrouvée chez les femmes. Par ailleurs, le fait d’avoir un lien professionnel avec l’une ou l’autre entreprise incendiée était également associé à un stress post-traumatique probable.

Un renforcement de l’offre de prise en charge psychologique déployée envers les riverains immédiats de l’accident

Compte tenu des résultats de cette étude en santé mentale, qui confirme la pertinence de la prise en charge psychologique déployée immédiatement après l’incendie, il apparaît utile de renforcer encore la facilité d’accès à une aide psychologique des habitants de la zone située à proximité de l’accident industriel.

L’enjeu de la santé mentale, identifié dès la survenue de l’incendie, avait conduit à la mise en place immédiate d’un soutien psychologique d’urgence à la population concernée. L’ARS Normandie, en coordination avec la préfecture, avait ainsi très rapidement mobilisé des bénévoles de la cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP) et des bénévoles de la Croix-Rouge. Une cellule de soutien psychologique a ainsi été proposée dès le 2 octobre 2019 permettant l’accueil de près de 50 personnes par une équipe de psychiatres, psychologues et infirmiers avec l’appui de la Croix Rouge, dans un centre municipal de Rouen. A la fermeture de la cellule, le 11 octobre de la même année, les personnes nécessitant un soutien psychologique ont ensuite été orientées vers leur médecin traitant, lequel est invité le cas échéant à adresser le patient vers les services spécialisés suivants :

  • sur l’agglomération de Rouen : vers le CASP (Centre d’Accueil et de Soins Psychiatriques), les urgences du CHU et l’UNACOR (Unité d’Accueil et d’Orientation) au CH du Rouvray
  • et hors agglomérations : vers les CMP (Centre Médico-Psychologique) adultes ou enfants les plus proches du domicile.

Sur la base du rapport de Santé publique France sur les signaux d’impact dans la durée pour la santé mentale d’une partie de la population concernée, l’ARS Normandie poursuit la facilitation de l’accès aux soins psychologiques des personnes concernées dans la durée. Des échanges avec l’Union Régionale des Médecins Libéraux, le Conseil départemental de l’ordre des médecins et le CH du Rouvray pour les CMP du territoire, en lien avec la commission spécialisée en santé mentale du conseil territorial de santé, vont se poursuivre afin de renforcer le dispositif préexistant dans deux directions :

  • La sensibilisation spécifique des médecins généralistes de la zone sur le psycho-trauma et les troubles anxiodépressifs, afin de les doter d’outils et de les accompagner dans la prise en charge de leurs patients
  • L’organisation d’un circuit facilité d’accès aux CMP du CH du Rouvray après une première évaluation par le médecin traitant

Importance de l’anticipation de futurs accidents

Ces résultats mettent en évidence l’impact de l’incendie des entrepôts Lubrizol et NL Logistique sur la santé mentale des populations exposées. En complément de ce qui avait été proposé à la population après l’incendie, ils renforcent ainsi le besoin de mettre en place des dispositifs de préparation dans l’éventualité de futurs accidents et de porter une attention particulière aux habitants proches du lieu de l’évènement, aux personnes économiquement défavorisées, socialement isolées ou ayant des antécédents de prise en charge psychologique ou d’évènement potentiellement traumatique. En anticipation, une aide psychologique adaptée pourrait être renforcée. Par ailleurs, des centres d’accueil et d’information pourraient être mis en place pour répondre aux demandes des habitants de la région. Ceci permettrait d’éviter le sentiment d’isolement des habitants face à leurs questionnements en rapport avec un accident industriel.

Enfin, il est important de souligner que ces troubles peuvent perdurer plusieurs années après l’accident industriel. La surveillance épidémiologique sur le long terme à partir des analyses du Système National des Données de Santé (SNDS) permettra d’apporter des informations sur les remboursements de soins ambulatoires et certaines maladies en cas d’hospitalisation et ainsi de réaliser un suivi, à moyen et long termes, de la santé des répondants à cette enquête, mais également de l’ensemble des personnes habitant dans la zone concernée.

1 Etude réalisée auprès d’un échantillon représentatif de la population de 1 968 personnes, soit 20% de l’échantillon initial tiré au sort par l’Insee, se répartissant en 341 répondants de la zone témoin, et 1627 personnes de la zone exposée.

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