Foire aux questions

Questions-réponses sur l'étude de santé et de qualité de vie après l’accident industriel de Rouen du 26 septembre 2019 : 'une étude à l'écoute de votre santé' et le dispositif Santé Post incendie 76

Publié le 23 octobre 2020
Dans cet article

Le dispositif global

A quoi le dispositif Santé Post Incendie 76 va-t-il servir, quelle est sa finalité ?

Le dispositif d’études scientifiques « Santé Post Incendie 76 » a pour objectif d’évaluer l’impact global sur la santé, à court moyen et long termes, des personnes exposées à cet accident industriel de grande ampleur. Il comprend quatre composantes :

  1. Une étude de santé par sondage en population, intitulée « Une étude à l’écoute de votre santé » 
  2. La surveillance régulière, pendant plusieurs années, d’indicateurs de santé de la population avec les données médicales et administratives du Système national des données de santé (SNDS)
  3. Un état de la situation sanitaire des travailleurs exposés à l’incendie et ses rejets 
  4. L'analyse de la pertinence et de la faisabilité de rechercher et mesurer, dans l’organisme des personnes exposées, des substances chimiques qui ont été dispersées par l'incendie, en regard des résultats du diagnostic de pollution environnementale liée à l’incendie

Sa finalité est de permettre aux autorités publiques de prendre des mesures sanitaires, si elles sont nécessaires, et adapter au mieux la gestion de futurs accidents industriels. 

Pourquoi avez-vous mis presque 2 ans pour réaliser ces études ?

Mener à bien une bonne expertise prend du temps.
Le contexte de l’épidémie Covid-19 a compliqué et freiné la mise en place de l’analyse, les équipes de Santé publique France étant particulièrement mobilisées dans la gestion de cette crise sanitaire, de même que plusieurs des membres du Gast qui sont des cliniciens/cliniciennes.

Nous avons reçu tardivement certaines données notamment du fait aussi de la crise de la Covid-19. 
Une surveillance médicale et biologique a été mise en place par les Services de Santé au Travail des entreprises et institutions publiques concernées. Elle portait notamment sur un suivi à 1 mois et 6 mois. Ce suivi a pris du retard du fait de la Covid-19. 

L'enquête de santé

Fonder une étude sur ce que les gens perçoivent de leur santé, est-ce scientifiquement valide ?

Les informations issues de l’interrogation des personnes sur la perception de leur santé sont fiables lorsqu’elles sont collectées et analysées selon des méthodes rigoureuses, comme c’est le cas dans notre étude qui utilise, notamment, un questionnaire normalisé et validé : le SF-12. 

La communauté scientifique internationale reconnait la validité de la mesure de la santé perçue, par questionnaire, car sa corrélation est démontrée avec les indicateurs de mortalité et de morbidité obtenus à partir des dossiers hospitaliers et des données enregistrées dans les bases médico-administratives. La mesure de la santé « déclarée » ou « perçue » par les personnes concernées fournit donc une information pertinente et scientifiquement valide sur l’état de santé d’une population. 

De plus, les données recueillies en interrogeant les personnes sur les symptômes qu’elles ont ressentis pendant l’incendie sont de même nature que les informations obtenues par un professionnel de santé lorsqu’il interroge ses patients au cours d’une consultation. 

Santé publique France va-t-elle analyser des données médicales pour évaluer l’impact sanitaire de l’accident industriel ?

Oui, car l’enquête de santé et de qualité de vie ne peut pas répondre à toutes les questions qui se posent sur l’impact sanitaire potentiel de l’incendie des entrepôts de Lubrizol et NL Logistique. C’est pourquoi Santé publique France met en place plusieurs études complémentaires avec le dispositif Santé Post Incendie 76.  

Ce dispositif d’études scientifiques comprend une surveillance épidémiologique à moyen et long termes, soit pendant une dizaine d’années voire plus, de la « cohorte » constituée par les 340 000 personnes vivant dans 122 communes de Seine-Maritime concernées par l’incendie. Pour ce faire, nous allons exploiter les données médicales et administratives du Système national des données de santé (SNDS), qui intègre toutes les données de remboursement de soins par l’Assurance maladie (médicaments et examens complémentaires, consultations de médecins et autres professionnels de santé), les données hospitalières du Programme de médicalisation du système d’information (PMSI) et les données du registre des décès (CepiDC).

Toutes ces données sont enregistrées en continu et sont d’ores et déjà stockées dans la base du SNDS. Leur exploitation, même différée par rapport à la date de l’accident industriel, ne fera perdre aucune information sur l’état de santé de la population avant et après l’incendie.

Elles vont permettre d’analyser et de suivre l’évolution dans le temps d’indicateurs de santé sur la grossesse et la périnatalité, la fréquence de certains cancers et de maladies chroniques, les hospitalisations, les causes de décès, etc.

Pourquoi mener cette enquête sur un échantillon plutôt que sur l’ensemble de la population ?

La population de Seine-Maritime potentiellement exposée à l’accident compte environ 340 000 personnes : elle est trop nombreuse pour être interrogée dans son ensemble au cours de l’enquête « Une étude à l’écoute de votre santé ». 

C’est pourquoi nous collectons les données sur un échantillon représentatif de cette population ; nous procédons de la même manière pour la population témoin. En langage épidémiologique, il s’agit d’une enquête par sondage en population. 

Les échantillons de population sont constitués par tirage au sort, dans une base de données de l’Insee (Fidéli), afin qu’ils soient statistiquement représentatifs des populations desquelles ils sont issus. Ainsi, les résultats observés par l’étude pourront être généralisés à l’ensemble de la population de la zone d’étude et de la zone témoin, ce qui est un des grands avantages de cette enquête épidémiologique. 

La surveillance des indicateurs de santé, sur plusieurs années, qui va être réalisée à partir des données médicales et administratives du Système national des données de santé (SNDS), portera sur l’ensemble des 340 000 habitants de la zone d’étude de Seine-Maritime.

L’étude s’intéresse-t-elle aux femmes enceintes ou allaitantes ?

Oui, et cela correspondait à une attente forte de la population. Des questions concernaient spécifiquement la grossesse et l’allaitement. 

Cependant, comme on pouvait s’y attendre, le nombre de personnes concernées s’est avéré faible car l’enquête a été menée en population générale. Ainsi, seules 39 femmes de l’échantillon de la zone exposée ont déclaré être en période d’allaitement quand l’accident s’est produit, ce qui n’a pas permis d’obtenir des estimations fiables à leur sujet. Une enquête menée sur un échantillon de la population générale n’est pas appropriée, au plan méthodologique, pour décrire un groupe spécifique et peu nombreux de la population. 

Un suivi épidémiologique des issues de grossesse et d’autres indicateurs de périnatalité, à partir des données du Système national des données de santé (SNDS), va être organisé afin d’identifier un éventuel impact de l’incendie industriel dans ce groupe de personnes. Ces travaux s’intègrent dans le volet du dispositif Santé Post Incendie 76 qui porte sur la surveillance à moyen et long termes de l’état de santé de la population exposée. 

Les Gens du voyage, qui résident autour de Rouen, ont-ils pris en compte dans votre étude ? Quels sont les résultats les concernant ?

Oui, nous avons inclus dans l’étude les Gens du voyage qui résidaient sur l’aire de Petit-Quevilly au moment de l’incendie, comme tous les habitants de la zone située à moins de 700 mètres du lieu du sinistre. L’administration du questionnaire, à raison d’un adulte et d’un enfant tiré au sort par ménage, a été rendue possible grâce à la collaboration de l’association Relais-Accueil des Gens du voyage. 

Nous ne pouvons pas diffuser les résultats pour les Gens du voyage. Les données de l’étude sont rendues anonymes avant d’être regroupées et traitées statistiquement par Santé publique France. De plus, les règles de respect de l’anonymat des personnes ne permettent pas de publier des résultats qui portent sur un petit nombre de personnes comme dans leur cas. 

L’étude de santé déclarée est conduite selon une approche participative, en quoi consiste-t-elle ?

Cette étude a été élaborée selon un processus collaboratif, associé à une démarche scientifique, avec plusieurs dimensions : consultation, concertation co-construction, information. L’objectif est double :

  • respecter les bonnes pratiques épidémiologiques,
  • répondre aux préoccupations et attentes de la population concernée, dans un esprit d’ouverture à la société civile. 

Un « Groupe Santé » a été constitué par Santé publique France au niveau local, en janvier 2020, avec des membres du Comité de transparence et de dialogue mis en place à Rouen par le préfet de Seine-Maritime. Il comporte des représentants des professionnels de santé libéraux et hospitaliers, des élus et des parlementaires, un représentant de la Métropole, des associations (Rouen Respire, France Asso santé Normandie, UFC Que choisir). 

Depuis sa création, le Groupe Santé a été associé à toutes les étapes d’élaboration de l’étude : élaboration du questionnaire, définition de la zone d’étude, choix de la zone témoin, rédaction des supports de communication au public et aux personnes relais, interprétation des résultats. Plusieurs modules du questionnaire d’enquête ont été co-construits avec les membres du Groupe Santé pour qu’il soit au plus près de ce qu’il s’est passé lors de l’incendie et les jours suivants et pour répondre aux attentes et préoccupations locales. 

En pratique, la mise en œuvre de cette approche participative représente une réunion mensuelle du Groupe Santé avec l’équipe de Santé publique France (y compris pendant la période de confinement), de multiples échanges par mail, la relecture de nombreux documents, etc.

La volonté de Santé publique France de faire participer la population et de prendre en compte dans le questionnaire ses principaux sujets d’intérêt s’est également concrétisée par la réalisation d’une pré-enquête qualitative, au mois de février 2020, auprès des maires, des professionnels de santé et d’habitants de quatre communes touchées par l’incendie.

Pourquoi l’étude a-t-elle été si longue à mettre en place ?

Deux principes d’action essentiels ont fait que l’élaboration de l’étude a demandé plusieurs mois de travail aux équipes de Santé publique France :

  • la recherche de la meilleure qualité scientifique, statistique et épidémiologique, pour assurer la qualité et la validité de nos résultats,
  • la mise en place d’une approche participative, avec des représentants de la population concernée, afin de répondre aux préoccupations et attentes locales.

De plus, le contexte de l’épidémie Covid-19 a compliqué et freiné la mise en place de l’étude, les équipes de Santé publique France étant particulièrement mobilisées dans la gestion de cette crise sanitaire, de même que plusieurs des partenaires impliqués dans la réalisation de « Une étude à l’écoute de votre santé ».

Une pré-enquête a été réalisée, dans quels objectifs ?

Ce travail préparatoire a contribué à prendre en compte, dans le questionnaire d’enquête, les principaux sujets d’inquiétude et attentes de la population. 

La pré-enquête a été réalisée en février 2020 dans quatre communes touchées par l’incendie et représentant des situations contrastées en termes de localisation géographique, d’exposition à l’accident et de statut socio-économique : Petit-Quevilly, Bois-Guillaume, Préaux et Buchy. 

Des entretiens individuels ont été réalisés avec les maires, des professionnels de santé (médecin généraliste, pharmacien d’officine, sage-femme, infirmière libérale, etc.), ainsi que des entretiens en groupes avec les habitants des 4 communes. L’objectif était de collecter des informations sur le vécu de l’accident et de ses suites, les symptômes ressentis, les préoccupations en termes d’impact sur la santé et les attentes face à ce type d’événement.

En pratique, comment se déroule l’étude et selon quel calendrier ?

Les personnes tirées au sort par l’Insee ont été destinataires d’un courrier et de documents expliquant les objectifs et la méthode de l’étude, ses modalités de participation ; un code secret a été fourni à chacune d’elles pour accéder et répondre au questionnaire sur internet. Un site internet et un numéro vert dédiés à l’étude ont été mis en place à leur attention.

Les données ont été collectées par questionnaire auprès des personnes tirées au sort et ayant accepté de participer à l’étude. Leur recueil a été réalisé en septembre et octobre 2020 pour le volet principal du questionnaire et en novembre et décembre 2020 pour le volet complémentaire sur la santé mentale. Il a été confié à la société Ipsos, spécialisée dans les enquêtes en population, qui l’a mis en œuvre selon le protocole d’étude de Santé publique France. Le questionnaire d’enquête pouvait être rempli sur internet ou par téléphone avec un enquêteur Ipsos.

Les données recueillies ont été transmises, enregistrées et analysées par Santé publique France de manière totalement anonyme. Conformément à la loi, les personnes interrogées bénéficient du droits d’accès, d’opposition, de rectification, de suppression et de limitation du traitement pour les données les concernant ou concernant leur enfant.

Peut-on obtenir le questionnaire d’enquête ?

Oui, le questionnaire complet de l’étude est disponible sur le site internet de Santé publique France. Le protocole de l’étude est également mis en ligne.

Comment se renseigner sur cette étude ?

Il est possible d’obtenir des informations complémentaires : 

Des questions peuvent également être posées sur la boîte contact du site internet dédié à l’étude : contact@sante-post-incendie-76.fr

Comment avez-vous analysé les données recueillies par questionnaire ?

L’analyse des données a comporté deux grandes étapes :

  • La première étape était descriptive : elle a permis de fournir les caractéristiques de l’échantillon (âge, genre, profession, etc.) et de vérifier qu’il était bien représentatif de la population d’étude, de calculer les pourcentages de personnes ayant rapporté une exposition à chaque nuisance générée par l’incendie et les proportions de personnes qui ont ressenti un ou plusieurs problèmes de santé pendant ou dans les suites de l’incendie (en distinguant chaque symptôme et les soins éventuellement reçus), enfin de décrire la santé perçue par la population, dans sa dimension physique et mentale, mesurée un an après cet accident industriel. 
  • La seconde étape était analytique : des modélisations statistiques ont été réalisées pour étudier la relation entre les expositions perçues à l’incendie et, d’une part, les symptômes ressentis pendant l’accident industriel, et, d’autre part, la santé physique et la santé mentale telle que les personnes la percevaient un an après. Ces analyses multivariées ont été ajustées sur les facteurs connus pour influencer l’état de santé (âge, sexe, indice de masse corporelle, niveau de diplôme, niveau de revenu financier, tabac, alcool, etc.) dont fait partie l’épidémie COVID-19 qui a été prise en compte dans les modèles statistiques. 

La réalisation de cette étape analytique a nécessité plusieurs mois car elle est complexe au plan méthodologique et nous disposions de beaucoup de données collectées chez un grand nombre de personnes. Toutes les données de l’étude ont été analysées, sauf celles du volet complémentaire consacré à la santé mentale qui seront traitées dans les mois à venir. 

D’autres enquêtes par questionnaire ayant déjà été faites, qu’est-ce que cette étude apporte de nouveau ?

« Une étude à l’écoute de votre santé » a contribué à évaluer de manière rigoureuse l’impact de l’incendie sur la santé de la population, à court et moyen termes : expositions perçues aux nuisances et pollutions de l’accident, symptômes et troubles de santé ressentis pendant l’incendie, état de santé  un an après l’accident industriel. Au plan scientifique, cette étude épidémiologique possède plusieurs atouts :

  • une méthode statistique de qualité permettant de refléter la diversité des caractéristiques des personnes touchées par cet incendie et de produire des résultats généralisables à l’ensemble de la population de 122 communes de Seine-Maritime concernées par l’accident, qui compte 340 000 personnes ;
  • des questionnaires standardisés, en particulier pour mesurer l’état de santé perçu des personnes un an après l’accident (le SF-12), dont la validité scientifique est reconnue ;
  • la collecte de données de santé qui n’existent dans aucune autre source d’informations sanitaires : ses résultats complètent ainsi l’information apportée par la surveillance post-accidentelle immédiate mise en place par Santé publique France, au cours du mois qui a suivi l’incendie, à partir des services d’urgences hospitaliers et de SOS Médecins ;
  • la conduite un an après l’accident industriel : ce recul a rendu possible la mesure d’événements de santé ayant pu persister ou survenir à distance de l’évènement, notamment une altération de la santé mentale, et d’évaluer l’impact de l’incendie à moyen terme ;
  • la réalisation dans une population témoin afin de faciliter l’interprétation des résultats obtenus par l’étude pour évaluer l’impact sanitaire de l’accident un an après sa survenue.

Un an après l’accident, les gens n’ont-ils pas oublié ce qu’ils ont ressenti ou fait au moment de l’accident industriel ?

La littérature scientifique et les échanges avec le Groupe Santé montrent que les personnes conservent longtemps des souvenirs précis d’un évènement aussi marquant. Nous avons pu observer, lors du test du questionnaire réalisé en juillet 2020 avec Ipsos, que moins de 10% des personnes interrogées (3/40) ont répondu oui à la question « Avez-vous rencontré des difficultés pour répondre à certaines questions car elles concernent un événement survenu il y a trop longtemps ? ». 

Il existe cependant un biais de mémoire potentiel qui a pu faire sous-estimer, ou au contraire majorer, l’évaluation de l’impact de l’accident sur la santé des personnes exposées. Ce biais concerne surtout la mesure de la relation entre la perception des expositions et les symptômes ressentis pendant l’accident, car la santé perçue un an après l’incendie a été mesurée par un instrument (le questionnaire SF-12) qui interroge sur les quatre semaines précédant l’enquête. 

Un an après l’accident, une telle enquête est-elle encore utile ?

Oui. Malgré ce délai de mise en œuvre, cette enquête épidémiologique apporte des informations uniques sur la nature de l’exposition perçue aux nuisances et pollutions générées par l’incendie et sur ses conséquences immédiates sur la santé, ainsi que sur l’état de santé et la qualité de vie, une année après l’événement, des personnes exposées. 

Les informations qu’elle apporte : 

  • complètent les données produites en période post-accidentelle immédiate par la Cellule régionale de Santé publique France et par d’autres organismes : Agence régionale de santé, Services d’urgences de Rouen, Centres anti poison, Atmo Normandie, etc,
  • soulignent l’intérêt de mettre en place un suivi épidémiologique de l’état de santé de la population à moyen et long termes et orientent le choix des indicateurs de santé à surveiller.    

Les résultats de l’étude permettent de faire des premières propositions d’actions visant à améliorer la gestion des conséquences de l’accident sur la santé et la préparation de la réponse à de futurs accidents industriels.

Dans le contexte actuel de la COVID-19, une telle enquête était-elle encore utile ? Est-ce encore une priorité de la population ?

Oui. Même si l’impact de l’épidémie COVID-19 et du confinement est indiscutable, sur la santé physique comme sur la santé psychologique, il était essentiel d’évaluer précisément l’impact sanitaire de l’accident industriel du 26 septembre 2019 et de répondre aux préoccupations et interrogations de la population exposée. 

Les échanges avec le Groupe Santé et la couverture médiatique de l’événement montrent que cet accident industriel et son impact sur la santé de la population exposée restent des sujets d’actualité qui nourrissent encore le débat public. 

La population est inquiète par les effets à long terme sur la santé. Est-ce que cette enquête peut y répondre ?

Non, car l’étude porte sur les effets sanitaires de l’incendie à court et moyen termes. 

Toutefois, ses résultats montrent un effet à moyen terme sur la santé globale, en lien avec une dégradation de la santé mentale, qui pourrait perdurer. Ils justifient l’intérêt d’une surveillance épidémiologique sur le moyen et le long terme, qui va être mise en place par Santé publique France, et permettent d’orienter le choix de certains des indicateurs de santé qui vont être suivis. 

Quels sont les moyens humains mobilisés par Santé publique France pour réaliser cette étude ?

Malgré sa très forte implication sur l’épidémie COVID-19, Santé publique France a considéré que l’évaluation de l’impact sanitaire de l’accident industriel de Rouen était une priorité, justifiant la mobilisation d’une partie de son personnel.

L’équipe en charge de l’étude est constituée de plusieurs statisticiens et épidémiologistes (spécialisés en santé mentale, santé environnementale, santé post-catastrophe), de deux médecins de santé publique, d’un spécialiste des enquêtes en population. Ces personnels sont basés à la Cellule régionale de Normandie et au siège de Santé publique France. 

Elle bénéficie d’un appui et des conseils de personnalités extérieures à Santé publique France : les membres du Groupe Santé, les experts du Comité d’appui thématique et, plus ponctuellement, des spécialistes de l’Insee et de la Drees. 

Entre le jour de l’accident industriel et le lancement de l’étude, que s‘est-il passé ?

Santé publique France s’est mobilisée le jour-même de l’accident industriel de Rouen, le 26 septembre 2019. La surveillance épidémiologique des effets aigus ayant motivé une consultation aux urgences ou de SOS Médecins a été mise en place le jour de l’accident et poursuivie pendant un mois (en savoir plus sur l’action immédiate mise en place).

  • Octobre 2019 : Santé publique France a été saisie par la Direction générale de la santé pour réaliser le suivi sanitaire de l’incendie. Depuis, un travail a été engagé sur la réponse épidémiologique globale à apporter, qui s’est concrétisé par le dispositif "Santé Post Incendie 76".
  • Décembre 2019 : démarrage de l’élaboration de l’étude en concertation étroite avec le Groupe Santé, à partir de janvier 2020, et avec l’appui scientifique du Comité d’appui thématique depuis le mois de mars. 
  • 1er semestre 2020 : rédaction du protocole d’étude, réalisation d’une pré-enquête dans 4 communes, conception et test du questionnaire, obtention de l’avis favorable du Comité du label de la statistique publique, préparation logistique de l’enquête, élaboration des supports d’information sur l’étude. Ces travaux ont été faits en lien avec le Groupe Santé de Rouen et, au niveau national, avec le Comité d’appui thématique.
  • 2e semestre 2020 : collecte des données de l’étude, préparation et traitement d’aval des données.
  • 1er semestre 2021 : analyses statistiques des données, interprétation des résultats avec le Groupe Santé et le Comité d’appui thématique, rédaction du rapport principal de l’étude, présentation des résultats au Comité de Transparence et de Dialogue le 5 juillet à Rouen, diffusion du rapport et d’une infographie des principaux résultats sur le site internet de Santé publique France. 

Les trois autres volets du dispositif « Santé Post Incendie 76 » ont également fait l’objet de rapports et de synthèses qui sont publiés sur le site internet de Santé publique France.

A quelles substances les odeurs sont-elles dues ? Quels sont les effets des odeurs sur la santé des personnes qui les ont ressenties ?

L’incendie des entrepôts de Lubrizol et NL Logistique et les travaux de réhabilitation qui ont suivi ont répandu autour du site des odeurs liées à la diffusion aérienne de substances qui étaient stockées sur le site et de sous-produits de combustion. Selon Atmo Normandie, les composés soufrés identifiés dans les analyses de certains prélèvements d’air ambiant (tels que le butyl-mercaptan, des sulfures et disulfures) ont sans doute contribué aux perceptions olfactives à type d’hydrocarbure et de soufre. Les odeurs de type « alkyls / aromatiques » qui ont été ressenties seraient en grande partie dues aux produits chimiques qui ont été utilisés pour tenter de masquer les odeurs émises. 

La question des effets sanitaires entrainés par la perception d’odeurs désagréables doit être distinguée de la question de la toxicité éventuelle des substances chimiques responsables du stimulus olfactif. En effet, une perception olfactive gênante peut induire des effets néfastes sur la santé selon des mécanismes pathologiques (stress psychologique et somatisation, intolérance liée à des évènements passés) qui sont différents de ceux mis en jeu par la toxicité chimique de la molécule sur l’organisme.

Les 6 124 signalements reçus par l’association Atmo Normandie jusqu’en septembre 2020 ont permis de décrire les odeurs générées par l’incendie et de renseigner les effets sanitaires déclarés comme étant associés à leur perception : il s’agissait principalement de maux de tête, de nausées et picotements/irritations de la gorge et des narines. 

L’enquête « Un étude à l’écoute de votre santé » a montré qu’une très grande partie (86%) des habitants des 122 communes de Seine-Maritime incluses dans l’étude a senti des odeurs liées à l’incendie. Cette perception olfactive a duré plusieurs semaines ou mois pour 20 à 30% des personnes interrogées et persistait encore au moment du recueil des données, un an après l’accident. Les analyses statistiques ont montré une association entre la perception des odeurs et le risque d’avoir ressenti au moins un symptôme pendant l’incendie et ses suites, ce lien statistique étant particulièrement marqué pour les signes oto-rhino-laryngologiques (picotements ou brûlure des narines, de la gorge ou de la langue) et les maux de tête. Plus la perception d’odeurs a été de longue durée et plus la probabilité d’avoir un symptôme était grande. Par ailleurs, le fait d’avoir ressenti pendant longtemps des odeurs de l’incendie est lié à une altération de la santé globale et de la santé mentale des personnes, mesurées un an après. Les données du volet complémentaire de cette étude, consacré à la santé mentale, permettront d’analyser le lien entre la perception d’odeurs et l’anxiété ou la dépression. 

Quels sont les principaux résultats de "une étude à l'écoute de votre santé" ?

Plus de 90% de la population étudiée, qui regroupe 340 000 personnes, déclare avoir perçu au moins une exposition à l’accident industriel du 26 septembre 2019. La perception d’odeurs est l’exposition la plus rapportée (86%) et a souvent été vécue comme gênante ou très gênante.

Au moment de l’incendie et dans ses suites, deux-tiers des adultes ont déclaré avoir ressenti au moins un symptôme ou problème de santé qu’ils attribuent à l’accident industriel. Il s’agissait principalement de symptômes psychologiques (nervosité, stress, anxiété, angoisse, panique), oto-rhino-laryngologiques (picotement des narines, de la gorge, écoulement et obstruction nasale), généraux (mal de tête, malaise, fatigue), oculaires (larmoiement, rougeur conjonctivale) ou respiratoires (toux, essoufflement, plus rarement crise d’asthme). Près de 20% des personnes ayant déclaré avoir une maladie chronique ont mentionné une aggravation de celle-ci en lien avec l’accident. La fréquence des symptômes rapportés était plus élevée chez les personnes résidant à moins de 1500 mètres du lieu du sinistre que chez les habitants plus éloignés. Environ 17% des adultes symptomatiques déclaraient avoir eu recours au système de soins, pour l’essentiel en consultant un médecin généraliste, et 19% à l’automédication. La probabilité de déclarer au moins un symptôme augmentait de manière régulière avec le nombre de nuisances et pollutions ressenties (odeurs, panache de fumées noires, dépôts de suie, avoir été réveillé ou entendu les bruits de l’incendie). La perception d’odeurs était le facteur le plus associé au fait d’avoir ressenti au moins un symptôme.

Selon les parents inclus dans l’étude, 60% des enfants ont présenté ou aggravé, pendant ou après l’accident, au moins un trouble de santé qu’ils attribuent à l’accident. Les symptômes les plus fréquents relèvent de la sphère oto-rhino-laryngologique et oculaire. Des signes psychologiques sont cités pour un tiers des enfants et des troubles du sommeil pour un enfant sur dix. Les parents rapportaient que 13% des enfants symptomatiques ont bénéficié d’une consultation médicale, et dans 9% des cas ont reçu une automédication.

Un an après l'accident, la santé perçue des personnes exposées à l’accident est moins bonne que celles des personnes non exposées, ce qui est principalement en lien avec une diminution de leur score de santé mentale. Cette altération de la santé perçue est observée chez les personnes qui ont ressenti plusieurs nuisances et pollutions accidentelles et chez celles qui ont perçu longtemps les odeurs.
D’autres résultats de l’étude vont être présentés, avant la fin de l’année. Ils porteront sur la santé mentale des personnes exposées, et plus spécifiquement sur l’anxiété, la dépression et le stress post-traumatique.

Les résultats de « Une étude à l’écoute de votre santé » conduisent-ils à des recommandations ?

Les observations et résultats de l’étude permettent de faire des premières propositions d’action visant à améliorer la préparation de la réponse sanitaire à de futurs accidents industriels. Parmi celles-ci,

  • l’organisation anticipée d’un système de surveillance et d’information à déclencher en cas d’accident, impliquant les professionnels de santé (médecins libéraux, pharmaciens et autres acteurs de la santé et du secteur médico-social) mais également la population, permettrait de mesurer en temps réel l’impact sanitaire de l’évènement et de recueillir les inquiétudes, besoins et attentes des habitants de la zone sinistrée. 
  • la formation des professionnels de santé (hospitaliers et libéraux) sur les expositions possibles en cas d’accident industriel, les effets attendus sur la santé physique et mentale de la population concernée et leurs modalités de prise en charge. 

L’expérience acquise avec cet accident industriel doit permettre de développer des stratégies pour rendre possible la réalisation d’une étude de santé en population peu de temps après un accident industriel (questionnaire standard, protocole simplifié de sondage aléatoire en population, …), et ainsi limiter les biais de mémorisation et les délais de production de données sur son impact sanitaire.

Quelles sont les points forts et les limites de « Une étude à l’écoute de votre santé » ?

Les points forts

Il s'agit de la première étude ayant été conduite en population générale après l’accident industriel. Elle a été réalisée par questionnaire auprès d’un échantillon représentatif de la population exposée qui a été sélectionné de manière très rigoureuse. L’étude a été co-construite avec des acteurs locaux, réunis dans le Groupe Santé, pour mieux l’adapter à ce qui a été perçu localement et répondre à certains questionnements de la population sur les conséquences sanitaires de l’incendie. 
L’étude présente une description détaillée des expositions perçues, des symptômes ressentis, des recours aux soins et des comportements adoptés pendant et après l’accident. Elle a également évalué la santé de la population, un an après l’évènement, avec un instrument de mesure psychométrique validé par la communauté scientifique internationale (le SF-12). 

Les modèles statistiques mis en œuvre pour analyser les relations entre exposition et santé perçues ont été ajustés sur de nombreux facteurs, incluant les effets de l’épidémie Covid-19.

Les limites

Cette étude est une enquête dite transversale, réalisée à un moment donné, ce qui ne permet pas de contrôler la temporalité entre les événements considérés (exposition et santé) ni d’exclure que les relations observées soient bidirectionnelles, c’est-à-dire pouvant être liées à l’exposition mais également induites dans certains cas par l’état de santé initial de la personne interrogée. 

Le délai d’un an qui s’est écoulé entre l’accident industriel et la réalisation de l’étude (en septembre et octobre 2020) pourrait être à l’origine d’un biais de mémorisation susceptible de faire sous-estimer ou surestimer la relation entre les expositions perçues et les symptômes ressentis pendant l’incendie. Ce biais potentiel ne concerne pas l’analyse de la santé perçue mesurée un an après l’incendie, qui a été réalisée avec le questionnaire SF-12, car cet instrument de mesure de la santé s’intéresse à l’état de santé dans les quatre semaines qui précèdent la participation à l’étude. 

Qu’appelez-vous « santé mentale » ? Et quelle est la part de l’épidémie COVID-19 dans tout ça ?

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé mentale est définie comme « un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté ». Les pays européens (Commission européenne de l’Union européenne et Conférence ministérielle européenne de l’OMS) présentent deux aspects de la santé mentale. D’une part, la santé mentale « positive » qui relève de l’autonomie, du bien-être et de l’épanouissement personnel et, d’autre part, la santé mentale « négative » qui concerne la détresse psychologique réactionnelle et les affections psychiatriques.

Dans notre étude, la santé mentale des participants, une année après l’accident industriel, a été évaluée grâce au score MCS (Mental Component Summary) de la version en 12 items du Medical Outcomes Study Short Form Health Survey (MOS SF-12 ou SF-12). Il s’agit d’un outil de mesure psychométrique, traduit en français, qui est scientifiquement validé. Un volet complémentaire du questionnaire d’étude est dédié à la santé mentale. Portant sur l’anxiété généralisée, la dépression et le stress post-traumatique, ses résultats seront présentés ultérieurement. 

Compte tenu des effets documentés de la pandémie COVID-19 sur la santé mentale, trois questions relatives à l’épidémie virale ont été introduites dans le questionnaire. Ceci a permis l’ajustement des modèles statistiques sur ces facteurs. De plus, notre étude a intégré une population témoin, qui n’a pas vécu l’accident industriel, permettant ainsi d’évaluer l’impact de l’incendie la santé mentale de la population exposée en tenant compte de l’éventuel effet de la COVID-19. 

Les enfants et adultes exposés aux fumées et retombées de l'incendie vont-ils bénéficier d'un suivi médical dans les années à venir ?

Cette décision relève du médecin traitant des personnes concernées. Un médecin doit être consulté au cas où les symptômes persistent ; il pourra décider du suivi le plus adapté à l’état de santé de ses patients.

Les symptômes et évènements de santé déclarés sont-ils graves et peuvent-ils faire présager une altération à plus long terme de la santé ?

Un grand nombre des symptômes ressentis par les personnes exposées, pendant et après l’incendie, sont de type irritatif (picotement des narines, rougeur des yeux et larmoiement, …) et apparaissent a priori comme bénins. Toutefois, certains des événements de santé qui ont été mentionnés, tels qu’une crise d’asthme ou l’aggravation d’une maladie chronique, peuvent être potentiellement graves. 

Par ailleurs, nos résultats montrent une certaine durabilité des troubles du sommeil et des signes psychologiques qui ont été rapportés, ainsi qu’une altération de la santé mentale mesurée un an après l’accident. Ces observations peuvent faire présager un impact à plus long terme sur la santé des personnes exposées, et justifient une surveillance épidémiologique à moyen et long termes pour suivre l’évolution dans le temps d’indicateurs de santé.

Pourquoi n’y a-t-il pas eu de prélèvements sanguins chez les participants à cette enquête ?

Notre étude n’a pas eu recours à des prélèvements sanguins car cela ne répondait pas à ses objectifs. Il s’agit d’une étude épidémiologique dont les données ont été recueillies par questionnaire, qui visait à évaluer les expositions et la santé perçues des individus suite à l’incendie industriel.

Quelles sont les maladies chroniques qui ont été aggravées par l’accident ?

Notre étude n’a pas recueilli de données concernant la nature des maladies chroniques évoquées par les répondants. Elle s’intéressait à leur appréciation personnelle d’une aggravation, attribuée à l’incendie industriel, de leur maladie chronique. 

Cependant, la surveillance qui est mise en place par santé publique France, à partir des données du Système national des données de santé (SNDS), devrait permettre d’évaluer ultérieurement l’état de santé des individus porteurs de certaines maladies chroniques et leur évolution après l’accident industriel.

La biosurveillance

Y’a-t-il eu des prélèvements biologiques dits « conservatoires » ou prélèvement d'urine, au moins chez les travailleurs exposés ??

Il s’agit de prélèvements de milieux biologiques humains – de sang, d’urine, de cheveu, de lait, etc. – qui sont réalisés a priori en post-accidentel immédiat, avant même de disposer de la connaissance exacte des substances émises, et qui permettent d’avoir le matériel biologique nécessaire pour analyser l’exposition humaine. La réalisation de ce type de prélèvements pour les travailleurs est du ressort des médecins du travail et des entreprises. 

Les études de biosurveillance sont des études en population qui sont complexes à mettre en place, notamment en urgence dans un contexte post-accidentel, du fait :

  • du grand nombre de substances ou de biomarqueurs d’exposition potentiels à  rechercher, du choix du milieu biologique dans lesquels les mesurer, 
  • des techniques de laboratoires pouvant être utilisées : prélèvement et conservation des échantillons, matériels et méthodes de mesures analytiques, existence de laboratoires en capacité de les mettre en œuvre,
  • de l’interprétation des résultats biologiques, surtout en l’absence de références, et qui est dans certains cas est complexe et nécessite des données complémentaires (car des biais sont possibles) et souvent des mesures répétées dans le temps,
  • de considérations éthiques : prélèvements invasifs, conseils à donner aux personnes.

Bien conscient de la forte attente des populations dans ce domaine, Santé publique France a été saisie par la direction générale de la santé et  réfléchit à la faisabilité et à la préparation nécessaire pour réaliser, lors des futurs accidents industriels, une campagne de prélèvements biologiques conservatoires en période post-accidentelle immédiate, en particulier en situation immédiate post accident de non connaissance de l’ensemble des substances auxquelles les travailleurs e la population générale sont susceptibles d’être exposés.

Les travailleurs

Quelle est l’action de Santé publique France concernant la santé des travailleurs exposés à l’accident ?

La réponse de Santé publique France a consisté à mettre en place le Groupe d’alerte en santé travail (Gast) Normandie, en date du 29 octobre 2019, sur demande de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte). 

Ce groupe, placé auprès de Santé publique France, réunit des spécialistes de plusieurs disciplines : médecins des Centres de consultation de pathologie professionnelle et environnementale (CCPPE), médecin du Centre antipoison et de toxicovigilance (CAP-TV), médecin inspecteur régional du travail (Direccte) et épidémiologistes de Santé publique France. 

Le Gast avait pour objectif de dresser un état des lieux des expositions des travailleurs, du suivi médical et des effets ou évènements de santé aigus observés, après l’incendie, afin de proposer une stratégie de surveillance de ces populations pour évaluer les conséquences sanitaires, dont psychologiques, de l’évènement à plus long terme. 

Une biosurveillance a -t-elle été réalisée pour les travailleurs ?

Des mesures d’indicateurs biologiques d’exposition à différents polluants a été réalisée chez des pompiers privés venus en renfort. Ces pompiers privés étaient des salariés d’une entreprise et leur suivi a été mis en place par le service de santé au travail autonome de cette entreprise. Cette biosurveillance a consisté à réaliser des dosages d’indices biologiques d’exposition urinaire dans les 24 heures : benzène, HAP, toluène et dioxine. Les bioindicateurs n’ont pas révélé de surexposition par rapport aux valeurs de référence en population générale.

De même, des indicateurs biologiques d’exposition ont été mesurés chez d’autres salariés dans le cadre de la mobilisation d’autres services de santé au travail : HAP, benzène urinaire, toluène urinaire, plombémie, carboxyhémoglobine. Toutefois, ces résultats ne sont pas interprétables vis-à-vis de l’incendie car les prélèvements ont été réalisés trop tardivement (en moyenne 29 jours après l’incendie). La mesure de l’exposition à des COV et HAP doit se faire dès la fin de l’exposition car ces polluants et leurs métabolites sont rapidement éliminés.

Un suivi biologique (indicateurs d’exposition ou d’effets sur la santé) a-t-il été réalisé pour chaque travailleur exposé ? Si non, pourquoi ?

Le suivi médical des travailleurs exposés a été réalisé par les services de santé au travail. Une priorisation de ce suivi a été faite vers les salariés qui ont été a priori les plus exposés et pour lesquels un suivi a été recommandé. Ce suivi a été réalisé à la demande du salarié ou celle de l’employeur. En fonction du degré d’exposition des travailleurs et de leur situation de santé, le médecin du travail a prescrit des examens complémentaires. Ces examens peuvent être :

  • des explorations fonctionnelles respiratoires,
  • des bilans biologiques comprenant hémogramme, bilan hépatique et/ou bilan rénal dont le but est de rechercher des effets de ces expositions, et/ou la mesure des Indices biologiques d’exposition.

Des prélèvements biologiques ont été réalisés chez certains travailleurs. Cependant, ces dosages biologiques réalisés comme marqueurs d’effet étaient non spécifiques (constantes biologiques générales). Ces marqueurs sont influencés par de nombreux facteurs de risques, aussi en l’absence d’information sur les antécédents médicaux et des traitements médicamenteux, l’interprétation de ces résultats est difficile. 
Très peu de prélèvements biologiques en vue de rechercher des indicateurs d’exposition ont pu être réalisés soit faute d’organisation adéquate soit par manque de connaissance des expositions. Il est donc nécessaire qu’une organisation soit mise en place en amont de tout évènement avec des procédures. A noter que ces prélèvements en milieu de travail, s’ils sont de pratique courante pour des expositions connues, ne le sont pas dans un contexte accidentel avec des polluants méconnus.

Le Gast a donc proposé que dans tout évènement significatif, en cas de connaissance parcellaire ou nulle des polluants émis, des prélèvements biologiques conservatoires soient réalisés notamment parmi les équipes d’interventions. Et que dès que la nature des polluants soit connue, des recherches de bioindicateur d’exposition soient réalisées. Il est donc nécessaire que des procédures de biosurveillance adaptées au contexte accidentel soient élaborées en amont, pour pouvoir être immédiatement mises en œuvre. Santé publique France propose d’intégrer cette réflexion dans la nouvelle stratégie du programme national de biosurveillance.

Un suivi médical spécifique ou complémentaire est-il proposé ?

Compte tenu de la durée (une journée ou sur quelques semaines pour certains travailleurs sir site après l’incendie) de l’exposition, de la nature des polluants identifiés et des symptômes sanitaires modérés constatés, et selon des recommandations de bonne pratique concernant « la surveillance médico-professionnelle des travailleurs exposés ou ayant été exposés à des agents cancérogènes pulmonaires », la mise en place d’un suivi médical spécifique post-exposition n’est pas indiquée. A noter que les travailleurs bénéfice d’une sui régulier en santé travail. 

De plus, d’un point de vue éthique, la mise en place d’un suivi médical spécifique doit reposer sur l’identification d’un danger objectif pour lequel des recommandations précises peuvent être faites au bénéfice de la santé des personnes suivies, ce qui n’est pas le cas ici. Mettre en place un suivi médical n’est pas anodin. Proposer des examens complémentaires peut présenter un risque (scanner, radiographie…). De plus, cela risque d’entraîner un stress qui serait disproportionné au vu de la situation et des risques de développer une pathologie.
Toutefois, cet accident a pu être source d’anxiété post-exposition, une vigilance particulière lors des consultations ultérieures en santé au travail est donc proposée et une surveillance épidémiologique sera mise en place comme pour la population générale à partir u système national des données de santé. 

D’autre part l’ensemble des travailleurs bénéficient d’un suivi en santé au travail régulier avec traçabilité à la fois des expositions professionnelles et des données de santé permettant de mettre en perspective ces données si nécessaire.

Comment allez-vous repérer les travailleurs dans le SNDS ?

Le protocole du système de surveillance n’est pas encore finalisé. Parmi les pistes envisagées pour identifier les travailleurs, il y a :

  • En demandant directement aux entreprises, notamment celles intervenus sur le site et identifiées dans les travaux du Gast

Et/ou

  • En identifiant tous les salariés des entreprises localisées dans la zone d’impact potentiel à travers les données sociales de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav)

A partir de ces deux sources de données, Santé publique France pourrait obtenir une liste de travailleurs qui pourraient être appariée aux données du SNDS via une procédure sécurisée d’anonymisation. A noter que tous les circuits de données seront définis en amont dans un protocole qui devra obtenir l’accord de la Cnil avant sa mise en œuvre.

Quels évènements de santé allez-vous suivre ?

Les évènements de santé seront les mêmes que ceux suivi en population générale. Cette surveillance épidémiologique va s’intéresser aux événements de santé :

  • qui pourraient être en lien direct avec l’exposition aux agents nocifs émis par l’incendie et les nuisances ressenties par la population exposée ;
  • exprimés comme des sujets de préoccupation par la population exposée ;
  • en lien avec la santé mentale au regard des résultats de l’étude de santé déclarée et des informations recueillies pour les travailleurs (et de la littérature scientifique).

La surveillance pourra inclure certaines maladies respiratoires, certains cancers, des maladies cardiovasculaires ou des troubles de la santé mentale, ainsi que les conséquences sur la santé reproductive et la périnatalité, notamment pour tenir compte des attentes et inquiétudes de la population riveraine et des travailleurs.

Comment faire en sorte que l'exposition aux substances, soit indiquée sur dossier médical pour suivi au long de la vie ?

Le Gast a recommandé que les conditions d’exposition soient inscrites dans les dossiers médicaux en santé travail par le médecin du travail après entretien avec le salarié. 

Pour 1 425 salariés, les conditions d’exposition à l’incendie (poste de travail, durée et lieu d’exposition, type d’EPI utilisés) ont déjà été été renseignées dans leur DMST. Cette inscription s’est faite après un examen du médecin du travail, ou entretien infirmier, pour 891 salariés, sur demande de l’employeur ou du salarié pour 420 salariés, à partir de fiches d’expositions complétées par l’employeur ou le salarié pour 114 salariés.

Est-ce que les résultats de l’EQRS qui vient d’être faite vont changer vos conclusions et propositions ?

L’EQRS est en cours de tiers-expertise par l’Ineris. Nous attendons donc ses conclusions. En fonction des conclusions, nous compléterons notre analyse si nécessaire.

La surveillance SNDS

En quoi va consister le suivi épidémiologique proposé ?

Cette surveillance épidémiologique consistera :

  • un recueil systématique de données de santé, y compris plusieurs années après l’incendie ;
  • une description de ces données pour suivre et décrire l’évolution de l’état de santé des travailleurs et de la population dans le temps ;
  • une analyse de ces informations pour évaluer si des évènements de santé observés peuvent être  reliés aux expositions liées à l’incendie. 

Il est envisagé qu’elle repose sur le Système national des données de santé (SNDS), qui comporte un très grand nombre de données médico-administratives (causes médicales de décès, données médicales des établissements de santé, données de remboursement de soins, données des bénéficiaires d’une exonération du ticket modérateur au titre d’une affection de longue durée) qui peuvent être analysées sur plusieurs années. Les données du registre des cancers de l’enfant seront aussi exploitées.

Ce dispositif de surveillance est conçu pour être pérenne et de s’adapter aux besoins.