Investigation épidémiologique à la suite du signal d’une hausse de cas de syphilis congénitale au centre hospitalier de l’Ouest guyanais en 2021

Publié le 20 mars 2024
Mis à jour le 18 mars 2024

Introduction : En mars 2022, le service de gynécologie-obstétrique du Centre hospitalier de l'Ouest guyanais (CHOG) a signalé à l'Agence régionale de santé de Guyane une forte augmentation depuis 2021 du nombre de femmes enceintes ayant une sérologie positive à la syphilis s'accompagnant d'une augmentation inquiétante du nombre de syphilis congénitale. Les données hospitalières ont permis de confirmer une hausse circonscrite à l'Ouest guyanais et le long du fleuve Maroni. Afin de mieux caractériser la situation épidémiologique de la syphilis dans l'Ouest guyanais depuis 2020 et le profil des femmes à risque, une investigation complémentaire a été mise en place par la cellule Guyane de Santé publique France. Méthode : Une analyse descriptive des tendances épidémiologiques de la syphilis en population générale dans l'Ouest guyanais de 2020 à 2022 ainsi que des caractéristiques des femmes enceintes suivies au CHOG en 2021 et 2022 et ayant une sérologie syphilis positive a été réalisée à partir des données biologiques et des dossiers médicaux du CHOG. Résultats :Entre 2020 et 2022, plus de 9 000 personnes ont été dépistées en moyenne chaque année au CHOG et le taux de positivité a été multiplié par 17 pendant cette période. En 2021, 51 femmes enceintes ayant eu une sérologie syphilis positive au cours de la grossesse ont été suivies au CHOG, et parmi elles, 22 ont accouché d'un enfant ayant une syphilis congénitale confirmée ou probable. Sur la période 2021-2022, près de 80 % des femmes enceintes atteintes de syphilis ont été diagnostiquées au 2e ou 3e trimestre de grossesse et 90 % d'entre elles n'ont pas bénéficié d'un suivi de grossesse conforme aux recommandations (nombre de consultations et d'échographies, trimestre de première consultation et/ou nombre de sérologies). En comparaison aux femmes dont l'enfant est né indemne de l'infection, celles ayant accouché d'un nouveau-né souffrant de syphilis congénitale en 2021 étaient plus jeunes (21 ans contre 24 ans), l'enfant était plus souvent prématuré (38 % des cas contre 11 %) et le traitement a été administré plus tardivement au cours de la grossesse. Près d'une femme sur cinq dont l'enfant est né avec une syphilis congénitale s'est contaminée pendant sa grossesse. Conclusion : L'élimination de la syphilis congénitale est définie comme une priorité de santé publique par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). L'augmentation des séjours pour syphilis chez les femmes enceintes s'accompagnant d'une baisse des séjours pour syphilis congénitale chez les enfants en 2022 au CHOG semble montrer l'efficacité des mesures mises en place dès 2021 pour améliorer le dépistage et la prise en charge des femmes ayant une sérologie syphilis positive au cours de la grossesse (3 dépistages au cours de la grossesse, protocole et parcours de prise en charge). Deux enjeux majeurs de la lutte contre la syphilis congénitale dans l'Ouest guyanais ont été identifiés : le dépistage précoce de la syphilis au cours de la grossesse et le dépistage et le traitement des partenaires. Des actions doivent être mises en place afin d'atteindre la cible fixée par l'OMS de moins de 50 cas de syphilis congénitale pour 100 000 naissances d'ici 2030.

Auteur : Devos Sophie, Guyot Marion, Succo Tiphanie, Hcini Najeh
Année de publication : 2024
Pages : 30 p.
Collection : Études et enquêtes