COVID-19 : point épidémiologique à Mayotte du 11 juin 2020

Publié le 12 juin 2020
Mis à jour le 12 juin 2020

Edito

Trois mois après la découverte du premier cas de COVID-19 à Mayotte, l’épidémie se poursuit. Après une période d'accalmie durant la seconde quinzaine de mai, les indicateurs ont mis en évidence une récente recrudescence de la maladie. Ces résultats sont à interpréter avec précaution, au regard des éléments de contexte.

Afin de décrire et comprendre la dynamique épidémique, plusieurs dispositifs de surveillance ont été mis en place par Santé publique France (SpF) en lien avec ses partenaires. Les données recueillies permettent de surveiller l'évolution de l'épidémie et de mesurer sa sévérité. L'analyse épidémiologique permet d'orienter les décideurs pour adapter la stratégie de lutte contre l'épidémie.

Au 10 juin 2020, 2 206 cas de COVID-19 ont été confirmés par le laboratoire du CHM et le laboratoire privé de l’île. Ces derniers peuvent assurer jusqu’à 200 tests par jour lorsque le matériel d’analyse est disponible. Aujourd’hui, plus de 8 000 tests PCR ont été réalisés en 3 mois, correspondant à 7 673 individus testés. Depuis le 10 juin, le laboratoire privé est en capacité de réaliser des analyses sérologiques permettant la détection qualitative des IgG dirigés contre le SARS-CoV-2. A ce jour, compte-tenu notamment des incertitudes autour de l'immunité procurée par l'infection, les indications à la sérologie demeurent limitées à des situations spécifiques.

Actuellement, la stratégie de test pour le COVID-19 reste inchangée à Mayotte : tout patient présentant un tableau clinique évocateur de COVID-19 doit faire l’objet d’un prélèvement à visée diagnostique. Cependant, au cours des dernières semaines, les capacités de détection des cas ont pu être altérées par la modification des pratiques de prélève-ments (confirmation épidémiologique ou clinique de cas notamment pour les cas pauci-symptomatiques, équipes mobiles réduites). Pour autant, une recrudescence de cas a été observée suite aux célébrations de l’Aïd et à la réouverture des commerces. Ainsi, il est probable que l’ampleur de l’épidémie actuelle soit sous-estimée.

Des opérations de dépistages élargis sont également organisées par l’ARS et SpF dans le cadre de l’exploration de situations à risque et de clusters. Ces opérations peuvent influencer l’allure de la courbe épidémique et les indicateurs épidémiologiques. C’est le cas cette semaine avec la campagne menée au centre pénitentiaire qui a modifié le taux de positivité, le sex ratio et l’âge moyen des cas. Cette opération a été diligentée devant le risque épidémique propre au milieu pénitentiaire. Ainsi, 204 cas ont été détectés (détenus, salariés) mais l'impact sanitaire de ce cluster fut limité étant donné la jeunesse de la population carcérale (26 ans en moyenne chez les détenus) et son bon état de santé. Le taux d'asymptomatiques infectés était de 56%, rappelant le poids des malades ne développant pas de signes de la maladie.

Il est aujourd'hui difficile de savoir quelle est la proportion de patients asymptomatiques pour le COVID-19 (estimée entre 20 et 40% selon les différentes études). Le moyen de disposer d’une meilleure vision de la dynamique épidémique est de favoriser l’accès aux tests pour les personnes répondant aux indications de prélèvement. Dans l’idéal et pour parfaire cette visibilité, l'ensemble des sujets contacts autour d'un cas devrait bénéficier d’un dépistage. Cela permettrait également d'assurer un meilleur contrôle de la diffusion de l'épidémie.

Malgré la multiplication des cas de COVID-19, chaque patient fait toujours l’objet d’une investigation complète (évaluation médico-sociale, recherche de l’origine de la contamination, repérage des sujets fragiles) avec l’objectif de casser les chaînes de transmission. Elle est toujours réalisée par SpF et l’ARS jusqu’à la nouvelle organisation multi-niveaux.

A Mayotte, il semble que la sévérité de l’épidémie soit relativement faible (peu de cas admis en réanimation et mortalité faible). Cette dynamique propre au département peut s’expliquer par la jeunesse de la population. Cependant, bien que le COVID-19 provoque une forme bénigne dans la grande majorité des cas, des profils de patients susceptibles de développer des formes graves ont été mis en évidence. Les facteurs de risque identifiés (maladies cardio-vasculaires, diabètes) sont particulièrement prévalents à Mayotte. Une étude visant à décrire le profil des patients hospitalisés en service de médecine a été initiée par les infectiologues et SpF. Par ailleurs, 8 cas de syndromes inflammatoires multi-systémiques pédiatriques ont été recensés depuis le début de l’épidémie. Un phénomène également sous surveillance.

Aujourd'hui, la circulation virale se poursuit et ce, dans un contexte de reprise des activités de la vie courante. L'application des mesures barrières reste un défi de chaque jour pour les habitants. L'accompagnement de la population demeure indispensable au processus de déconfinement. La sensibilité individuelle et l'exposition à l'infection sont deux facteurs qui peuvent considérablement varier d’un individu ou d’un groupe de population à l’autre. Cette hétérogénéité dans la transmission virale confirme la nécessité de généraliser le port du masque pour limiter la contagion. Elle suggère également de consacrer des moyens concrets pour prévenir l'émergence de foyers dans des situations propices aux contacts étroits et prolongés (cérémonies, réunions professionnelles, rassemblements politiques, etc), notamment en lieux clos.

Par conséquent, l'enjeux majeur de la surveillance épidémiologique est désormais celui de la détection précoce des clusters pour assurer l'application de mesures de contrôle immédiates. A ce jour, deux foyers épidémiques sont toujours en cours d'investigation et un cluster en établissement de soin reste sous surveillance.