Synthèse de l'étude sociologique réalisée à Champlan, en Essonne (91). Convention de collaboration InVS Cabinet Risques et intelligence du 26 novembre 2007

Publié le 1 janvier 2011
Mis à jour le 6 septembre 2019

Le village de Champlan dans l'Essonne a été érigé comme site pilote permettant d'étudier l'exposition de populations de banlieue, à différents aménagements lourds (Orly, voies rapides et autoroutières, incinérateurs, lignes à haute tension, etc.). Un comité scientifique composé des agences s'occupant d'environnement et de santé environnement a été constitué. L'InVS à qui il était demandé de lancer une étude épidémiologique a souhaité faire précéder sa décision d'une étude sociologique portant sur les inquiétudes sanitaires des populations. Celle-ci a compris deux volets : le premier destiné à analyser le contexte politique, institutionnel et social permettant de comprendre l'émergence de la mobilisation ainsi que sa prise en charge. Le second volet était orienté vers la caractérisation des inquiétudes sanitaires des différents groupes de population habitant Champlan. Les données de l'ensemble de l'étude ont été recueillies à partir d'environ soixante entretiens confidentiels, semi-directifs, complétés par les documents produits par les acteurs ou les opérateurs des équipements concernés. Nous pouvions nous demander pourquoi la demande sociale a émergé dans cette commune et non dans les communes limitrophes à peine moins exposées. Nous voulions également examiner la nature du lien entre l'exposition à des nuisances et les inquiétudes sanitaires. Champlan est un village qui offre non seulement une certaine qualité de vie mais également des liens interpersonnels relativement étroits. Ces caractéristiques attirent des populations qui sont prêtes à accepter le bruit des avions d'Orly parce que la décote immobilière leur offre une vie de village (maison, jardin, liens sociaux, commodités diverses) à proximité de Paris. Ce compromis initial (variable selon la période d'installation, l'exposition à plus ou moins d'équipements, les liens tissés localement) constitue une règle partagée des habitants et constitutive de leur particularité. Il fournit une référence à l'effort auquel chaque famille est prête à consentir face à une éventuelle dégradation de l'environnement. Toute accentuation d'une gêne ou une nouvelle source de nuisance exige un effort supplémentaire, lequel dépend des ressources des individus. Les situations de rupture économique, familiale et sanitaire (maladies chroniques, invalidantes, touchant les enfants, ou irréversibles) sont à ce titre fortement explicatives de l'intensité de la plainte ou de l'implication dans une mobilisation active par le basculement qu'elles génèrent. A contrario, l'intensité des inquiétudes sanitaires exprimées n'apparaît pas, ou peu, liée au nombre d'expositions subies. L'inquiétude sanitaire paradoxalement s'exprime à Champlan et non dans les communes voisines parce que ses habitants disposent de ressources pour construire et soutenir leurs plaintes. La présence d'une personnalité politique de niveau national positionnée sur les thèmes de l'environnement permet de porter sur la scène publique la situation particulière vécue par le village. La présence des servitudes constitue une expérience partagée qui réunit les habitants au moins autour de questionnements communs. Cependant, la préoccupation sanitaire reste limitée à ceux qui se sentent menacés par un cumul de ruptures, vivent directement ou indirectement des pathologies chroniques, graves ou invalidantes ou encore sont angoissés par des situations d'incertitude (lignes à haute tension) qui risquent de contredire le bien-fondé de leurs choix de vivre à Champlan. (R.A.)

Auteur : Legout C, Isnard H, Daniau C
Année de publication : 2011
Pages : 8 p.