Suspicion d'un agrégat de cancers à l'Observatoire de Meudon. Rapport final d'étude

Publié le 1 juillet 2003
Mis à jour le 6 septembre 2019

Les personnels de l'Observatoire de Paris ont eu connaissance d'un nombre de cas de cancers qui leur semblait élevé parmi les salariés d'un des bâtiments du site de Meudon entre 1995 et 2001. Le Département Santé Travail de l'Institut de Veille Sanitaire a été sollicité en décembre 2001, pour investiguer cette suspicion d'excès de cas, en collaboration avec les médecins de prévention de l'établissement. Les cas signalés étaient : - quatorze cas chez les femmes (total = 43 environ) : un adénocarcinome, un cancer cutané basocellulaire, un cancer du conduit auditif, deux cancers généralisés (primitif non retrouvé), deux mélanomes, cinq cancers du sein, deux cancers de la thyroïde. - huit cas chez les hommes (total = 80 environ) : un cancer basocellulaire, un lymphome, deux myélomes, un cancer du pancréas, deux cancers du poumon, un cancer de la prostate. Le premier calcul d'incidence* était basé sur 11 cas signalés chez les femmes, 7 cas chez les hommes et sur une description approximative de la population* des salariés (43 femmes et 80 hommes). Il a montré un excès potentiel de cas de cancers parmi les femmes, avec un Standardized Incidence Ratio* (S.I.R. = rapport entre le nombre de cas observés et le nombre de cas attendus) égal à 8,20 [4,09 ; 13,72], significativement différent de 1. Chez les hommes, le rapport était égal à 1,96 [0,79 ; 3,66], rapport non significativement différent de 1. Une investigation complémentaire a dû être effectuée, afin de confirmer ou d'infirmer l'excès de cas observé, avec : - la recherche et la validation de tous les cas de cancer incidents (cas déjà signalés et nouveaux cas) pendant la période étudiée, de 1995 à 2001, parmi le personnel du bâtiment suspecté. - La recherche par le service de gestion des personnels de l'établissement des listes de personnels ayant travaillé dans le bâtiment suspect pendant la période étudiée. La population étudiée était l'ensemble des personnes ayant travaillé au moins 6 mois dans le bâtiment suspect entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 2001, quel que soit leur statut administratif, comme doctorants, contractuels, titulaires, boursiers, employés par l'éducation nationale, employés par le CNRS, etc. Les cent cinquante personnes qui travaillaient dans le bâtiment suspect en avril 2002 ont eu un entretien individuel avec les médecins de prévention. Si la personne avait subi un cancer, le médecin lui posait un questionnaire médical (afin de valider les cas), et un questionnaire décrivant son parcours professionnel lui était proposé. Les proches des six personnes décédées ont été contactées, et cinq familles ont répondu. Cent vingt personnes ont été identifiées par les services administratifs comme ayant travaillé au moins 6 mois dans le bâtiment, et en étant partis depuis. Seulement la moitié des adresses ont été retrouvées, et une quarantaine de questionnaires complétés ont été renvoyés aux médecins. Face au manque d'exhaustivité des données recueillies, l'analyse a consisté à poser plusieurs hypothèses maximisant les risques, basées sur plusieurs simulations de populations (et donc des variations du nombre de cas validés). L'enquête a permis d'observer : - Chez les femmes selon les hypothèses : entre 5 et 6 cas validés chez 52 personnes, et un ratio compris entre 3,23 et 4,11, significativement différent de 1. - Chez les hommes selon les hypothèses : entre 3 et 5 cas validés chez 92 personnes, et un ratio compris entre 0,96 et 1,58, non différent de 1. Ces résultats, qui ne peuvent être considérés que comme indicatifs, semblent indiquer un excès de cancers du sein chez les femmes, résultats en accord avec les données récentes de la littérature scientifique montrant un excès de cancer, en particulier de cancer su sein, parmi le personnel de laboratoires de recherche. La mise en évidence de facteurs de risque de ces cancers ne pourra se faire que grâce à des études épidémiologiques multicentriques, reposant sur des cohortes de taille très importante. Afin de poursuivre la surveillance de l'incidence de cancers dans cette population, il est indispensable de disposer de la liste nominative de ces personnels, année par année, avec leurs nom et prénom, leur date de naissance et le sexe, et de disposer de l'exhaustivité des cas de cancer incidents dans cette population.

Auteur : Buisson C, Drouard S, Imbernon E
Année de publication : 2003
Pages : 32 p.