Syndromes digestifs et cardiaques liés à la consommation d'un fromage de type " tomme fermière " (Savoie). Novembre 2003

Publié le 1 novembre 2003
Mis à jour le 6 septembre 2019

A la suite du signalement le 8 novembre 2003, à la DDASS de Savoie, de 3 cas de syndromes digestifs et cardiaques survenus dans deux foyers d'une même famille et ayant entraîné le décès d'une femme de 63 ans, une investigation épidémiologique et vétérinaire a été conduite, les symptômes ayant été rattachés par les personnes malades à la consommation de fromage provenant d'un producteur local. Dans les jours suivants, 4 nouveaux cas étaient signalés dans deux autres foyers. Ces nouveaux cas étaient géographiquement éloignés de la première famille (> 50kms) et n'avaient comme point commun entre eux que la consommation de fromage de type tomme fermière provenant du même producteur. Une recherche active des cas a été effectuée auprès de la clientèle connue de ce producteur et auprès des structures de soins du secteur de signalement des premiers cas. Au total, 11 cas ont été identifiés, dont 7 avaient présenté des symptômes cardiaques. Les autres personnes avaient présenté des symptômes digestifs de courte durée à type de vomissements. Parmi les personnes ayant présenté des symptômes cardiaques, 4 personnes avaient été hospitalisées et l'une d'elles était décédée au cours d'un épisode aigu. L'examen des dossiers médicaux des personnes hospitalisées concluait au diagnostic de myocardite. Dix personnes étaient des adultes de moins de 60 ans. Les cas étaient survenus entre le 10 octobre et le 10 novembre 2003. Tous les cas avaient consommé des tommes très affinées du même producteur, huit d'entre eux notaient l'aspect inhabituel à la coupe de ces fromages. Les symptômes étaient survenus entre 2 et 24 heures avant la consommation de tommes. Pour 4 d'entre eux, il s'agissait d'une première et unique consommation. Dans les différents foyers où des cas étaient présents, aucune personne non consommatrice de tomme n'a été malade (10 personnes). Chez les consommateurs connus des 7 foyers où des cas ont été identifiés, le taux d'attaque était de 75% (11/14). La visite de l'établissement de production n'a pas mis en évidence de produit toxique susceptible d'avoir contaminé les fromages lors de la fabrication et de l'affinage. La température du lieu d'affinage n'était pas contrôlée mais, s'agissant d'une cave naturelle, aurait pu atteindre ou dépasser 20°C au cours de la canicule de l'été 2003, au cours duquel les fromages consommés par les personnes malades étaient en cours d'affinage. Les recherches microbiologiques sur des restes de fromage étaient positives pour staphylococcus aureus, à des niveaux ne signant pas une contamination massive. La recherche des gènes codant pour les toxines de staphylococcus aureus a mis en évidence la présence de gènes codant pour les toxines G, I, M, N et O. Des quantités importantes de ce germe ont également été mises en évidence sur des échantillons de productions en septembre et en novembre 2003. Une recherche des amines biogènes a également été effectuée sur différents échantillons, dont deux provenant de la famille de la personne décédée : des quantités d'histamine allant de 184 à 934 mg/kg et des quantités de tyramine allant de 75 à 245 mg/kg ont été retrouvées. La recherche de mycotoxines sur deux échantillons n'a pas mis en évidence de Pénicillium, ni de moisissures pouvant présenter une toxicité particulière. Les investigations épidémiologiques sont en faveur de l'existence de cas groupés d'un syndrome digestif et cardiaque liés à la consommation de tomme d'un même producteur. Il n'a toutefois pas été possible malgré les investigations multiples entreprises (cliniques, microbiologiques, toxicologiques) de déterminer l'étiologie de ce syndrome. Les hypothèses étiologiques les plus plausibles étaient une intoxication par des toxines staphylococciques et une intoxication par des amines biogènes, en particulier la tyramine. La reprise de la production de fromage a été soumise à la mise en place de mesures correctrices et de surveillance. Aucun nouveau cas n'a été identifié à la suite de ces mesures. (R.A.)

Auteur : Rey S
Année de publication : 2003
Pages : 27 p.