Evaluation épidémiologique du système de surveillance de la légionellose en France en 1998

Publié le 1 décembre 2000
Mis à jour le 9 septembre 2019

En 1997, le système de surveillance de la légionellose a été renforcé à la suite d'une étude qui avait estimé l'exhaustivité de la déclaration obligatoire (DO) en 1995 à 10%. L'objectif de cette enquête était d'évaluer l'impact de cette mesure sur la sensibilité et la représentativité du système de surveillance afin de proposer d'éventuelles améliorations et de connaître l'évolution de l'incidence de la légionellose en France dans le temps. Méthodes: Une enquête par voie postale a été réalisée en 1999 auprès des 413 laboratoires publics hospitaliers afin de connaître les pratiques de diagnostic des légionelloses et le nombre de cas diagnostiqués en 1998. Ces données ont été croisées avec celles de la déclaration obligatoire et avec les cas notifiés par le Centre National de Référence (CNR). Les cas ont été classés en cas confirmé (isolement de Legionella, augmentation du titre d'anticorps (x4) avec un deuxième titre minimum de 128, immunofluorescence directe positive, présence d'antigène soluble urinaire) ou possible (titre unique élevé > 256). La méthode de "capture-recapture" à 3 sources à l'aide d'un modèle log-linéaire prenant en compte les interactions entres les sources et les variables d'hétérogénéité a été utilisée afin d'estimer le nombre total de cas de légionellose diagnostiqués en 1998. Résultats: Parmi les 288 (70%) laboratoires répondants, 42% pratiquaient au moins une méthode diagnostique des légionelloses. La majorité des laboratoires de CHU utilisaient au moins une méthode (84%). Seuls 36% des laboratoires utilisaient le test de détection de l'antigène urinaire ou en prévoyaient l'introduction en 1999. Dans l'étude capture-recapture, un total de 715 cas de légionellose a été identifié parmi les 3 sources après élimination des doublons (DO=370, CNR=384, LAB=385). Le meilleur modèle log-linéaire comprenait une interaction entre les deux sources DO-CNR et DO-LAB. Ce modèle a estimé à 1124 [IC 95% : 973- 1275] le nombre de cas de légionellose diagnostiqués en 1998, soit deux fois plus qu'en 1995. L'exhaustivité de la DO était globalement de 33% [IC 95% : 29-38] en 1998. Pour les cas diagnostiqués par culture elle était de 71% [IC 95% : 68-73]. L'incidence estimée de la légionellose, après prise en compte de l'exhaustivité, est passée de 0,9 pour 100 000 habitants en 1995 à 1,9 cas pour 100 000 en 1998. Conclusion: Le nombre estimé de cas de légionellose a été multiplié par 2 entre 1995 et 1998. L'introduction du test de détection de l'antigène urinaire peut avoir entraîné un meilleur diagnostic de la maladie et donc une augmentation du nombre de cas. L'exhaustivité de la déclaration obligatoire a été améliorée de trois fois entre 1995 et 1998, de 10% à 33%. Plusieurs raisons peuvent expliquer l'augmentation de cette exhaustivité : l'impact du renforcement du système de surveillance mené en 1997 et pendant la coupe du monde de football en 1998 et la collaboration active du CNR avec l'InVs. L'augmentation du nombre de cas et de l'exhaustivité de la déclaration obligatoire peuvent également être expliquées par la sensibilisation des médecins à la maladie et à la déclaration des cas suite à la facilitation du diagnostic biologique et à des épidémies importantes. Cependant, on ne peut exclure que l'incidence ait augmenté. Dans le débat actuel sur les risques liés à la présence de Legionella dans les bâtiments publics ou privés, notre étude permet d'apprécier le poids réel de la maladie et illustre son impact socio-économique. Malgré une amélioration de l'exhaustivité de la DO, celle ci reste nettement insuffisante dans un but de détection précoce d'épisodes épidémiques et de suivi de tendances. De plus le CNR ne reçoit pas l'ensemble des souches isolées en France. De nouveau, différentes actions seront proposées (plaquette d'information des professionnels de santé, formation du CNR auprès des laboratoires...) afin d'améliorer la déclaration des cas, d'augmenter le nombre de laboratoires utilisant le test de détection de l'Ag urinaire et d'inciter à la recherche de la bactérie et à l'envoi des souches au CNR.

Auteur : Decludt B, Nardone A
Année de publication : 2000
Pages : 45 p.