Dix ans de surveillance du saturnisme de l'enfant en Ile-de-France, Mai 1992 - Décembre 2001

Publié le 1 décembre 2003
Mis à jour le 6 septembre 2019

Créé par arrêté du préfet de région en 1992, le Système de surveillance du saturnisme infantile en Ile-de-France (Sssiilf) associe tous les partenaires régionaux impliques dans les activités de dépistage et /ou la prise en charge des enfants intoxiques par le plomb, pour la collecte et l'analyse des résultats de toutes les mesures de la plombémie effectuées chez des enfants franciliens. Chaque prescripteur est tenu de remplir une fiche d'information standardisée, pour toute demande d'examen biologique en rapport avec une suspicion d'intoxication d'un enfant par le plomb ou avec le suivi d'une intoxication avérée. Les informations demandées au médecin prescripteur concernent l'enfant, les motifs de la prescription et le cas échéant les interventions médicales et environnementales réalisées depuis le précédent dosage. Le laboratoire qui effectue les examens prescrits complète le document en y reportant les résultats des dosages pratiques, puis le retourne au prescripteur et en adresse une copie au Centre antipoison de Paris. Lorsque c'est nécessaire, celui-ci reprend contact avec le prescripteur pour compléter la fiche ; il saisit les informations qu'elle contient sur un support informatique. Les résultats présentés ici résultent de l'analyse des données collectées au cours des 10 premières années de fonctionnement du Sssiilf. Il est a noter que cette fiche sera remplacée en février 2004 par la fiche de déclaration obligatoire du saturnisme infantile. A l'échelle de la région, les activités de dépistage sont relativement stables d'une année a l'autre, mais elles sont très hétérogènes selon les départements et selon les communes. La Seine-Saint-Denis et Paris représentent de loin la majeure partie de l'activité de dépistage en Ile-de-France sur l'ensemble de la période (respectivement 46 % et 38 %). Les communes d'Aubervilliers, Pantin et Saint-Denis représentent à elles seules 79 % de l'activité de dépistage de la Seine-Saint-Denis. A Paris l'activité de dépistage est concentrée dans les arrondissements du nord et de l'est de la capitale. La proportion d'enfants testes apparaît faible, sauf pour les communes les plus impliquées. A Aubervilliers, Pantin et Saint-Denis, respectivement 48 %, 25 % et 19 % des enfants habitant ces communes sont testes avant l'age de 6 ans. Pour l'ensemble de l'Ile-de-France, 1,8 % seulement des enfants habitant la région sont testes avant 6 ans. Cette hétérogénéité est explicable en partie par le fait que l'habitat ancien dégrade, principal risque en Ile-de-France, est inégalement reparti sur la région. Elle s'explique aussi par l'existence de services de protection maternelle et infantile plus ou moins proches de la population et par l'implication variable de ces services et des autres acteurs du dépistage. Les activités de dépistage sont en effet massivement le fait des services de protection maternelle et infantile, suivis de quelques services de pédiatrie hospitalière. La participation des médecins généralistes et des pédiatres libéraux est anecdotique. L'age médian de dépistage est de 2 ans et 5 mois. Il diminue de 9 mois au cours de la période. Les primo dépistages concernent majoritairement les enfants dont les parents sont d'origine subsaharienne, non en raison de cette origine géographique, mais parce qu'ils cumulent des facteurs de risque. L'habitat antérieur a 1948 et dégrade est le critère majeur pour orienter la prescription d'un test de primo dépistage. L'habitat antérieur a 1948 sans notion de dégradation ni de travaux récents apparaît ensuite. L'existence d'un comportement de pica ou la présence d'autres enfants intoxiques dans l'entourage sont également fréquemment mentionnes. Les tests de primo dépistage ont compris presque toujours une mesure de la plombémie (99 %). Le nombre d'enfants ayant des plombémies supérieures ou égales a 100 ug/l lors de leur premier 10 test de dépistage est en forte diminution au cours de la période. En effet, on observe une forte diminution du rendement du primo dépistage : au début de la période, plus de 60 % des plombémies étaient supérieures a 100 ug/l ; ce pourcentage tombe a 10,3 % en fin de période. La plombémie médiane au primo dépistage passe de 129 ug/l en 1992 a 55 ug/l en 2001. Un ensemble de raisons concourent probablement a cette évolution : la diminution des apports de plomb d'origine atmosphérique et alimentaire, mais aussi les effets des programmes de prévention mis en oeuvre. Il faut se garder de conclure que la proportion d'enfants intoxiques en Ile-de-France a baisse dans les mêmes proportions, puisque moins de 2 % des enfants de la région sont testes avant 6 ans et que l'activité de dépistage et les principales actions de prévention sont essentiellement restées concentrées sur les mêmes zones au cours de la période. Les enfants testes dont le continent d'origine de la mère est l'Afrique Sub-Saharienne présentent une plombémie supérieure ou égale a 100 ug/l dans 36 % des cas. Ce pourcentage est compris entre 21 % et 9 % pour les enfants dont la mère est originaire d'un autre continent. Ces différences peuvent s'expliquer par l'inégalité des populations d'origine différente devant les facteurs de risque lies a l'habitat. Du fait de leurs facteurs de risque plus élevés, les enfants originaires d'Afrique Sub-Saharienne, d'Afrique du Nord et de Méditerranée Orientale sont plus souvent testes. Ils représentent ainsi 87 % des enfants ayant une plombémie supérieure ou égale a 100 ug/l au primo dépistage. Les facteurs de risque ayant une valeur prédictive positive la plus élevée sont : la présence d'autres enfants intoxiques dans l'entourage, le comportement de pica, l'habitat antérieur a 1948 dégrade. 65 % des enfants n'ont eu qu'une seule plombémie, mais certains enfants ont subi de nombreux prélèvements, jusqu'a 25. Le pourcentage d'enfants subissant au moins un examen de contrôle augmente avec la plombémie au primo dépistage. Seulement 25 % des enfants ayant eu une plombémie inférieure a 100 ug/l au primo dépistage ont été recontrôlés, contre près de 70 % des enfants ayant eu une plombémie supérieure ou égale a 100 ug/l. On constate que la plombémie de la très grande majorité des enfants recontrôlés diminue. Cependant, quelle que soit la classe de plombémie de départ, et quel que soit le délai entre la première et la dernière plombémie, un pourcentage non négligeable d'enfants " stagnent " dans des classes de plombémie pathologique, ou certains voient même leur plombémie s'aggraver. Cette aggravation est constatée également parmi ceux qui avaient une plombémie inférieure a 100 ug/l lors du premier examen. Cette constatation justifie la recommandation de poursuivre le suivi des enfants présentant des facteurs de risque, quel que soit le résultat de la plombémie initiale Le faible taux de renseignement des items concernant les interventions réalisées sur l'environnement, rend difficile l'analyse de l'impact des mesures législatives et règlementaires prises a partir de 1998. L'information des médecins traitants sur les actions mises en oeuvre par l'administration pour les enfants signales est à améliorer. Plus de 1 784 cures de chelation ont été suivies par 528 enfants, au cours de la période. Le nombre d'enfants chelates par an diminue, en lien avec la diminution du nombre d'enfants testes avec des plombémies élevées. L'EDTA* calcico-disodique, produit le plus utilise jusqu'en 1996, a été remplace progressivement par le DMSA* a partir de 1997. Au total, 6 935 enfants ont été testes avec une plombémie supérieure ou égale a 100 ug/l au cours de la période 1992-2001 en Ile-de-France (dont 6 453 de moins de 6 ans), le nombre annuel passant de 1 248 en 1992 a 336 en 2001. Le taux d'incidence moyenne annuelle de 71,3 pour 100 000 enfants de moins de 6 ans peut être rapproche du taux de prévalence obtenu lors de l'enquête réalisée en 1996 par l'nserm et le Réseau national en santé publique (RNSP), qui donnait une valeur de 2,1 % des enfants de 1 a 6ans ayant une plombémie supérieure a 100 ug/l en France (soit 2 100 cas pour 100 000 enfants). Même en tenant compte de la signification différente de l'incidence (nouveaux cas) et de la prévalence (cas présents a un moment donne), il est étonnant de constater qu'un facteur de presque 30 existe entre ces deux chiffres. Si on se réfère a l'estimation faite par l'Inserm, le dépistage du saturnisme en région Ile-de-France serait donc loin de repérer tous les enfants intoxiques par le plomb. (R.A.)

Auteur : Bretin P, Lecoffre C, Maulpoix A, Salines G, Zeghnoun A
Année de publication : 2003
Pages : 95 p.