Analyse commentée. Effets de la réduction de la teneur en plomb des carburants sur les plombémies des Sud-Africains. Numéro thématique. Mesures de réductions de la pollution atmosphérique : quelle efficacité sanitaire ?

Publié le 1 décembre 2004
Mis à jour le 6 septembre 2019

Cet article est une analyse commentée de l'étude suivante : Maresky LS, Grobler SR. Effect of the reduction of petrol lead on the blood lead levels of South Africans. Sci Total Environ. 1993 Aug 15;136(1-2):43-8. Cette étude montre, comme beaucoup d'autres, l'impact très positif de la suppression du plomb des essences sur la diminution de la plombémie des populations. Soulignons, toutefois, le fait que cette étude n'est pas récente et que, sur la problématique du plomb dans l'atmosphère, de nombreuses évolutions ont été constatées depuis, notamment en Europe. Le constat d'hier n'est donc vraisemblablement plus valable en ce qui concerne les plombémies actuelles des populations urbaines des pays européens. On peut émettre quelques critiques en matière de méthodologie. Il aurait été intéressant, pour mieux comparer et comprendre les plombémies mesurées, de mettre celles-ci en relation avec les concentrations en plomb dans l'atmosphère. A aucun moment, en effet, l'article n'évoque la teneur en plomb dans l'air, que ce soit en situation de fond urbain (cas de l'échantillon étudié) ou en proximité du trafic routier (cas des routiers suivis dans de précédentes études). Cette absence de référence est sans doute liée à l'absence de mesures in situ. Seule cette caractérisation permettrait d'avoir une idée de l'exposition induite par l'ensemble des sources de pollution urbaine, et pas seulement du trafic routier, même si ce dernier constitue à l'évidence une source plus que dominante. La variabilité des plombémies observées au sein des échantillons laisse perplexe pour des sujets supposés non exposés à des sources spécifiques de plomb. Il n'est pas donné d'information sur la précision de la mesure de la plombémie par micro-méthode, qui pourrait expliquer en partie la variabilité des résultats. L'échantillon est supposé non soumis aux sources de plomb " connues ", sans qu'aucune précision ne soit réellement apportée sur ce point. Les auteurs n'abordent pas de manière précise les autres sources locales de contamination par le plomb, que ce soit dans l'habitat ou en milieu extérieur (peintures, sources industrielles spécifiques). La représentativité de l'échantillon par rapport à la population urbaine de la ville n'est pas connue. Il n'est pas indiqué s'il existe des différences entre les deux échantillons sur des facteurs de confusion tels que l'âge et le sexe. Les autres causes possibles de la diminution des plombémies ne sont pas abordées (alimentation notamment). Par ailleurs, les doutes émis sur l'intérêt, en termes de rapport coût/efficacité, de la poursuite de la réduction de la teneur en plomb des essences ne sont pas étayés et débordent l'objectif de l'étude. Il n'y a aucune donnée sur le coût des solutions de remplacement. Le caractère acceptable, au plan de la santé publique, du niveau de plombémie de la population estimé par l'étude n'est pas suffisamment argumenté en l'absence de seuil reconnu sans effet pour le plomb. L'argument d'une plus faible plombémie de la population générale du Cap, par rapport à la plombémie relevée dans des régions industrialisées de pays ayant interdit le plomb dans l'essence, est critiquable. Il n'est pas discuté la situation des personnes ayant d'autres sources supplémentaires d'exposition. Enfin, la situation des enfants qui ne sont pas inclus dans l'étude mais qui sont la population la plus à risque n'est pas abordée. (Commentaire)

Auteur : Bretin P, Renaudot C
Extrapol. Epidémiologie et pollution atmosphérique. Analyse critique des publications internationales, 2004, n°. 24, p. 9-10