COVID-19 : point épidémiologique à Mayotte du 28 mai 2020

Publié le 29 mai 2020
Mis à jour le 29 mai 2020

Résumé

Près de trois mois après la découverte du premiers cas de COVID-19 à Mayotte, le SARS-CoV-2 circule toujours sur l’ensemble du département. Certains indicateurs épidémiologiques sont aujourd'hui en faveur d’une stabilisation apparente de l’épidémie. Ces résultats sont à interpréter avec précaution, au regard des éléments de contexte.

Plusieurs dispositifs de surveillance ont été mis en place par Santé publique France (SpF) en lien avec ses partenaires, afin de produire l’information épidémiologique nécessaire pour orienter la politique de lutte contre l’épidémie. Les données recueillies permettent de surveiller l’évolution de l’épidémie et de mesurer sa sévérité. Aujourd’hui, l’objectif est d’atténuer l’ampleur et les effets de la vague épidémique.

Au 28 mai 2020, 1 669 cas de COVID-19 ont été confirmés biologiquement par le laboratoire du Centre Hospitalier de Mayotte et le laboratoire privé de l’île. Ces derniers peuvent assurer jusqu’à 200 tests par jour lorsque le matériel d’analyse est disponible. Aujourd’hui, plus de 6 000 tests ont été réalisés en 3 mois, correspondant à 5 835 individus qui ont bénéficié d’une analyse biologique à la recherche du SARS-CoV-2.

Actuellement, la stratégie de test pour le COVID-19 reste inchangée à Mayotte : tout patient présentant un tableau clinique évocateur de COVID-19 doit faire l’objet d’un prélèvement à visée diagnostique. Néanmoins, un biais dans la détection des cas ne peut être exclu ces dernières semaines. En effet, il est possible que certaines situations aient conduit les cliniciens à limiter les prélèvements lorsque le diagnostic paraissait évident cliniquement ou épidémiologiquement (anosmie isolée, contact étroit avec un cas confirmé). De plus, les équipes mobiles de prélèvement du CHM, fortement investies dans l’activité de prélèvement sur l’île, ont cessé provisoirement leur activité durant 10 jours. Par ailleurs, les opérations de dépistages élargis autour de clusters se multiplient, pouvant contribuer à une baisse du taux de positivité global. Afin de disposer d’une meilleure vision de la dynamique épidémique, il apparaît essentiel de favoriser l’accès aux tests pour les personnes répondant aux indications de prélèvement. D’autant plus dans cette période faisant suite aux célébrations de l’Aïd qui ont pu générer des situations propices à la circulation du virus.

Malgré la multiplication des cas de COVID-19 sur le territoire, chaque cas fait toujours l’objet d’une investigation téléphonique ou au domicile lorsque les coordonnées sont valides. Faisant suite à l’évaluation médicale, l’enquête vise à déterminer l’origine de la contamination, puis une évaluation sociale permet d’apprécier la capacité du malade à s’isoler pour limiter la propagation du virus. Face à la précarité socio-économique d’une grande partie de la population, l’application de la quatorzaine reste un défi pour de nombreux malades. Le Centre d’Hébergement Spécialisé a ainsi permis de protéger l’entourage de près de 300 personnes atteintes du COVID-19. L’isolement des malades, mesure phare de la lutte contre l’épidémie reste indissociable de la démarche de contact tracing. Systématiquement menée autour du cas, elle contribue à repérer les sujets fragiles et casser les chaînes de transmission. A ce stade, elle est encore réalisée par les équipes SpF et ARS. Dans le but de rendre ce dispositif toujours plus réactif et efficace, des tra-vaux sont en cours pour y intégrer les médecins généralistes et la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte.

Alors que la pandémie de COVID-19 touche Mayotte depuis plusieurs mois, les investigations continuent de mettre en évidence une méconnaissance de la maladie et de son incidence. Il est possible que la sévérité relativement faible de l’épidémie (faible proportion de cas admis en réanimation et de décès) limite la conscientisation du risque et de fait l’adhésion aux recommandations de prévention. Ces éléments réaffirment le faible niveau de littératie en santé de la population, comme observé ailleurs en France. L’amélioration de ce déterminant de santé est un enjeu majeur de santé publique. La progression dans ce domaine passe par une écoute des besoins du public et des professionnels et une co-construction des interventions avec l’ensemble des acteurs impliqués dans la santé de la population.

A l’aube d’une reprise progressive des activités courantes de la population, de nouveaux défis sont apparus en matière de prévention du risque épidémique. Réouverture des commerces, de certains établissements scolaires, des lieux de culte, levée des restrictions de déplacement : il s'agit désormais d’accompagner la population dans le déconfinement à travers l’adoption des bons réflexes (distanciation physique et port du masque). De plus, les prochaines semaines verront se dérouler de nombreux évènements propices à la naissance de foyers épidémiques de par leur nature : élections municipales, cérémonies (mariages/manzaraka), évènements festifs... Au cours de ces rassemblements, un seul malade pourrait alors contaminer une large proportion des personnes présentes, et ce, dans sa phase symptomatique ou dans les 48h la précédant.

Les stratégies de prévention peuvent désormais s'inspirer des expériences vécues au début de l’épidémie mahoraise (cluster des élections municipales, des forces de l‘ordre, en milieu de soin). En effet, afin d’éviter une intensification de la circulation virale durant l’hiver austral, des mesures concrètes doivent être mises en oeuvre par les acteurs locaux afin d’éviter la survenue de foyers épidémiques.