Surveillance des suicides en lien potentiel avec le travail

Publié le 10 septembre 2021
Mis à jour le 1 décembre 2021

Contexte : L'épidémiologie des suicides en lien avec le travail demeure mal connue en France, malgré une importance grandissante de la problématique dans le débat public. Une étude exploratoire avait montré la richesse potentielle et unique des données des rapports des instituts de médecine légale (IML) pour l'identification des suicides en lien potentiel avec le travail. Les objectifs de la présente étude étaient de : i) proposer une définition des suicides en lien potentiel avec le travail, ii) tester la faisabilité de développer un système de surveillance épidémiologique de ces suicides à partir des données des IML et iii) estimer la part de ces suicides parmi l'ensemble des suicides examinés dans les IML. Méthode : Santé publique France en collaboration avec huit IML et le CépiDc-Inserm, a mené une étude de faisabilité sur une période d'une année. Pour chaque cas de suicide ou de décès d'intention indéterminée, les médecins légistes ont transmis à Santé publique France des informations sur les caractéristiques du décès, les investigations médicolégales pratiquées, les données sociodémographiques, les caractéristiques professionnelles et les indicateurs de liens potentiels entre le décès et le travail. La définition utilisée pour un suicide en lien potentiel avec le travail a été établie par un comité d'appui thématique en santé mentale et travail, piloté par Santé publique France. Est considéré comme un suicide en lien potentiel avec le travail, tout suicide pour lequel au moins une des situations suivantes était présente : 1/ La survenue du décès sur le lieu du travail ; 2/ Une lettre laissée par la victime mettant en cause ses conditions de travail ; 3/ Le décès en tenue de travail alors que la victime ne travaillait pas ; 4/ Le témoignage de proches mettant en cause les conditions de travail de la victime ; 5/ Des difficultés connues liées au travail recueillies auprès des proches ou auprès des enquêteurs. Des analyses descriptives des décès par suicide ont été effectuées et l'estimation de la part des suicides en lien potentiel avec le travail a été calculée. Résultats : Au total, 1293 décès ont été examinés entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018. Les suicides représentaient 88 % des cas recueillis (n=1135), dont la plupart étaient des hommes (72%). Dans cette étude, 10 % des suicides étaient en lien potentiel avec le travail selon la définition établie par le comité d'appui thématique. Parmi les personnes dont la situation par rapport à l'emploi était connue, 28 % des personnes étaient en emploi au moment du décès. Parmi celles-ci, le travail semblait avoir joué un rôle dans 42% des suicides. Les personnes qui n'étaient pas en emploi au moment du décès étaient à la retraite, au chômage, en formation ou en arrêt pour des raisons de santé. Discussion - Conclusion : Cette étude montre la possibilité de développer un système de surveillance des suicides en lien potentiel avec le travail à partir des données des IML et permet de faire des propositions pour améliorer la connaissance de ces suicides. Elle a par ailleurs rappelé l'importance d'agir pour diminuer les actes suicidaires en population générale mais aussi en milieu professionnel. L'extension au niveau national et la pérennisation de ce système sont préconisées. Il est proposé d'intégrer ou d'adosser au volet médical complémentaire du certificat de décès, un questionnaire contenant les données jugées pertinentes par cette étude. Ainsi à terme, selon la qualité des données recueillies via ce système, Santé publique France pourrait assurer une surveillance des suicides en lien potentiel avec le travail, qui complèterait ses autres travaux sur les conduites suicidaires par catégories professionnelles et secteurs d'activité.

Auteur : Gigonzac Virginie, Khireddine-Medouni Imane, Chan-Chee Christine, Chérié-Challine Laurence
Année de publication : 2021
Pages : 37 p.
Collection : Études et enquêtes