Fièvre Hémorragique de Crimée-Congo : première détection du virus sur des tiques collectées dans des élevages bovins dans le sud de la France

Suite à la détection, le 6 octobre 2023, du virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo dans des tiques du genre Hyalomma collectées sur des bovins élevés dans les Pyrénées Orientales, Santé publique France fait le point sur la situation et rappelle les recommandations à adopter.

Publié le 24 octobre 2023
Dans cet article

Dans le cadre d’une étude visant à en détecter la présence en France, le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) a détecté le virus de la Fièvre Hémorragique de Crimée-Congo (FHCC) dans des tiques de l’espèce Hyalomma marginatum collectées sur des bovins dans les Pyrénées-Orientales. Ces premières analyses ont été confirmées par le CNR (Centre national de référence pour les Fièvres Hémorragiques Virales) de l’Institut Pasteur établissant ainsi pour la première fois la présence du virus en France. Santé publique France fait le point sur les risques pour la population et rappelle les recommandations pour prévenir les piqûres de tiques à destination des éleveurs, agriculteurs, randonneurs et toutes personnes susceptibles de fréquenter les lieux (pâturages, garrigue notamment) où sont retrouvées ces tiques sur le pourtour méditerranéen.

Quels sont les risques possibles pour la population ?

Santé publique France a analysé la situation en collaboration avec ses partenaires de l’Anses, du Cirad et du CNR des FHV dans une approche One Health.  

Chez l’être humain, l’infection par le virus de la FHCC reste le plus souvent asymptomatique ou pauci-symptomatique. Toutefois le virus peut être responsable d’une fièvre hémorragique, qui peut être sévère avec un taux de létalité de 5 à 30%. 

Le virus se transmet en général par la piqûre d’une tique du genre Hyalomma adulte infectée. La transmission à l’être humain est également possible par le contact direct avec le sang ou les fluides corporels d'un animal ou d'un être humain infecté (lors de la courte période durant laquelle le virus circule dans le sang). 

Aucun cas autochtone (infection acquise sur le territoire français) n’a été détecté chez l’humain en France à ce jour. 

Une évaluation multidisciplinaire plus approfondie du risque de survenue de cas humains sera menée pour la prochaine saison d’activité des tiques au printemps 2024 et lors des années suivantes.

Où trouve-t-on la tique Hyalomma marginatum en France ?

Originaire d’Afrique et d’Asie et introduite principalement par les oiseaux migrateurs en provenance d’Afrique, la tique Hyalomma marginatum est présente depuis plusieurs décennies en Corse et a été détectée à partir de 2015 par le Cirad sur le littoral méditerranéen. Actuellement, il n’existe pas en France de surveillance active des tiques à l’échelle nationale, quelle que soit l’espèce. Cette surveillance était recommandée par l’anses dans son avis de mai 2023. Plusieurs études ont été ou sont mises en place afin d’évaluer la présence en France de ces tiques et de certains agents infectieux qu’elles peuvent porter. Le Cirad a ainsi pu montrer que la tique Hyalomma marginatum était présente sur l’ensemble du pourtour méditerranéen et risquait de s’étendre plus au nord dans le futur, sous l’effet du changement climatique.

Dans le cadre des études scientifiques menées par cet institut de recherche, des analyses réalisées en 2022 et 2023 sur des tiques Hyalomma marginatum prélevées sur des bovins dans les Pyrénées-Orientales, ont pour la première fois révélé la présence de matériel génétique du virus de la FHCC, quand jusqu’ici il n’était détecté que de façon indirecte par la présence d’anticorps chez des ongulés domestiques et sauvages. De futurs investigations chercheront à savoir si la circulation du virus est plus largement répartie sur le sud de la France.

Le CNR-FHV (Centre national de référence pour les Fièvres Hémorragiques Virales) de l’Institut Pasteur a confirmé ces résultats et conduit actuellement des analyses de séquençage du virus pour comprendre l’origine des souches retrouvées.

Le virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo dans le monde

Bien que la tique Hyalomma marginatum soit présente sur le littoral méditerranéen et en Corse, aucun cas humain de FHCC n’a encore été observé en France. En revanche, une douzaine de cas humains autochtones de FHCC ont été rapportés en Espagne depuis 2016 dont certains chez des professionnels de santé. 

Cette maladie est endémique en Afrique, y compris en Afrique du Nord, en Asie, et particulièrement fréquente dans certaines régions en Turquie. Elle est également présente dans certains pays d’Europe de l’Est.

Qu’est-ce que la fièvre hémorragique de Crimée-Congo et quels en sont les symptômes ? 

La FHCC est une maladie due à un virus de la famille des Nairovirus dont les principaux vecteurs sont les tiques du genre Hyalomma. Chez l’humain, elle se limite généralement à un syndrome grippal avec troubles digestifs. Dans certains cas, elle peut néanmoins s’aggraver et se traduire par un syndrome hémorragique (saignements potentiellement sévères), avec un risque de décès pouvant atteindre 30 % dans certains pays. La prise en charge de la FHCC repose principalement sur le traitement symptomatique en milieu hospitalier. 

Les symptômes de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo

Généralement, les symptômes apparaissent de façon brutale et correspondent principalement à de la fièvre, des myalgies (douleurs musculaires), des troubles digestifs, des vertiges, une raideur et des douleurs de la nuque, des douleurs dorsales, des céphalées, une sensibilité des yeux et une photophobie (sensation de gêne provoquée par la lumière).  Dans les cas sévères, ces symptômes peuvent être suivis par une hémorragie, un choc et une défaillance multiviscérale.

Que faire en cas de piqûre de tique ?

En cas de piqûre il faut surveiller son état général et consulter rapidement un médecin en cas d’apparition de symptômes dans le mois suivant l’exposition.

La FHCC fait partie des maladies humaines à déclaration obligatoire (DO) au même titre que les autres fièvres hémorragiques virales. Tout cas doit être déclaré par formulaire sans délai dès la suspicion étayée par un infectiologue référent aux autorités sanitaires (Agences Régionales de Santé) par les professionnels de santé afin d’organiser une prise en charge diagnostique et thérapeutique en filière de soins dédiée et sécurisée.

Comment se transmet la fièvre hémorragique de Crimée-Congo ?

En santé humaine, la contamination par le virus de la FHCC se fait par piqûre de tiques adultes du genre Hyalomma. La tique Hyalomma marginatum est une tique dure de relativement grande taille (5mm), reconnaissable à son rostre long et à ses pattes bicolores (anneaux blanchâtres aux articulations).

La fréquence de piqûre de l’être humain est supposée faible, ces tiques n’ayant pas d’appétence particulière pour les humains. De plus, elles sont généralement mieux visibles que d’autres espèces de tiques car un peu plus grosses et il est plus aisé de les repérer avant qu’elles ne piquent. 

Le virus de la FHCC peut également se transmettre par contact avec des fluides corporels d’humains ou d’animaux infectés virémiques, en sachant que ces derniers ne restent virémiques qu’une dizaine de jours. Il n’y a pas de transmission aérienne. Le virus de la FHCC est un virus à ARN qui ne résiste pas dans l’environnement. Le virus ne se transmet pas par la consommation de produits laitiers au lait cru et une transmission par la consommation de viande d’animaux infectés n’a jamais été rapportée. En France, la tique Hyalomma marginatum, dans sa forme adulte pique les ongulés domestiques et sauvages (bovins, chevaux, petits ruminants, cervidés) et occasionnellement l’humain. Elle est susceptible de transmettre le virus par sa piqûre mais n’est active qu’au printemps entre avril et juillet. Le risque de transmission par piqûre de ces tiques présentes dans l’environnement et par les fluides de ces animaux est donc saisonnier.

Les tiques fixées sur le bétail ne constituent pas un risque de piqûre pour l’être humain, puisqu’elles ne sont  pas capables de repiquer après la piqûre sur l’animal1,2. Par ailleurs, les formes immatures de ces tiques (nymphes) se nourrissent sur des mammifères de petite taille, tels que les lièvres, jusqu’en octobre et peuvent infecter ces animaux. Ainsi, une vigilance est recommandée lors de la dépouille de ces animaux par les chasseurs (risque lié au contact avec les fluides corporels).

Comment se protéger des piqûres de tiques ?

En l’absence de vaccin contre le FHCC, le principal moyen de réduire le risque infectieux chez l’humain consiste à se protéger contre les piqûres de tiques : 

  • lors des promenades dans la nature, porter des chaussures fermées et des vêtements couvrants de couleur claire afin de mieux repérer les tiques sur la surface du tissu, enfiler le pantalon dans les chaussettes ;
  • éviter de marcher au milieu des herbes, des buissons et des branches basses et privilégier les chemins balisés ;
  • utiliser éventuellement des répulsifs cutanés avec autorisation de mise sur le marché (AMM), en respectant bien les préconisations d’usage, (recommandations pour les voyageurs de 2023 pour les répulsifs) ;
  • s’inspecter au retour de vos promenades en forêt, dans le maquis et la garrigue ou dans le jardin notamment au niveau des plis de la peau sans oublier le cuir chevelu ; 
  • en cas de piqûre, détacher immédiatement les tiques fixées à l’aide d’un tire-tique, une pince fine ou à défaut vos ongles et désinfecter l’endroit ; 
  • surveiller son état général et consulter rapidement un médecin en cas d’apparition de symptômes dans le mois suivant l’exposition. 

1 Source Cirad

2 AVIS et RAPPORT de l'Anses relatif à l'analyse des risques pour la santé humaine et animale liés aux tiques du genre Hyalomma en France