Biosurveillance des expositions professionnelles

La biosurveillance des expositions professionnelles : un outil important pour préserver la santé des travailleurs et un levier d’amélioration de la prévention des risques chimiques au travail.

Publié le 12 mai 2021
Dans cet article

Biosurveillance en population générale et chez les travailleurs : deux approches pour une meilleure connaissance des risques chimiques de la population

La biosurveillance humaine fournit des informations utiles sur l’exposition issue de l’environnement général ou professionnel. Cet outil, qui s’est imposé au cours des 20 dernières années en France comme une des méthodes participant à la connaissance et à la prévention des risques chimiques, présente des similarités et des différences d’approches selon que l’on s’intéresse à la population générale ou à celle des travailleurs ; il comporte également des limites. 

Parmi les similarités, la biosurveillance permet d’intégrer toutes les voies d’absorption et sources d’exposition, quelle que soit la population concernée. 

Les différences entre la biosurveillance en population générale et celle professionnelle concernent le cadre réglementaire, les acteurs impliqués dans l’activité, les moments de prélèvement, les référentiels utilisés pour l’interprétation des résultats et la manière de restituer ceux-ci. 

Des limites propres à la biosurveillance peuvent être relevées, quelle que soit la population d’intérêt : absence de biomarqueurs pour l’ensemble des substances chimiques, difficulté de relier le résultat d’un dosage à un effet sanitaire, etc. Au final, les deux approches de biosurveillance contribuent à une meilleure connaissance des risques chimiques de la population. 

Etat des lieux en France de la biosurveillance des expositions professionnelles

Un des objectifs du 3e Plan santé travail 2016-2020 (PST-3) était d'impulser la biosurveillance des expositions professionnelles (encore appelée surveillance biologique) comme levier d'amélioration de la prévention des risques chimiques. La centralisation au niveau national des données recueillies au sein des services de santé au travail pourrait permettre de disposer d'un outil de surveillance de la population des travailleurs exposés dans une perspective de prévention. Une des étapes préalables à cela est de disposer d'un état des lieux de l'activité de biosurveillance des expositions professionnelles afin de comprendre son organisation et d'en apprécier a priori sa validité, ses contraintes et sa faisabilité. 

Dans ce contexte, Santé publique France a conduit en 2019 une enquête auprès d'une quarantaine de personnes de services de santé au travail, de laboratoires et de personnes expertes en toxicologie et biométrologie des expositions professionnelles. Les résultats de cette enquête ont été soumis au groupe de travail du PST-3 pour proposer d'éventuelles préconisations pour la biosurveillance des expositions professionnelles. Ces résultats montrent que les risques chimiques en entreprise sont encore souvent sous-évalués, en particulier dans les petites entreprises. La biosurveillance des expositions professionnelles reste d'un usage marginal dans les pratiques des médecins du travail au regard des expositions chimiques des travailleurs en France. Le rôle de chaque acteur est très variable selon les services de santé au travail. 

Un projet de centralisation de données de biométrologie est à l’étude afin d’avoir une vision globale, voire nationale de l'exposition à certains risques chimiques (avec une mise en perspective des résultats) et de sensibiliser aux risques chimiques en milieu professionnel encore sous-évalués à l’heure actuelle.

Des recommandations de bonnes pratiques de la surveillance biologique des expositions professionnelles (SBEP) ont été émises en 2016 par la Société française de médecine du travail en partenariat avec la Société française de toxicologie analytique et la Société de toxicologie clinique, ainsi que le soutien de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, de Santé publique France et de l'Institut national de recherche et de sécurité. 

La liste des laboratoires d'analyse de biomarqueurs est disponible dans la base de données Biotox de l'INRS (www.inrs.fr/biotox).

La biosurveillance professionnelle dans les projets européens

En tant que pilote du programme national de biosurveillance, Santé publique France est fortement impliquée dans le projet européen HBM4EU, contribue à l’élaboration de méthodes communes et bénéficie des multiples expériences européennes. La mutualisation des efforts en matière de biosurveillance vise à produire des résultats pour la recherche scientifique et la santé publique, ainsi qu’à élaborer une réglementation protectrice des populations face aux substances chimiques. 

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Les actions du groupe européen de biosurveillance professionnelle

Santé publique France collabore avec l’INRS, au sein du groupe européen de biosurveillance professionnelle, dont l’objectif est de contribuer à une meilleure connaissance des expositions professionnelles en Europe. Plusieurs types d’actions sont menées au sein de ce groupe, comme : 

  • prioriser les substances chimiques à surveiller,
  • élaborer des revues scientifiques sur les études de biosurveillance professionnelle pour les substances chimiques priorisées,
  • mettre en place des études coordonnées de biosurveillance professionnelle avec le même protocole,
  • analyser les données des études en population générale afin d’identifier des groupes de travailleurs exposés dans le cadre professionnel.

Les revues bibliographiques réalisées permettent de recenser les études de biosurveillance disponibles concernant l’exposition des travailleurs. Elles examinent des données probantes disponibles de biosurveillance professionnelle, rappellent la réglementation et identifient les lacunes en matière de connaissances. Cela permet de proposer des activités de biosurveillance et de recherche à mener chez les travailleurs. Ces revues ont ciblé certaines substances chimiques cancérogènes et/ou perturbateurs endocriniens tels que les phtalates bisphénols, hydrocarbures aromatiques polycycliques et diisocyanates (substances allergisantes).

En savoir plus :

Lancement de la première étude européenne de biosurveillance professionnelle

Le projet européen HBM4EU a permis de lancer en 2020 la première étude coordonnée en Europe de biosurveillance professionnelle autour de l’exposition au chrome, et notamment au chrome VI qui est classé cancérogène certain par le CIRC (groupe 1). Cette étude a pour but d’apporter une information sur les niveaux d’imprégnation au chrome chez les travailleurs et sur l’efficacité des mesures de protection mises en place pour en réduire l’exposition. Elle a été menée auprès de diverses catégories de travailleurs (métalliseurs et peintres) dans huit pays européens : Belgique, Finlande, France, Italie, Pays-Bas/Autriche, Portugal, Pologne et Royaume-Uni, pour lesquels un protocole harmonisé a été élaboré. En France, le terrain de l’étude est réalisé par l’INRS. Les résultats devraient apporter des éléments utiles à la Commission européenne, car à ce jour il n’existe pas de valeur limite biologique européenne adoptée dans le cadre de la directive cancérogènes et mutagènes. 

D’autres études de biosurveillance sont prévues auprès de travailleurs exposés aux diisocyanates (allergène que l’on retrouve notamment dans les mousses de polyuréthane) ou ceux travaillant dans le recyclage des déchets électroniques. Ce travail mené en coopération étroite avec d’autres pays permettra de développer la biosurveillance professionnelle afin de préserver la santé des travailleurs en Europe. 

Les travaux continueront avec le projet européen PARC qui prendra la suite d’HBM4EU en 2022.